tag:blogger.com,1999:blog-88445306352975533662024-02-22T05:40:21.597-08:00tristantremeauBlog de Tristan Trémeau, critique d'art, historien de l'art, commissaire d'expositions, enseignant. Ce blog contient des informations sur ses commissariats d'expositions et des archives de ses articles critiques.Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.comBlogger142125tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-27281641948383762992024-02-15T02:49:00.000-08:002024-02-15T02:51:05.416-08:00Nécromasse, exposition de Clothilde Sourdeval, Mons-en-Baoeul (2024)Cette lettre a été écrite pour l'exposition <i>Nécromasse</i> de Clothilde Sourdeval à la Galerie de l'artisan lunetier à Mons-en-Baroeul, près de Lille (du 3 février au 5 mars 2024). Toutes les photographies, à l'exception des deux dernières, sont de Frédéric Iovino.
<a href="http://www.patrickguionnet.fr/NECRO-MASSE" target="_blank"></a>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhOqTaD8YPmHUsVXezbjXr64M_N-mMGquTl89poih0u3-O60YM1-ilhiK6cFb1CYDdeGH-kCgYCBC8x5nKLxGoQmXUPb5gOtHXiZ3DeHktIh3QWxr9IqDn72__ZWgjcsG4BjJJMNTkJU5rGUoDu1A-HU75rAZP-Aht7noR4StvsMI9wl1zltxJ1EAQvudyU/s6048/IOV20240203-0101.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="400" data-original-height="6048" data-original-width="4024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhOqTaD8YPmHUsVXezbjXr64M_N-mMGquTl89poih0u3-O60YM1-ilhiK6cFb1CYDdeGH-kCgYCBC8x5nKLxGoQmXUPb5gOtHXiZ3DeHktIh3QWxr9IqDn72__ZWgjcsG4BjJJMNTkJU5rGUoDu1A-HU75rAZP-Aht7noR4StvsMI9wl1zltxJ1EAQvudyU/s400/IOV20240203-0101.jpg"/></a></div>
<b>Chère Clothilde,
</b>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNBWC9xFTFT65kMTU31Bak50uZpoEhGGXg7fL7NAUfDJeL1flGaBAx4pZggNVIah_MF3Uf52ZvlZEtWsQlNPwKYlI_RqB2VH1rIECo0oYG0CjYzxp-I4a4YIOhW4DIv6pjItzo7gvAIj1f55QFij_88kAjDo4BaBtxhCTVAf8rCycPMAuzsfwUkPVGpByE/s5714/IOV20240203-0006.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="3802" data-original-width="5714" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNBWC9xFTFT65kMTU31Bak50uZpoEhGGXg7fL7NAUfDJeL1flGaBAx4pZggNVIah_MF3Uf52ZvlZEtWsQlNPwKYlI_RqB2VH1rIECo0oYG0CjYzxp-I4a4YIOhW4DIv6pjItzo7gvAIj1f55QFij_88kAjDo4BaBtxhCTVAf8rCycPMAuzsfwUkPVGpByE/s320/IOV20240203-0006.jpg"/></a></div>
Je ne sais pas si on en a parlé un jour, mais me trotte souvent dans la tête une citation d'Auguste Comte, dont j'avais pris connaissance lorsqu'étudiant, et qui me revient en mémoire à l'entame ce cette lettre : « L'humanité se compose de plus de morts que de vivants ». Les raisons et le contexte d'énonciation de cette sentence, venant d'un philosophe positiviste, fondateur d'une religion de l'humanité, inspirateur des commémorations républicaines et laïques à la française des « grands hommes » et des « génies du progrès universel », ne me regardent pas ici et ne concernent nullement ce qui anime ton travail et ce qui m'y attache. On n'est pas là pour se soumettre à l'autorité des morts glorieux dont l'exemple nous éduquerait. On dira qu'Auguste Comte avait prosaïquement et intuitivement raison quant à la proportion des morts par rapport à celle des vivants composant l'humanité depuis son apparition. Des chercheurs estiment en effet que 100 milliards d'humains seraient nés sur Terre depuis l'apparition d'Homo sapiens 50 000 ans avant JC. Ainsi, 14 fois plus de morts que de vivants composeraient ce qu'on nomme l'humanité. Une sacrée masse, un beau compost, un terreau que l'on foule de nos pieds, puisque traditionnellement nous associons, du moins en Occident, la mort au sol. Et on n'a même pas encore comptabilisé les morts non humains, qui composent eux aussi cette masse, ce compost, ce terreau sur lequel nous nous mouvons. Ça peut donner le vertige. Mais singulièrement, cette conscience d'une coexistence permanente, quotidienne, avec ce qui est mort, avec celles et ceux qui sont morts, peut aussi nous assurer d'un lien, d'une appartenante à l'espèce et au vivant, puisque les conditions mêmes du vivant sont rattachées à la mort. Malgré la peine morale et la perte charnelle, que tu apprivoises dans tes toilettes mortuaires, ils et elles nous hantent, ils et elles nous parlent et on leur parle, et la fraîcheur du sol que l'on gratte jusqu'à nous en mettre plein les ongles nous frissonne et qui nous ramène à la chair, à notre chair, au vivant.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4h82a23AA9syhsNLWo0FzvjTji_giAyK4GBpUWMZBD-DX1Uclsmczhgd8J8uQeyRRVN_7dmu00szpSnctd92KqWKtmYKNyAozS735lJ2J-f-rg-t489cgVOMC6xsah_9yD4nsA5MCA6O3up-6TzoNO1nLhp9HJcarPQZizqwtbRbM6QKtmLuW7xNIIM58/s5873/IOV20240203-0007.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="3908" data-original-width="5873" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4h82a23AA9syhsNLWo0FzvjTji_giAyK4GBpUWMZBD-DX1Uclsmczhgd8J8uQeyRRVN_7dmu00szpSnctd92KqWKtmYKNyAozS735lJ2J-f-rg-t489cgVOMC6xsah_9yD4nsA5MCA6O3up-6TzoNO1nLhp9HJcarPQZizqwtbRbM6QKtmLuW7xNIIM58/s320/IOV20240203-0007.jpg"/></a></div>
Ce que j'aime dans ton travail, c'est ce bel équilibre entre mélancolie et sensualité, gravité et légèreté. Avec Nécromasse, on n'oublie pas qu'on va mourir et on n'oublie pas tous ces inconnus, ces anonymes, ces vaincus peut-être (je te sais plus benjaminienne que comtienne), qui font et fondent notre humanité, notre appartenance à l'espèce. Avec tes rituels de toilette mortuaire, on plonge avec toi dans une transe aimante et soignante, pleurante et obsédante, qui résonne avec les sensations de pâmoison et de dislocation que tu nommes si bien à propos de tes Circulations posthumes. Aller chercher dans la colorimétrie des corps en décomposition des délices chromatiques qui te parent lorsque tu performes, comme ils paraient l'environnement de ton Catwalk psychopompe, et comme ils habitent tes florales reliques de membres disloqués moulés en résine ou en savon, ravit l'amoureux des Reliquaires technologiques de Paul Thek que je suis, et avec lesquels tes sculptures, performances et installations résonnent tant. Éros et Thanatos sont associés dans tes œuvres et processus de création, aux titres de pulsion de vie et de pulsion de mort, comme de bien entendu depuis Freud, mais aussi parce que l'objet du désir peut justement être objectifié par le désir, fétichisé, saisi et approprié par l'aimant.e, par vénération, pour le plaisir ou une quête de satisfaction sexuelle ou platonique, mais encore par peur de la perte, de l'usure, de la disparition du lien et de l'aimé.e.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiuaastdX8qgtXwdPN1AHa8C2ufomoejI2nAcJdlS1buvoo6M8Xj70tJIf5u0PUAPM-q4R9jFeDZiBfrY2MSGrRi1BlmQcEbJayK9iy1VSnRj4T3MRyWV3XTFoGHIysowilSeJ6_5rRrLZxC371bkNF8SHoFRMJfX8m0NibKk0ga5yeDbJqnQb_brCZ43iA/s754/Sourdeval-Circulations%20posthumes-2020.png" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="509" data-original-width="754" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiuaastdX8qgtXwdPN1AHa8C2ufomoejI2nAcJdlS1buvoo6M8Xj70tJIf5u0PUAPM-q4R9jFeDZiBfrY2MSGrRi1BlmQcEbJayK9iy1VSnRj4T3MRyWV3XTFoGHIysowilSeJ6_5rRrLZxC371bkNF8SHoFRMJfX8m0NibKk0ga5yeDbJqnQb_brCZ43iA/s320/Sourdeval-Circulations%20posthumes-2020.png"/></a></div>
Il me semble que toutes tes œuvres et les nouveaux modes opératoires apparus progressivement ces dernières années ressortissent à des processus de traduction et de métabolisation des liens entre vie et mort qui habitent ta pratique. Traduction bien sûr, puisque tu passes d'un médium à un autre, d'une langue à une autre, du dessin à la sculpture, de la peinture à la performance, de la gravure à la photographie, attentive à ce qui se déjoue et se rejoue, se transforme et se trahit dans chacune de ces pratiques. Métabolisation aussi, parce qu'il est toujours question à la fois de dégradation et de synthèse organiques, et d'apparition de nouveaux stades (méta) de réflexivité et de mise en œuvre qui se nourrissent et se séparent des contenus et motifs psychiques bruts, inconscients comme conscients — fantasmes, désirs, peurs — qui motivent tes productions. Surtout, ces métabolisations plastiques que l'on apprécie conceptuellement comme sensoriellement, que l'on savoure à distance ou tactilement, selon le statut et la disponibilité au partage de tes productions, traduisent quelque chose de généreux et de gourmand dans ta faculté à inventer et à partager une érotique mélancolique, qui s'inscrit dans une histoire qui va au moins du Baroque langoureux du Bernin au fétichisme camp de Paul Thek, de la sensualité trouble du Caravage au minimalisme kinky et queer d'Anna Natt.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtfmWil1nCWDcpQbEoJ0IOliMG0u2dfeofFr1NpDA-2KFXdqf8dRObUqkyHPACqhNhSCBsGpi7AqWPvw7rzMxzUitKyWuFj-jD1dDTqSTL_Jlo_Q-QUMB-kc1j-4s9qkUseWzlahV7Gx_4zMjZ45lnyYbNTrpDAiHTvg10dR59mbds5x7N8d-ql_XI8uAK/s821/Sourdeval-Catwalk%20psychopompe-2021.png" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="493" data-original-width="821" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgtfmWil1nCWDcpQbEoJ0IOliMG0u2dfeofFr1NpDA-2KFXdqf8dRObUqkyHPACqhNhSCBsGpi7AqWPvw7rzMxzUitKyWuFj-jD1dDTqSTL_Jlo_Q-QUMB-kc1j-4s9qkUseWzlahV7Gx_4zMjZ45lnyYbNTrpDAiHTvg10dR59mbds5x7N8d-ql_XI8uAK/s320/Sourdeval-Catwalk%20psychopompe-2021.png"/></a></div>
Impatient de voir ta nouvelle exposition et de concevoir avec toi de nouveaux projets collectifs, je t'envoie ces deux photos souvenirs de ce moment magique où Anna Natt activa tes pieds en savon dans les vestiaires à l'entrée de l'exposition Troubles topiques au Centre Tour à Plomb à Bruxelles en juillet 2021.
Bises,
<b>Tristan</b>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjrTemMiW2H3XWlm7kY8JNsCN6FSYH4wyb8Pl9Yo9lQ5G0aCbwuSS7J3FjxGwOFcdHI4p7mIfParGjc5WRxPj01JiT0xmK3PJWOvdjwVwNB9mqCDJym7UlDrjfZJzMZEgzZ_-bUedh5cDu3-hQ7oiNccf2l5C1onrQU-U5-nMlcaRqlfa1SaL7fZcYhaWBr/s4032/IMG_2213.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; clear: right; float: right;"><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjrTemMiW2H3XWlm7kY8JNsCN6FSYH4wyb8Pl9Yo9lQ5G0aCbwuSS7J3FjxGwOFcdHI4p7mIfParGjc5WRxPj01JiT0xmK3PJWOvdjwVwNB9mqCDJym7UlDrjfZJzMZEgzZ_-bUedh5cDu3-hQ7oiNccf2l5C1onrQU-U5-nMlcaRqlfa1SaL7fZcYhaWBr/s320/IMG_2213.jpg"/></a></div>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggnW_FzONSFQfpBhqdkSeVAbFPtLVk_m8UusS_rFY48yfvXzjRX6wWLOFjbYaS1xb3PN62OTmy1f2kaQ2demrs2nqhfwljERrKjBEfOJajWBWpRv-t1re6ADECRJpuSQoe9Y0KAGPrJ5gzGJJjjXLakJuqhh5Cou1_e8y_JMXx51U4aFo3cmmsTFK8HMVl/s4032/IMG_2216.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; clear: left; float: left;"><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEggnW_FzONSFQfpBhqdkSeVAbFPtLVk_m8UusS_rFY48yfvXzjRX6wWLOFjbYaS1xb3PN62OTmy1f2kaQ2demrs2nqhfwljERrKjBEfOJajWBWpRv-t1re6ADECRJpuSQoe9Y0KAGPrJ5gzGJJjjXLakJuqhh5Cou1_e8y_JMXx51U4aFo3cmmsTFK8HMVl/s320/IMG_2216.jpg"/></a></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-73611888584127774152024-02-14T02:13:00.000-08:002024-02-14T02:13:29.368-08:00Benjamin Ottoz, Ninfa Fluida, Galerie La peau de l'ours, Bruxelles (2024)Ce texte a été écrit pour l'exposition <i>Ninfa Fluida</i> de Benjamin Ottoz à
la galerie La peau de l'ours à Bruxelles (14 janvier-2 mars 2024). English
version on the gallery's website :
<a href="https://lapeaudelours.net/ninfa-fluida/" target="_blank"></a>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjc_FBz-hV9KNlgUhht9AHigqFw59Al5XDR8l4XD3hjmKYKLK-8-fgf5z0poizJdqH1s52QfizGhjuMQbDGDJohV0Z5O6fp4pJYMkcgpXBfvfczHuMtW-IdrPO_Ur4wFmp1XmpHQiI7Y6p2pYPXwhbXNeR2bzlwA-72yl148KoYsONkFPIjvCEQHZX_u8tZ/s5808/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-1.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="400" data-original-height="3462" data-original-width="5808" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjc_FBz-hV9KNlgUhht9AHigqFw59Al5XDR8l4XD3hjmKYKLK-8-fgf5z0poizJdqH1s52QfizGhjuMQbDGDJohV0Z5O6fp4pJYMkcgpXBfvfczHuMtW-IdrPO_Ur4wFmp1XmpHQiI7Y6p2pYPXwhbXNeR2bzlwA-72yl148KoYsONkFPIjvCEQHZX_u8tZ/s400/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-1.jpg"/></a></div>
<b>NINFA FLUIDA Dans les plis de la peinture</b>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjh1ovDLlfX8ecfF_J3Uyp7zhLP_qS4LstUevjHtvckY1063UDhagr7le93U-e94nACoLZfG13tDmnfs-Ildj3aUVs6c3JhIv1UzerMwwUkQYNcyRr8Xo44FhBlYlc51geFZunJW9F45jWQ6iFM25YeIAKBokG9iRY5BY9HvYMzr1q_8M0zpHYhTqvTNWjo/s6240/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-10.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="3512" data-original-width="6240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjh1ovDLlfX8ecfF_J3Uyp7zhLP_qS4LstUevjHtvckY1063UDhagr7le93U-e94nACoLZfG13tDmnfs-Ildj3aUVs6c3JhIv1UzerMwwUkQYNcyRr8Xo44FhBlYlc51geFZunJW9F45jWQ6iFM25YeIAKBokG9iRY5BY9HvYMzr1q_8M0zpHYhTqvTNWjo/s320/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-10.jpg"/></a></div>
<i
>« Dans quelque civilisation qu'elle naisse, de quelques croyances, et
quelques motifs, de quelques pensées, de quelques cérémonies qu'elle
s'entoure, et lors même qu'elle paraît vouée à autre chose, depuis Lascaux
jusqu'à aujourd'hui, pure ou impure, figurative ou non, la peinture ne célèbre
jamais d'autre énigme que celle de la visibilité »</i
>
(Maurice Merleau-Ponty, <i>L'œil et l'esprit</i>, Paris, Gallimard, 1964)
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhP8RLn2-DBJeesMv_B9DQCxuBjauQy2ilXD4uBS3k_4UL15OsXbvbGp5_Il3GYosrKc_xgyd0V8J0q_lFV8UVx7Km_ENO5izGwTX4ZcUR1c9_Gvs4W0jZapmwaRwPf-y02kY0TF3_seH_iEciT7iFQCNfT7yAY_ljfEhrgAsGQ4Gdn7akcO1-_pLYLGvov/s4032/IMG_0973.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhP8RLn2-DBJeesMv_B9DQCxuBjauQy2ilXD4uBS3k_4UL15OsXbvbGp5_Il3GYosrKc_xgyd0V8J0q_lFV8UVx7Km_ENO5izGwTX4ZcUR1c9_Gvs4W0jZapmwaRwPf-y02kY0TF3_seH_iEciT7iFQCNfT7yAY_ljfEhrgAsGQ4Gdn7akcO1-_pLYLGvov/s320/IMG_0973.jpg"/></a></div>
Lors de ma première visite de l'atelier de Benjamin Ottoz, nous est apparu une
madeleine commune, la saveur poétique et l'acuité sensorielle des écrits
phénoménologiques du philosophe français Maurice Merleau-Ponty sur la peinture,
sur l'expérience de la vision du point de vue du peintre comme du regardeur, sur
l'énigme de la visibilité et sur la part tactile dans l'approche du visible. Il
n'est pas une moindre évidence que la peinture d'Ottoz se propose comme une
énigme visuelle. Un effet d'image semble s'imposer au prime abord, dans l'éclat
graphique ou la fluidité chromatique de motifs de plis, semblables à des
ensembles minéraux ou cristallins ou à des drapés mouillés et sensuels. Cet
effet est ensuite déjoué par l'enquête oculaire que nous ne nous privons pas
d'exercer en nous approchant des surfaces, en les scrutant jusque dans les
moindres détails, de loin, de près, de face, de biais... Alors le poudroiement
de l'acrylique pulvérisée se révèle, alors les réserves du papier se manifestent
ponctuellement, alors les rapports dramatiques de contrastes et de reliefs
perçus de loin s'estompent dans les dégradés de tons et la planéité de la
surface.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2td-Khb_s4n6J1oOFliAC4lzbls52XAVH2qo0Lynl73X73kOfGwQujWQYzLEdrBiNZDtDEpeZgCx0L9JuHQNLQzXz2NHEH0dhasjS9wVVOgz1J2nXYjXxFdsy0dZ32wVMy2LiaugSbBSeysuiIVpNlnRnpGNm7KHHh-fMCNSwIdHBFZ-xRPseh3qnZYk1/s4032/IMG_0917.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh2td-Khb_s4n6J1oOFliAC4lzbls52XAVH2qo0Lynl73X73kOfGwQujWQYzLEdrBiNZDtDEpeZgCx0L9JuHQNLQzXz2NHEH0dhasjS9wVVOgz1J2nXYjXxFdsy0dZ32wVMy2LiaugSbBSeysuiIVpNlnRnpGNm7KHHh-fMCNSwIdHBFZ-xRPseh3qnZYk1/s320/IMG_0917.jpg"/></a></div>
Si la qualité de peinture sur papier se révèle progressivement au
regard, demeure toutefois un trouble quant à l'identité de ce que nous
percevons. La facture des tableaux, ainsi que l'expérience optique que nous en
avons, de près et de loin, de face comme de biais, nous renvoient autant au
pictural qu'à l'empreinte et au sculptural. Le motif des plis y est pour
beaucoup. Non pas tant le motif au sens d'un sujet représenté que dans le sens
de ce qui a motivé l'ensemble des œuvres d'Ottoz depuis dix ans et un accident
d'atelier : reconnaître, saisir et prolonger ce que le hasard avait opéré comme
miracle pictural, quand de la peinture pulvérisée sur une sculpture avait
débordé sur un support froissé, lequel, une fois aplati et marouflé au mur,
s'était imposé à l'artiste comme une véritable épiphanie. De spectateur de cet
événement pictural, Benjamin Ottoz est devenu opérateur de son déploiement dans
ses ensembles de tableaux depuis 2014, expérimentant différentes façon de
modeler et de sculpter la surface du papier texturé, du froissé au gondolé, en
passant aujourd'hui par le métissage de ces deux manipulations du support, ainsi
que différents angles, frontaux et latéraux, de pulvérisation de la peinture sur
les reliefs. L'opération d'aplanissement par marouflage, par laquelle s'achève
chaque processus de production à la forme des œuvres, est le moment déterminant
qui provoque <i>in fine</i> le trouble optique — qui est aussi un délice sensuel
— dans l'identification même du médium pour les regardeurs. L'aplanissement du
relief, accompagné par l'estompage des contrastes dû à la pulvérisation de la
peinture (et donc à sa volatilité), provoque un effet d'empreinte, de transfert
ou de révélation, qui renvoie plus à l'estampe (par exemple au monotype) ou à
des procédés photographiques avec ou sans appareil (par exemple le photogramme)
qu'à la peinture.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcqxKQTC2dWDDGyXqI-p3gmbSNrLnKXjQ3F612Xg3Oi8nWqvSWZmjakqT-mU51ps_oHdk_9CUhd9mEBrg53GxPt4-keTfOAaD0D2Zn5YJxBlIuJtdASY2AVy2xc_acm-jnL5Y-jcINfiwD5-jsUIM8Kn7Yd0FSK7oszkukbcLRl0OqAPijW21zp9Cmmywr/s4032/IMG_0915.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcqxKQTC2dWDDGyXqI-p3gmbSNrLnKXjQ3F612Xg3Oi8nWqvSWZmjakqT-mU51ps_oHdk_9CUhd9mEBrg53GxPt4-keTfOAaD0D2Zn5YJxBlIuJtdASY2AVy2xc_acm-jnL5Y-jcINfiwD5-jsUIM8Kn7Yd0FSK7oszkukbcLRl0OqAPijW21zp9Cmmywr/s320/IMG_0915.jpg"/></a></div>
L'excitant paradoxe de cette peinture se situe bien là :
tandis que tous les processus de production à la forme des tableaux sont
visibles, ces derniers pouvant apparaître comme des documents visuels de leur
processus de création (des manipulations du support à son aplanissement, en
passant par la pulvérisation de la peinture), leurs qualités immanentes nous
feraient quasiment croire en leurs dimensions <i>acheiropoïètes</i>—
littéralement « non faites de la main de l'homme », c'est-à-dire miraculeuses.
On touche là à une des grandes aspirations mythiques de nombreux peintres : être
opérateur et premier spectateur d'un événement visuel, d'une vision qui leur
échappe en partie et au service de laquelle ils se mettent. Ce n'est pas pour
rien que lors des discussions que nous avons eues dans son atelier, Benjamin
Ottoz ait évoqué Claude Monet et Eugène Leroy, deux peintres qui aspiraient à
vivre la peinture comme un jardin, ou mieux, un humus. Ainsi le traduisait avec
délice le poète et peintre futuriste ukrainien David Bourliouk en 1913, à propos
des <i>Cathédrales de Rouen</i> de Monet (qui sont une inspiration majeure de la
démarche d'Ottoz) :
<i
>« Là, tout près, sous la vitre, poussaient des mousses, mousses délicatement
colorées de tons subtilement orangés, lilas, jaunes ; il semblait (et il en
était en réalité ainsi) que la couleur avait les racines de leurs fibrilles —
fibrilles qui s'étiraient vers le haut à partir de la toile, exquises et
aromatiques »</i
>.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiKW3KBxHUl_HHdTv_wgQxTnrNxdnvRhKbKpBzhGCXi0_XlhLI0mll7P2P1DdtVHBaH2YybrIrN85DHqmtpAQoWrKfHu2v5Cbn27azxRAJuEwxYFNl5fho62KfNiE9g49XjAOpntw41LcMoLTHMndK_h5dR7BK5xJYPsCPnn_1GQb-JFb37ShYSsWETck3e/s4032/IMG_0916.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiKW3KBxHUl_HHdTv_wgQxTnrNxdnvRhKbKpBzhGCXi0_XlhLI0mll7P2P1DdtVHBaH2YybrIrN85DHqmtpAQoWrKfHu2v5Cbn27azxRAJuEwxYFNl5fho62KfNiE9g49XjAOpntw41LcMoLTHMndK_h5dR7BK5xJYPsCPnn_1GQb-JFb37ShYSsWETck3e/s320/IMG_0916.jpg"/></a></div>
Certes, les œuvres de Benjamin Ottoz ne présentent aucun rapport avec celles
de Claude Monet et d'Eugène Leroy sur le plan de la facture, néanmoins un même
état d'esprit d'accueil, de reconnaissance et d'accompagnement de l'évènement
pictural l'anime <b>(1)</b>. D'abord monochromes puis bichromes, ses tableaux se
présentent par ailleurs désormais comme polychromes, dans la continuité des
peintures sur pierres (<i>Fragments</i>), exposées en 2022 à la Galerie La peau
de l'ours (<i>Pierre Papier Peinture</i>). Ceci accroît en complexités
chromatiques et en qualités haptiques les effets picturaux qui habitent les
surfaces préalablement pliées, entre hasard aventureux et maîtrise protocolaire
des outils. Ces dernières œuvres sur papier dialoguent enfin, dans l'actuelle
exposition, avec de nouveaux volumes en polystyrène peints qui, découpés et
fragmentés, évoquent et travaillent d'autres dimensions sensorielles et
imaginaires, renvoyant à l'expérience du paysage et convoquant la mémoire de la
peinture impressionniste.
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj_5REbaQoJ98CtNuYqXX9X1wLvq34EudADOYrAhQ6lqv8vOJso0MG5wk110MvyjtZaFlaBEgByafhRWn72W22f4AH3svqKANLeFkjuA-sEbLRpzvajf1wxtxIXJWyH9_wjGzPtpFy-AjgBvBd1-lDwvhLZ-9rjeOlmg43Wim95GUxSdcgOCIM8q9XKJ4Nt/s4032/IMG_0975.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" height="320" data-original-height="4032" data-original-width="3024" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj_5REbaQoJ98CtNuYqXX9X1wLvq34EudADOYrAhQ6lqv8vOJso0MG5wk110MvyjtZaFlaBEgByafhRWn72W22f4AH3svqKANLeFkjuA-sEbLRpzvajf1wxtxIXJWyH9_wjGzPtpFy-AjgBvBd1-lDwvhLZ-9rjeOlmg43Wim95GUxSdcgOCIM8q9XKJ4Nt/s320/IMG_0975.jpg"/></a></div>
Ce qui frappe dans les œuvres de Benjamin Ottoz est
leur capacité à la fois à saisir et à retenir le regard, à susciter en nous une
lente et profonde maturation réflexive et sensible de l'expérience esthétique
qu'elles suscitent, de par leur ambiguïté et le trouble sensoriel qu'elles
génèrent. Face à ces plis qui nous émeuvent par une sensualité, si ce n'est une
érotique, des flux et des mouvements qui ont accompagné les processus de
création des tableaux, nous sommes à notre tour émus et portés par ces
<i>« mouvements du désir »</i> ou ces
<i>« effets de fluidification généralisée »</i> dont parle l'historien de l'art
Georges Didi-Huberman dans son livre
<i>Ninfa fluida. Essai sur le drapé désir</i> <b>(2)</b>, et qui nourrit
l'imaginaire des dernières œuvres et de cette exposition d'Ottoz.
<b>Tristan Trémeau</b>
<div class="separator" style="clear: both;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4FGvBMtOU9qlzPDjjRZuXhIW0VaXRiQi_rBIXYotQ4Xcnct_FZf2yON-j9Q2_1Q9SXW5TFRIJ5u07iRKu5MHik9Pb_apWwQsjanxclmI7a02W1wv-5zMrUwqfvGWrst93jpR8v54Mqv1TQXnBS4Z6BSqhnszwBZQmVTsa1BDIEnyISkbZSXEgu35KPm3P/s6240/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-19.jpg" style="display: block; padding: 1em 0; text-align: center; "><img alt="" border="0" width="320" data-original-height="3512" data-original-width="6240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4FGvBMtOU9qlzPDjjRZuXhIW0VaXRiQi_rBIXYotQ4Xcnct_FZf2yON-j9Q2_1Q9SXW5TFRIJ5u07iRKu5MHik9Pb_apWwQsjanxclmI7a02W1wv-5zMrUwqfvGWrst93jpR8v54Mqv1TQXnBS4Z6BSqhnszwBZQmVTsa1BDIEnyISkbZSXEgu35KPm3P/s320/LPDO_BenjaminOttoz_Ninfafluida_photoaesthetestudio-19.jpg"/></a></div>
<b>(1)</b> Les filiations artistiques ne sont pas qu'affaires de facture et de
style, loin de là. Ainsi, puisqu'il en est question ici, Leroy était-il fasciné
par Malévitch, qui lui-même admirait les <i>Cathédrales</i> de Monet et qui
écrivit, à la suite de Bourliouk, des phrases assez semblables à leur sujet.
<b>(2)</b> Le livre a paru aux éditions Gallimard, à Paris, en 2015.
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-43360802489505060432023-04-14T08:09:00.000-07:002023-04-14T08:09:38.057-07:00TU LE CONNAIS CE VERTIGE (ALEXIS TROUSSET, L'ETRE LIEU, ARRAS, 2023)<p style="text-align: center;"> <b style="font-family: "Times New Roman", serif;">TU LE CONNAIS CE VERTIGE</b></p><p style="text-align: center;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif;">(ALEXIS TROUSSET, L'ÊTRE LIEU, ARRAS, 2023)</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Tu le connais ce vertige, quand tu ne sais pas entrer dans l'étendue, quand tu n'es plus bordé, épaulé, par des murs, des parois. Quand tout ce que tu trouves à faire est de reculer vers les dunes pour t'y loger, t'y mouler, et y gratter, y creuser le sable pour rencontrer du bout des doigts la fraîcheur enfouie et satisfaisante des grains unis par l'humidité. Tu le connais ce vertige, quand ton corps penche vers la gauche ou la droite, en tout cas vers ce qu'il te semble t'assurer d'une stabilité, d'un ancrage, pour te départir de ta peur du vide. Car c'est cela, au fond, ce qui couve en permanence chez toi, c'est cette peur du vide, qui est une peur de l'incommensurable. Sans doute des poètes ont écrit là-dessus, mais la poésie t'ennuie, elle t'énerve même. Tu la trouves trop souvent kitsch. Sauf celle qui hurle. Sauf celle qui bégaye. Pourtant il y aurait de quoi dire sur ce qui bascule à ce moment-là, sur ton impossibilité à avancer dans l'étendue. Mais tu ne le fais pas, comme si prendre le risque de nommer était prendre le risque de devenir fou. Oui, c'est ça, tu as peur de devenir fou. C'est peut-être pour ça que tu aimes tant ceux qui le hurlent, le grimacent, le chuintent à ta place, parce que justement ils le font à ta place. Et toi, d'une certaine manière, tu te satisfais d'un partage d'expérience à distance. Bon boulot les gars, je me sens moins seul dans ma panique. En attendant, les lire et les écouter ne t'empêche pas d'être toujours en panique dès que vertiges, dès qu'étendues, dès que vide, dès que sentiment d'incommensurable. Et tu te sens bien con et désemparé.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhliaZveoBhhBpF2mBlpxuR258Ps7wH9PPWKQzI6ofsNQVJm2cZIOzFPzLx3aRbiMwu_J7tfOudKeB14YsGfXG9qvcHBZxMXrf_D8f-sjtMU4E_gPr79u6qDtiv0P8KJXZ2EsRVNdNMsLWG0RIJrQHbCwl0W-8SCwehZRoFKeuMBl-NB5-AKyOVWKwsZg/s5599/Alexis%20Trousset,%20Vertige,%2031%20x%2024cm%20encre%20de%20cendre,%20acrylique%20chassis%20en%20bois%20troue%CC%81%20minution%20d'acier,%202002_Photographie%20%C2%A9%20Alexis%20Trousset.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="5599" data-original-width="4508" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhliaZveoBhhBpF2mBlpxuR258Ps7wH9PPWKQzI6ofsNQVJm2cZIOzFPzLx3aRbiMwu_J7tfOudKeB14YsGfXG9qvcHBZxMXrf_D8f-sjtMU4E_gPr79u6qDtiv0P8KJXZ2EsRVNdNMsLWG0RIJrQHbCwl0W-8SCwehZRoFKeuMBl-NB5-AKyOVWKwsZg/s320/Alexis%20Trousset,%20Vertige,%2031%20x%2024cm%20encre%20de%20cendre,%20acrylique%20chassis%20en%20bois%20troue%CC%81%20minution%20d'acier,%202002_Photographie%20%C2%A9%20Alexis%20Trousset.jpg" width="258" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Alexis Trousset, Vertige, 2002, 31 x 24cm <br />encre de cendre, acrylique chassis en bois troué munition d'acier<br />© Alexis Trousset</td></tr></tbody></table></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;">Même sur les ponts qui traversent des fleuves, tu le connais ce vertige. Dès que tu débouches de dédales de rues où tout allait bien, où tu te sentais épaulé, situé, accompagné par les murs, tu perds les pédales quand tu déboules dans une portion d'espace un peu vide. Pas grand' chose pourtant, pas du vaste, pas de l'étendue à perte de vue ; un bête fleuve, quelques arches de pierre ou de métal, une vue du ciel qui s'élargit. Une exposition à de nouvelles sensations que tu vis comme abrupte et vertigineuse, et qui ne semble affecter personne autour de toi, puisque les autres continuent de marcher, de traverser, de parler, comme de rien n'était. Alors tu maugrées, tu pestes contre toi-même, tes foutus vertiges et tes foutues peurs. Oui, tu as appris à gérer suées et apnées, oui, tu trouves le moyen par dandinement de tes hanches d'alléger ce qui te gonfle aux tripes et te coince dans ton allant. Mais bon sang, qu'est-ce que tu préfèrerais y aller d'un pas léger, sans maugréer, sans te parler, sans te marmonner des rassurances, sans te donner des claques aux cuisses. Heureusement tu ne pars jamais totalement en panade, tu ne t'effondres pas sur place, parce que que tu sais que tu n'es pas le seul à être traversé par ce que tu vis là, parce que tu as déjà vu des gens ainsi maugréer, se marmonner des trucs inaudibles, se tendre et se détendre, se tordre et se détordre, ralentir et accélérer le pas, jambes et bras en saccades. Pas sûr que vous vous entendriez, mais te vient quand même l'idée amusée de créer un club d'entraide, entre maugréeurs paniqués sujets au vertige, sujets aux paniques métaphysiques. Ça y est, tu l'as lâché le grand mot. Qu'est-ce que tu fous là, pourquoi y-a-t'il de l'être, des choses, du monde plutôt que rien ? ; oui tu le sais et te le dis depuis longtemps — tu ne sais pas pourquoi il y a de l'univers, du monde, de l'être, bref de l'il y a, tu ne le sauras jamais et tu mourras sans le savoir, et c'est très bien comme ça, ou en tout cas c'est comme ça. Mais quand d'autres brèches apparaissent, quand tout te semble foutre le camp ou s'effondrer, quand tout ce qui concourait à t'assurer d'une relative sérénité dans l'existence, du plus proche au plus lointain, ça te revient en pleines tripes, ça bouleverse ton omphalos, siège de tes vertiges. Et là, même plus besoin d'une étendue ou d'un pont, ça te prend n'importe quand, assis à ton bureau, marchant dans la rue, tandis que tu lis un roman dans ton lit ou regarde un film dans une salle de cinéma. De nouveau tu paniques, de nouveau tu te dandines pour te décoincer le bassin et fluidifier ton souffle, de nouveau tu te donnes des claques aux cuisses, aux fesses, au visage, de nouveau tu balances des grands souffles et te dénoue les épaules, de nouveau tu t'éponges visage, nuque et avant-bras avec un mouchoir en papier trempé d'eau, de nouveau tu vas chercher le contact de surfaces, de textures, de volumes et de plis de tout ce qui te tombe sous la main, de tout ce qui t'entoure. Table, meubles, murs, tissus, lit, sable, arbres, herbes, tout peut servir à te détourner du vertige, pour te ré-ancrer dans l'ici-et-maintenant des sensations tactiles, olfactives, sonores, gustatives, qui te rassurent pour un temps. Ça, plutôt que balancer des coups dans des murs, ça plus que te faire mal. Tu n'en as pas besoin pour éprouver que tu existes, pour reconnaître qu'il y a de la réalité sensible et sensorielle ici-et-maintenant malgré le vertige, qui te bascule dans une forme d'abstraction, de voltige mentale qui te fait peur. Tu comprends que cette autre voie de sortie du vertige existe. Ce n'est pas ton truc, mais tu comprends ceux qui se font mal, qui se déboîtent ou se pètent des articulations en pareil cas. Et là tu souris et te dis que, même en panique, tu arrives toujours à te situer par rapport à d'autres vécus, tu arrives toujours à te mettre en relation avec d'autres expériences, quand bien même tu n'en parles à quiconque, que c'est ça aussi qui te ramène au commun, du moins à ce qui peut faire commun, ici — là — le vertige et son oubli, les causes métaphysiques de nos paniques et les barrages, les protections que les uns et les autres construisent ou s'accordent. Tu sais que tu n'es pas seul.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjG45_lCn25JdelRhwDcPjALgnL8b4Mykhp2-mjyr5Td-01M_8ItVtI31J5ODUkmjkmEgJPNCbDbaWI3T-5ugQ7GB1RI7CRcTI2ZR0CH3leSnvCWpgZKOqCCRdPcXTgb56YuiyD66EyOHbxeh4izPXZaj_iAwbqdtWF3cwDHvNGX64bo6A5kxaVQ9Q_Vg/s6051/%20Alexis%20trousset,%20S%E2%80%99e%CC%81lever%20a%CC%80%20la%20particule,%20200%20x%20149%20cm,%202016-2017,%20encre%20et%20acrylique%20sur%20cha%CC%82ssis.%20Photographie%20%C2%A9%20Olivier%20Despicht.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="6051" data-original-width="4693" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjG45_lCn25JdelRhwDcPjALgnL8b4Mykhp2-mjyr5Td-01M_8ItVtI31J5ODUkmjkmEgJPNCbDbaWI3T-5ugQ7GB1RI7CRcTI2ZR0CH3leSnvCWpgZKOqCCRdPcXTgb56YuiyD66EyOHbxeh4izPXZaj_iAwbqdtWF3cwDHvNGX64bo6A5kxaVQ9Q_Vg/s320/%20Alexis%20trousset,%20S%E2%80%99e%CC%81lever%20a%CC%80%20la%20particule,%20200%20x%20149%20cm,%202016-2017,%20encre%20et%20acrylique%20sur%20cha%CC%82ssis.%20Photographie%20%C2%A9%20Olivier%20Despicht.jpg" width="248" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Alexis Trousset, S’élever à la particule, 2016-2017 <br />200 x 149 cm, encre et acrylique sur châssis. <br />© Olivier Despicht</td></tr></tbody></table><br /><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Et là tu as envie de sourire de complicité avec Kazimir Malévitch, dont tu aimes à dire que son </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Quadrangle noir</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> est ton talisman, que ce tableau est l'image mentale que tu te souviens parfois de convoquer lorsque tu subis les assauts du vertige et que tu paniques.</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Tu aimerais avoir son aplomb ironico-métaphysique et sa radicalité mystico-anarchiste : </span><span style="color: #050505; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><i>"Pour celui qui ne crois pas reste... rien, ce que j'appelle le sans-objet. La beauté n'est plus, ni Dieu, ni la lumière de la science, ni l'art... Le sans-objet, étant rien, n'a rien à offrir. Rien, encore, tout sur quoi se fonde l'éternelle peine des hommes, rien, aussi, tout ce qui n'est qu'utile. Et pourtant, rien a créé et la nature et l'homme : sans lui, ils ne sont pas. Entre les deux oscille notre interrogation sans fin : quoi donc..." </i><b>(1)</b></span><span style="color: #050505; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc" style="font-size: 0.57px;"><sup>1</sup></a>.</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Malévitch rêvait d'un monde sans objet, désaliéné de tout commerce, de toute forme de poids, de toute réification et de la gravité terrestre. Malévitch se projetait tel un plan libre dans l'espace infini, sans haut, ni bas, ni droite, ni gauche, ni quoique ce soit qui le borde, ni l'assure contre la chute à l'endroit ou à l'envers. Et là tu te souviens d'un cauchemar qui t'avait saisi d'effroi, une nuit à Rome il y a trente ans, quand tu vécus une effrayante sensation de chute à l'envers tandis que projeté dans l'espace. Tu te souviens aussi d'une nouvelle de Ray Bradbury, au bout de laquelle tu n'avais pas pu aller car trop plein de frayeur à lire l'histoire d'un cosmonaute en perdition. Tu te dis que Malévitch avait su dompter ses angoisses et considérer de façon apaisée, à la fois fataliste et heureuse, le non-sens de tout, ou plutôt l'absence de sens de tout, en-deçà et au-delà de toute construction de sens, de tout ce qu'on construit pour ne pas y penser, pour ne pas basculer, pour ne pas chuter. D'ailleurs ne parlait-il pas d'insenséité ? — quel beau mot te dis-tu ! N'était-il pas un adepte du </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">zaoum</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> (de la poésie trans-mentale, de l'a-logisme, d'un au-delà de la raison ou de l'esprit), qui destituait le supposé sens commun et déplaçait le travail poétique dans le chaos et le brouhaha des signifiants libérés totalement, ou en partie, de la langue et des signifiés pétrifiés, comme disait son ami le poète Velimir Khlebnikov, à une époque où beaucoup vibraient à l'idée de la quatrième dimension, aux recherches d'Ernst Mach sur la vitesse du son, puis à la théorie einsteinienne de la relativité générale. Ça les rendait tout fous, comme le rapporte Roman Jakobson à propos de Maïakovski : </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">« </i><span style="color: #050505; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><i>Au printemps 1920 je revins dans une Moscou totalement fermée par le blocus. J'avais apporté de nombreux livres européens, des informations sur le travail scientifique de l'Ouest. Maïakovski m'obligea à répéter plusieurs fois mon récit confus sur la théorie générale de la relativité et sur les discussions qui devenaient de plus en plus importantes à son sujet à cette époque. La libération de l'énergie, la problématique du temps, la question de savoir si la vitesse qui dépasse le rayon de la lumière n'est pas un mouvement en arrière dans le temps, tout cela captivait Maïakovski. Je l'ai rarement vu si attentif et si passionné. — Mais, tu ne penses pas, demanda-t-il soudain, qu'ainsi sera conquise l'immortalité. Je le regardai avec stupéfaction et bredouillai quelques mots incrédules. Alors, avec la ténacité hypnotisante que connaissent sans doute ceux qui ont connu Maïakovski de près, son visage commença à remuer : "Et moi je suis parfaitement convaincu que la mort n'existera pas. On ressuscitera les morts. Je trouverai un physicien qui m'expliquera point par point le livre d'Einstein. Car il n'est pas possible que j'aie si mal compris. Je paierai à ce physicien une ration académique » </i><b>(2)</b><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc" style="font-size: 0.57px; font-style: italic;"><sup>2</sup></a><i>.</i></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Oui, tu l'aimes Malévitch, tu aimes son rapport au chaos et au vertige, tu aimes ce qu'il en fit dans sa peinture, sa poésie et ses conceptualisations théoriques, dans leur motivation à la fois grave et ironique, légère et mystique. Tu l'aimes ce </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Quadrangle noir</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, pourtant porteur de tout ce qui te fout le vertige. Pourquoi ? Parce que tu as la même conviction que Carl Einstein, selon laquelle </span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><i>« le caractère clos des œuvres d'art, leur effet hypnotique reposent sur le fait qu'elles réclament et accaparent un maximum d'énergie »</i></span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, et que </span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><i>« cela donne au contemplateur la force de briser la continuité du monde à l'aide de la figure totalisée et d'échapper pour un temps à l'angoisse de mort »</i></span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">. Ainsi, </span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><i>« chaque totalisation crée des états de discontinuité, et c'est en cela que réside une chance pour la liberté humaine » </i><b>(3)</b><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc" style="font-size: 0.57px; font-style: italic;"><sup>3</sup></a></span><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">. Tout ça ? Oui, tout ça. Carrément. Sinon, à quoi bon des œuvres ? Ce n'est sans doute pas Alexis Trousset qui contredira cette conviction, que tu partageais avec un avec un artiste commun, Bernard Guerbadot, lui aussi habité par une vive conscience du chaos et du vertige, qu'il métabolisait dans des œuvres qui semblaient sans repos dans leurs processus de production à la forme — comme le sont, autrement, celles d'Alexis Trousset, dans la sorte de chaos pétrifié ou cristallisé qu'elles dessinent, dans le brouhaha visuel des lignes, des points et des éclats qui se connectent par fragments et par capillarité. Dans son atelier, à regarder ses œuvres et à l'écouter, tu étais saisi par ces résonances avec ce qui t'habite et ce qui, à l'exception des œuvres d'art, d'ordinaire te panique, et qui là t'assure d'une sorte de communauté d'esprit et de plaisirs par résonances spirituelles et sensorielles.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilb09CjJkQQ0IoVh3-K-w-XphxqfaKGoqiBKkfYx2I3GF6LPto0kSBtOjNmVc3urkr898hQuaV_Ajh8AarhkYZUe44FAKlCRMZ0iWt3b7kG4XhEcdolfUhx_3JoGOUXq-yxkrpg9gXov60K3WJIof9wcJwIf7XdP7gEBLGxg2zpo79cTaedWxjFadgww/s5291/Alexis%20Trousset,%20Soliloque%20de%20la%20mouche,%20133%20x%20117%20cm,%202017%20Laque%20noire%20et%20encre%20a%CC%80%20base%20de%20cendres%20et%20de%20poussie%CC%80res%20d'aluminium%20sur%20chassis-caisson%20de%CC%81coupe%CC%81%20et%20troue%CC%81_Photographie%20%C2%A9%20Alexis%20Trousset.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="5291" data-original-width="3527" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEilb09CjJkQQ0IoVh3-K-w-XphxqfaKGoqiBKkfYx2I3GF6LPto0kSBtOjNmVc3urkr898hQuaV_Ajh8AarhkYZUe44FAKlCRMZ0iWt3b7kG4XhEcdolfUhx_3JoGOUXq-yxkrpg9gXov60K3WJIof9wcJwIf7XdP7gEBLGxg2zpo79cTaedWxjFadgww/s320/Alexis%20Trousset,%20Soliloque%20de%20la%20mouche,%20133%20x%20117%20cm,%202017%20Laque%20noire%20et%20encre%20a%CC%80%20base%20de%20cendres%20et%20de%20poussie%CC%80res%20d'aluminium%20sur%20chassis-caisson%20de%CC%81coupe%CC%81%20et%20troue%CC%81_Photographie%20%C2%A9%20Alexis%20Trousset.jpg" width="213" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Alexis Trousset, Soliloque de la mouche, 2017,<br /> 133 x 117 cm, laque noire et encre à base de cendres <br />et de poussières d'aluminium sur chassis-caisson découpé et troué<br />© Alexis Trousset</td></tr></tbody></table><br /><span lang="fr-FR" style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Ce chaos et ce brouhaha visuel, cristallisé en chaque œuvre d'Alexis Trousset, c'est ce que tu retrouves dans le chaos et le brouhaha de la poésie sonore, de la poésie hurlée, chuintée, bégayée, borborygmée que tu trouves seule vivante, non réifiée, non kitschifiée. C'est ce que tu retrouves dans le chaos et le brouhaha des sensations vécues à l'écoute du free jazz et de la musique concrète et électro expérimentale. C'est ce que tu retrouves dans le chaos et le brouhaha du monde quand, pour résister aux vertiges, à la panique, à ta peur du vide et de la bascule, tu colles l'oreille ou touches des yeux toutes les surfaces que tu rencontres, caresses, explores, épouses, toutes ces surfaces où tu reposes à l'écoute de leur grouillement, de leur respiration, de leur éclat. Oui, tu les suis, tu te loves et te repais de leurs lignes, de leurs failles, de leurs béances, de leurs énergies pour renouer avec des sensations de vie, là où le chaos des particules, des textures et des matières te bouleverse positivement, quand le vertige t'effondre, te vide, t'épuise, te sépare du vivant et du vibrant.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Tristan Trémeau</b></p><div id="sdfootnote1"><p align="LEFT" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="color: #050505;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: x-small;"><b>(1) </b>Kazimir Malevitch, "La philosophie du kaléïdoscope" (1922), in Jiri Padrta, "Le monde en tant que sans-objet ou le repos éternel", Malévitch Cahier 1, L'Âge d'Homme, 1983.</span></span></span></p></div><div id="sdfootnote2"><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><b>(2) </b>Roman Jakobson, <i>Questions de poétique</i>, Paris, Seuil, 1973.</p></div><div id="sdfootnote3"><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><b>(3) </b>Carl Einstein, <i>Georges Braque</i>, Bruxelles, La Part de l'Œil, 2003 (1932), traduction de Jean-Loup Korzilius, p.53.</p></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-4655810102779290332022-02-23T07:22:00.001-08:002022-02-23T07:22:22.591-08:00Une trouplante vision, à propos d'un dessin de João Vilhena (2017)<div style="text-align: justify;">"Trouplante vision" est un court texte inspiré par le dessin <i>L'amour à bord</i> de l'artiste portugais <span style="text-align: left;">João Vilhena, publié dans le catalogue monographique <i>Fictions et cri de soie</i>, édité par la Galerie Alberta Pane (Paris, Venise) en 2017, avec le soutien du CNAP.</span></div><div style="text-align: justify;"><span style="text-align: left;"><br /></span></div><div style="text-align: center;"><b><br /></b></div><div style="text-align: center;"><b>UNE TROUPLANTE VISION </b></div><div><br /></div><div style="text-align: justify;">De tous les dessins de grand format de João, L'amour à bord est peut-être celui qui produit le plus de distanciation et d'intrigue. Une première distanciation, temporelle, naît du motif (un couple aux parures vieillottes s'embrasse dans une barque) et de l'effet de distorsion spatiale de la représentation agrandie d'une photographie noir et blanc, au liseré flou, qui la renvoie au passé. Une seconde distanciation, spatiale, s'impose avec la vision, au premier plan, d'une main qui tient celle que lui tend la femme. Elle suggère un hors-champ et génère l'idée d'un témoin oculaire. Il n'est pas question de prendre sa place, le dispositif de représentation m'en empêche. Je suis renvoyé à moi face au dessin, à mon espace mental, et à ce que cette représentation peut provoquer comme spéculation sur la situation intrigante de ce trio. Au sentiment de menace symbolique né de l'ombre qui s'étend de la totalité du visage de l'homme à une partie de celui de la femme, s'ajoute la potentielle menace physique de la main massive à six doigts de l'homme obombré et obombrant, qui repose sur la gorge offerte, et qu'une des trois mains de la femme retient ou accompagne. Six doigts, trois mains : autre mécanique de distanciation qui identifie l'image à un rêve. Plus qu'un rêve trouplant de polyamoureux, l'hypothèse d'un fantasme candauliste mâtiné de bdsm liant un couple (le personnage hors-champ et la femme) à un partenaire choisi pour ses compétences sadiques s'instille. D'autant qu'elle n'exclut pas une autre hypothèse, d'un désir de strangulation érotique de la femme habitant le personnage hors-champ, et délégué fantasmatiquement à un tiers. Le supposé compagnon de la femme (les mains enlacées comme manifestation du lien), serait à la fois l'ordonnateur et le témoin se délectant de la scène, suspendu à son dénouement, entre tension et tranquillité. Je devine son sourire, et peut-être même sa respiration. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: center;"><b>Tristan Trémeau</b></div><div style="text-align: center;"><b><br /></b></div><div style="text-align: center;"><b><br /></b></div><div style="text-align: center;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/a/AVvXsEjUwYNcKe8KloeaTnJzFZJGvhTBTTQD8g_OaO19IJx4IzZRYh5hAU5QElLHwrp6_mAt7qfJ0pYCJLq6-NEoV39fYMQilzK4d_UvDOipj1WuEd1r9c3-tbJ8a7WM_KbBvH_7o_KAqtfxYgjwnjLdIqiKQ6DjANQ6Vv2fb6BxLYRPBI1OY9ceJNYLYlBFEQ=s4000" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="4000" data-original-width="2960" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/a/AVvXsEjUwYNcKe8KloeaTnJzFZJGvhTBTTQD8g_OaO19IJx4IzZRYh5hAU5QElLHwrp6_mAt7qfJ0pYCJLq6-NEoV39fYMQilzK4d_UvDOipj1WuEd1r9c3-tbJ8a7WM_KbBvH_7o_KAqtfxYgjwnjLdIqiKQ6DjANQ6Vv2fb6BxLYRPBI1OY9ceJNYLYlBFEQ=s320" width="237" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">João Vilhena, <i>L'amour à bord</i>, 2015, pierre noire, 49 x 29,7 cm</p></td></tr></tbody></table><br /><b><br /></b></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-52288583121027698742021-08-15T15:39:00.004-07:002021-08-15T15:39:55.772-07:00TROUBLES TOPIQUES - MÉTAPHYSIQUE INTESTINALE (RÉSIDENCE D'ÉCRITURE, FESTIVAL ÉROSPHÈRE, 2019)<p style="text-align: justify;">Autre texte écrit pendant ma résidence d'écriture en duo avec le dessinateur <span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Vilhena, <a href="https://www.erosticratie.fr/residence-dessin-ecriture" target="_blank"><i>Double aveugle</i></a>, lors du "festival de créativités érotiques" Érosphère 2019 à Paris, <i>Troubles topiques (métaphysique intestinale)</i>, a donné son titre à l'exposition <a href="https://touraplomb.be/agenda/expo-troubles-topiques" target="_blank"><i>Troubles topiques</i></a> au Centre Tour à Plomb à Bruxelles (7 juillet-28 août 2021). Ce texte a été écrit pendant deux ateliers <a href="https://0bf3404a-675b-4b7f-b24a-2dcd12c12fa6.filesusr.com/ugd/c43e98_2ba9f6056203459985b42fdefe17a1fc.pdf" target="_blank">Shit Really Happens</a>, animés notamment par Anna Natt, artiste chorégraphe et performeuse que j'ai invitée ensuite pour réaliser des médiations troublantes à l'adresse des spectateurs et visiteuses de l'exposition <i>Troubles topiques</i>.</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Les images qui accompagnent ici ce texte sont des selfies réalisés par Anna Natt dans l'exposition <i>Troubles topiques</i>, en relation avec une sculpture de Jean-Charles de Quillacq, <i>Shopping</i> (2019, résine epoxy, Trabender, urine, Viagra, 340 x 40 cm).</span></p><p style="text-align: justify;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Voici le texte, dont une version sonore, enregistrée au printemps 2021 dans le studio de Damon Bruder à Bruxelles, peut être écoutée en streaming sur mon Soundcloud : <a href="https://soundcloud.com/user-842759610/troubles-topiques-metaphysique-intestinale" target="_blank">https://soundcloud.com/user-842759610/troubles-topiques-metaphysique-intestinale</a></span></p><p style="text-align: center;"><br /></p><p style="text-align: center;"> <b>TROUBLES TOPIQUES (MÉTAPHYSIQUE INTESTINALE)</b></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-align: left;">Placer l'œil sous le contrôle de la main.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Mais vite ça dérape.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">L'esprit se concentre sur les doigts.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Yeux fermés.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Les sensations irradient du bout des doigts vers le coude, l'épaule, l'échine, l'occiput.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Connexion totale.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">La main dans le cambouis. Ça granule. Les doigts se jouent des grains. Les prélèvent, les roulent, dans le conduit anal, les approchant du seuil de l'œillet, les repoussent pour sentir plus longuement leur volume qui prend une ampleur tactile nouvelle, considérable proportionnellement à leur taille et à celle du boyau. L'esprit concentré à leur endroit s'en fait une mesure disproportionnée. Un simple regard sur les grains, sur leur réalité physique, matérielle, dénoncerait cette sensation. Votre esprit est au bout de vos doigts. Là où les sillons digitaux s'imprègnent de ces grains, de la sensation disproportionnée de ces pépites qui habitent le boyau familier. Celui qui chaque jour, chaque matin en particulier, libère vos étrons de toute cette machinerie organique que vous êtes parfois surpris de ne pas sentir fonctionner.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Et là, vous pensez à d'autres troubles vécus en de toutes autres circonstances. Tel ce jour où, sur une plage, au bord des vagues, fouetté par le vent, vous ne compreniez pas pourquoi, comment il se faisait que vous ne subissiez pas la puissance des éléments, la puissance de l'étendue et du volume marins, incalculables. Un vertige vous avait pris, amorce d'une panique née de l'incompréhension d'une telle douceur du Monde, de l'univers. Respirer même vous semblait idiotement si facile, trop facile. Ce n'est pas normal vous disiez-vous. Ce n'était pas normal que tout soit si doux, si facile. Que ce soit si facile à être. À respirer. Si facile d'entrer dans la mer sans subir sa puissance.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgiLA23kjNl7OchsZ7too5I7BzLZmj6G_kxldp3rAcTH_UTMWtEdj94B_wvWoF22bZ6hom8rbvD-Ebu0zvQfh6UMesWj-L6LJn3-rQPCg2BfH0nnCQCbAkzh6APIgYKZBbW2yFYz9vZZIcq/s1600/c9badf24-8f52-4c01-ad98-787321b6346b.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1200" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgiLA23kjNl7OchsZ7too5I7BzLZmj6G_kxldp3rAcTH_UTMWtEdj94B_wvWoF22bZ6hom8rbvD-Ebu0zvQfh6UMesWj-L6LJn3-rQPCg2BfH0nnCQCbAkzh6APIgYKZBbW2yFYz9vZZIcq/s320/c9badf24-8f52-4c01-ad98-787321b6346b.jpg" width="240" /></a></div><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Et là, jouant des doigts avec ces granules de merde dans votre boyau, vous vous étonnez de cette fluide et indolore, inaudible et tranquille mécanique de votre estomac et de vos intestins. Cette salle des machines qui ne fait aucun bruit, qui a aucun moment ne se manifeste. Vos crottes sont toujours sereines, bien moulées. Certes, parfois, elles poussent au portillon. Certes, parfois, elles ne sauraient recevoir le nom de crottes tant elles se délitent, informes, échevelées, déchiquetées. Mais au fond vous n'avez jamais vécu de troubles machiniques. Vous devriez en être heureux, même satisfait. Cependant, justement, cela vous trouble. De ne rien sentir de pénible. De ne rien entendre de cette machinerie organique. Comme s'il y avait un vide en vous. En plein centre de vous. Le vide dans votre bide. Et là vous n'avez qu'une envie. De plonger, de voyager à l'intérieur de votre bide, de vos intestins. Pour en connaître le territoire, les textures, les sucs, les coudes, les poches, les alvéoles, l'ombre, les accidents. Les odeurs. Oui, autant les textures que les odeurs. Vous avez envie de renifler vos boyaux. Votre intimité la plus profonde. Là où vous sentiez auparavant que tout n'était que vide, ou absence. Par absence de sensations. Par absence de douleur. À défaut de cela, à défaut de sensations et de douleurs, ces petites boules avec lesquelles vous jouez à l'intérieur de votre anus, vous ancrent dans un ici-et-maintenant des sensations, et ce voyage intestinal calme votre panique métaphysique familière.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Et vous pensez à Artaud, à votre amitié pour Artaud, à votre empathie pour lui, pour ses troubles organiques. Justement parce que vous ne les connaissez pas. Justement parce qu'ils vous apparaissent maintenant comme l'autre face d'une même pièce. De ce sentiment d'idiotie d'être. D'idiotie de ne pas savoir pourquoi il y a de l'être. De la vie. Du Monde. Vous vous flattez souvent d'être sur la tranche. De n'être ni d'un côté ni de l'autre. Et d'avoir conscience des deux abîmes. Pourtant vous savez que vous préférerez toujours basculer du côté de l'organique, et que basculer de l'autre côté vous ferait trop peur. D'ailleurs vous n'y irez pas. Une métaphysique séparée de l'organique, du sensuel, de l'éros, vous insupporterait. Vous comprenez que certains soient en lutte, en conflit avec l'organique, le sensuel, l'éros. Vous savez vos privilèges. Vous savez que vous n'avez aucune douleur à être. Et que cela vous prend parfois par surprise, cette singulière panique de ne ressentir aucune douleur à être. Vous comprenez que certains veuillent se raccrocher à un au-delà de la physique, de l'entendement, du mesurable, de l'ici-et-maintenant. Mais ce n'est pas pour vous. Déjà, la paranoïa vous glace. Vous n'êtes le sujet de personne. Et c'est bien ainsi. Vous vous sentez libre. Et puis jamais vous ne séparez corps et esprit, organisme et intellection. Ce que vous comprenez, vous le comprenez depuis l'organique, les sensations, l'éros. Ce qui vous éveille ou vous tranquillise, c'est ça. Ce qui vous apaise lorsque paniqué, lorsque saisi par le vertige, lorsque vrillé par le sentiment d'incommensurabilité, lorsque tétanisé, le cœur emballé et incapable d'avancer dans l'étendue, c'est le contact tactile et olfactif avec les éléments les plus proches.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Vos doigts grattent le sable à la recherche des couches les plus fraîches, en extraient des grains compactés que vous portez à vos narines et dont vous vous couvrez le visage, respirant l'iode et les souvenirs de délices gustatifs et olfactifs de poissons, de coquillages, d'algues et de fruits de mer. Cela vous redonne foi et faim. Votre visage se ranime, se détend. Vous goûtez la chatouille du vent sur les grains de sable frais collés à vos pores. Vous fermez les yeux. Salivez. Frissonnez de la tête aux pieds. Puis vous rampez vers les dunes où vous savez que vous retrouverez protection, douceur, apaisement. Allongé simplement face et ventre contre le sable, contre les bosses sculptées par le vent. Puis vous vous retournez et glissez sur la pente, jusqu'à vous retrouver bras et jambes écartées, et, toujours les yeux fermés, à respirer de tous vos poumons l'air iodé. Jusqu'au vertige. Mais un vertige désirable qui vous frissonne et ne vous panique plus.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Ou, comme aujourd'hui, vous chavirez sur vos draps, à la recherche de la position la plus douce, la plus accueillante et confortable, la plus excitante aussi. À chaque micro mouvement, comme à chaque mouvement plus ample ou nerveux, vous saisissez de nouvelles sensations. Votre corps entier devient une surface de plaisir. Il n'est, vous n'êtes plus que recherche de plaisir.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEir_Hfj0yD8YYNwb65cmTIHAgWjt21-QGzwdiCxgluBUJCegyQnPA34vMbin2ai720yxHsvfS6Of4JuCvxmTabBNoAzGDAS5W9jN16xl3PAqu8cfHVUZm18Jxv4LdpGLxsd25TgPK0iRocL/s1600/75dab3df-7f67-43c8-b674-52762847423b.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1200" data-original-width="1600" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEir_Hfj0yD8YYNwb65cmTIHAgWjt21-QGzwdiCxgluBUJCegyQnPA34vMbin2ai720yxHsvfS6Of4JuCvxmTabBNoAzGDAS5W9jN16xl3PAqu8cfHVUZm18Jxv4LdpGLxsd25TgPK0iRocL/s320/75dab3df-7f67-43c8-b674-52762847423b.jpg" width="320" /></a></div><br /><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Cela faisait longtemps que vous ne vous étiez pas mis des doigts dans le cul. Passées vos explorations adolescentes, vous étiez accueillant à d'autres doigts que les vôtres. Mais c'était sans rapport avec ce que vous vivez maintenant, explorant votre anus, vous projetant dans vos boyaux, estimant et goûtant les grains de merde que vos doigts découvrent. La méditation se substitue à la quête de plaisir. Votre cerveau ne fait plus qu'un avec vos entrailles. Vous n'en avez rien à secouer de savoir que l'intestin serait le deuxième cerveau. C'est une croyance comme une autre. Vous comprenez encore moins qu'auparavant les dualités entre le corps et l'esprit, l'organique et le spirituel, le bas et le haut, la physique et la métaphysique. Par facilité, vous vous dîtes que vous vivez une expérience de métaphysique intestinale. Peu importe. Ce n'est pas le lieu. Ne perdez pas le fil. Revenez à vos doigts.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b>Tristan Trémeau</b></p>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-70250728967752760312021-08-15T15:19:00.000-07:002021-08-15T15:19:23.262-07:00DANCING MADONNA (RÉSIDENCE D'ÉCRITURE, FESTIVAL ÉROSPHÈRE, 2019)<p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Un des points de départ de la conception de l'exposition <i><a href="https://touraplomb.be/agenda/expo-troubles-topiques" target="_blank">Troubles topiques</a></i> au Centre Tour à Plomb à Bruxelles (7 juillet-28 août 2021) fut l'expérience d'une résidence d'écriture lors du "Festival des créativités érotiques" Érosphère 2019 à Paris, mené en duo avec le dessinateur <span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Vilhena, sous le titre de <a href="https://www.erosticratie.fr/residence-dessin-ecriture" style="font-style: italic;" target="_blank">Double aveugle</a>. </span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;">Cette résidence devait me permettre de libérer mes modalités d'écriture, que je jugeais trop contrôlées par des impératifs critiques, analytiques et réflexifs dès que je souhaitais traduire mes relations sensorielles à des œuvres qui ouvrent en moi un imaginaire sensuel et troublant, parfois fantasmatique, que ces œuvres incluent ou non des motifs explicitement ou implicitement érotiques. Ce que je savais traduire oralement, parfois immédiatement face à des œuvres comme dans à peu près n'importe quelle situation vécue, restait coincé en moi dès qu'il s'agissait de l'écrire. </span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;">Pour passer ce cap, j'avais pris le parti de tourner le dos aux situations de jeux, d'exercices et d'explorations érotiques qui se déroulaient dans les divers ateliers proposés par le festival (BDSM, fétichisme, danse, massage, burlesque...). Mon partenaire <span style="color: black;">João</span> Vilhena appliqua quant à lui un protocole de dessin à l'aveugle : à l'opposé de sa pratique graphique photoréaliste à la pierre noire, il prit le parti de répondre au désordre des corps et des sens observé dans les ateliers par le désordre des traits aux feutres de couleurs, en s'interdisant de regarder le dessin en cours de réalisation et en se focalisant sur les motifs. Il en résulte des scènes à la fois brouillonnes et synthétiques, qui traduisent des postures, des agglomérats de corps, des actes troublants et troublés par la singulière sténographie des dessins. </span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifHLvMsTdCtNRsPyEkmRy_RxvWbtWM7aVnJmg2KYxMryLYJi_1HuSgyFowMA-xgnOvHRRgaRla9XOlAc2usaFuM6-ObqbfwP19wB0m9kiBNdwPwcUMV41qn0skmk5CIO4DNJ1MUq6m2f-e/s1710/image8.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1232" data-original-width="1710" height="231" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEifHLvMsTdCtNRsPyEkmRy_RxvWbtWM7aVnJmg2KYxMryLYJi_1HuSgyFowMA-xgnOvHRRgaRla9XOlAc2usaFuM6-ObqbfwP19wB0m9kiBNdwPwcUMV41qn0skmk5CIO4DNJ1MUq6m2f-e/s320/image8.jpeg" width="320" /></a></div><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p>Sans relation visuelle avec ce qui avait lieu, je m'en tins de mon côté aux perceptions auditives et olfactives, qui agirent sur moi comme des stimuli sensoriels, ludiques et fantasmatiques, me mettant dans un état proche de la transe, libérant enfin mon écriture. Ceci me conduisit, entre autres, pendant un atelier de pole dance, à l'écoute des instructions de l'animatrice (« fléchir, infléchir », « dissocier la barre et le corps », « fixer, libérer le bassin »...), frappé par ce que j'avais perçu de l'espace divisé en barres verticales et désireux depuis longtemps de délivrer une lecture érotisante de Mondrian, inspirée par la connaissance de sa vie intense de danseur et de son commerce avec les prostituées, à produire un texte qui l'envisage en une danse sensuelle et onaniste dans son atelier.</span><p></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Voici ce texte, dont une version sonore, enregistrée au printemps 2021 dans le studio de Damon Broder, peut être écoutée en streaming sur mon Soundcloud : <a href="https://soundcloud.com/user-842759610/dancing-madonna" target="_blank">https://soundcloud.com/user-842759610/dancing-madonna</a></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Il est ici accompagné par des reproduction de dessins de <span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> Vilhena réalisés pendant cette résidence et regroupés sous le titre de <i>Décence de l'ébauche</i>. Neuf de ces dessins sont exposés dans <i>Troubles topiques</i>.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b><br /></b></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><b>DANCING MADONNA</b></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><span style="text-align: left;">Tordre la barre. Distordre l'espace. Fléchir infléchir, dissocier la barre et le corps en boucles et demis cercles, des pointes en rotation de bassin. Fixer le bassin, thorax en pointe. Isolation dissociation. Fixer libérer. Il y a la colonne du corps, verticale. Et les lignes horizontales des bras et du bassin. L'une fixée les autres ondulent, s'arrondissent. Déhanchement décrochement. Ouvrir, tendre, ouvrir l'espace entre.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Mondrian ouvre l'espace entre les verticales de la grille. Il les tire de ses propres mains, sans médiation d'un fusain, d'un pinceau. La grille respire, s'aère. Mondrian sourit, s'éloigne du tableau, se détend, détend ses bras le long de son torse, de son bassin, de ses cuisses.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Ouvrir la grille a requis un effort physique dont les muscles de ses bras et mains crispées dans l'effort portent la fatigue et les sensations de crampes.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Délester. Se délester de ces tensions. Inspire expire. Inspire expire.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Le ventre de Mondrian se soulève et se gonfle d'air, proche de faire péter les boutons de sa chemise impeccable dont l'amidon semble découvrir l'air, l'espace. L'amidon craquèle, j'entends le son de l'amidon qui craquèle, de la chemise amidonnée qui craquèle.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Maintenant détendu et souriant, satisfait, Mondrian se caresse l'abdomen. Il fait le tour de son tableau. Il se caresse le téton droit qui s'érige à la rencontre de la surface rêche de sa chemise amidonnée. Sensiblement ce contact l'excite, et Mondrian commence à venir, du bassin, au contact du chevalet.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">En contraste avec les sections nettes de la structure en bois, Mondrian y ressent la fraîcheur d'une barre de métal ronde et verticale, un rêve de lisse, un rêve de transatlantique.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Mondrian aime cette sensation. Le contact devient frottement, devient caresse.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Il glisse le long de cette barre, s'agenouille et y porte sa joue droite, et lui fait parcourir la verticale de la barre en se redressant lentement.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Sa bouche s'entrouvre, sa langue pointe, sa langue goûte la fraîcheur de la barre. Elle la parcourt de haut en bas, de bas en haut, tandis que son bras s'enroule, que son sexe se frotte de plus en plus pressant contre la barre.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Il ne pense plus à la bouche de Mae West. La sienne est plus désirable et gorgée de désir que celle de Mae West. Et qu'importe Mae West. Mondrian vit des sensations inédites. Il bande. Tout son corps est parcouru de chair de poule. Il n'en peut plus des tissus qui le séparent de la barre désirée.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgW_tbrQ1NRv4KepjaBjgr_qD_mTRg1QjHjzczYNC0afx3XK16yjAQ2V6bhNj82-y7USlVUCyRmr-H39CWtLDH4lIXEc00Sr01vlQ87ZbwkoNrRExkUu-kGihNGND-l6CIM78osAmPrgeJO/s1704/image3.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1234" data-original-width="1704" height="232" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgW_tbrQ1NRv4KepjaBjgr_qD_mTRg1QjHjzczYNC0afx3XK16yjAQ2V6bhNj82-y7USlVUCyRmr-H39CWtLDH4lIXEc00Sr01vlQ87ZbwkoNrRExkUu-kGihNGND-l6CIM78osAmPrgeJO/s320/image3.jpeg" width="320" /></a></div><br /><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Progressivement il se sépare de ses vêtements. Il ne prend même pas le temps de se séduire, de se teaser. Nu, il entame une danse vectorielle. Diagonale. Sa tête se projette en arrière. Un râle sort de sa gorge. Ses diagonales le projettent loin de la barre, qu'il rattrape de son mollet et cale à l'arrière de son genou droit. Ainsi axé, il part en cercles. Ses bras sont dissociés du reste du corps. Ils moulinent. Jamais il ne s'est senti si corps. Au bout d'un moment sa tête part de nouveau en arrière, cherchant le vertige. Mondrian goûte ce vertige, il y plonge et l'apprivoise. Soudain il redresse la tête, la projète en avant. Il a des étoiles dans la tête. Sa jambe lâche la barre. Il se retrouve à quatre pattes, le visage contre le sol, comme en prière. Il respire. Inspire expire inspire expire. Son ventre se gonfle de nouveau. Il a besoin de le dégager de la nasse de ses genoux. Son bassin se redresse. Inspire expire inspire expire. Il caresse son ventre. Sa jambe droite se lève. Il tourne sur lui-même. Se retrouve sur son dos, le nez contre la barre qu'il se remet à caresser de sa joue puis à renifler puis à lécher. Il se redresse, doucement, s'agrippe à la barre, rejette son cul en arrière. Là, il sent que son anus respire. Qu'il respire par l'anus. Que les inspire expire ventraux libèrent des inspire expire anaux. Ça lui plaît. C'est une sacrée découverte. Il en sourit. Ça l'excite carrément. Il rit.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Il veut baiser l'espace, plus seulement le maîtriser, l'aérer, l'ouvrir. Le baiser. Son bassin est pris de mouvements de plus en plus frénétiques, en vagues de plus en plus puissantes. Il ondule, ondule, poitrine estomac bassin genoux, poitrine estomac bassin genoux. Sa bite vient au contact de la barre. Il s'agenouille, les bras tendus en arrière, la tête rejetée en arrière, à la rencontre du sol. Il essaie de se redresser mais son abdomen lâche. La chute est rude. Son crâne cogne le sol. Il n'est pas assommé, mais dans les vapes. Cette nouvelle sensation lui plaît. Il s'en délecte, s'en repaît. Yeux fermés, il voit ses quadrangles de couleurs glisser sur les murs de son atelier. Il se fait un film. Des compositions aléatoires se développent. Certains quadrangles deviennent des points, des lignes colorées. Ils dansent une drôle de gigue, font mine de se décoller du mur et de s'envoler, ils glissent à la surface, se décomposent et se recomposent. Une partition musicale sans son. Ça le trouble, ça le réjouit.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-nEbedTZeY0tPmZ_8kpKZU1lH-_tle41zOJp649ws6u1CRdxexZyjegy1FycZg1tG-D0A1fyAU332X76skGeQdkf-gevKXuEGr3RXHq9vRISiMFMB_l_ycfX7goxYjpAjOwDn_3ECyVWk/s1708/image9.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1234" data-original-width="1708" height="231" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj-nEbedTZeY0tPmZ_8kpKZU1lH-_tle41zOJp649ws6u1CRdxexZyjegy1FycZg1tG-D0A1fyAU332X76skGeQdkf-gevKXuEGr3RXHq9vRISiMFMB_l_ycfX7goxYjpAjOwDn_3ECyVWk/s320/image9.jpeg" width="320" /></a></div><br /><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Tout son corps se détend. Il sourit. Il ne voit plus rien. Il n'est plus que frissons. Tremblements. Du sommet du crâne aux pieds. Est-ce la fraîcheur de la barre que ses pieds touchent ? Est-ce le contact avec le sol, sa nudité ? N'importe. Il n'est que frissons et tremblements. Son sourire se mêle à son trouble. Le contact de son crâne avec le sol se transforme sensiblement. Un léger frottement de son crâne contre le sol le met en émoi. Une zone sensible jusqu'alors inconnue se révèle. Il se concentre sur cette sensation excitante. Puis, lentement, il conduit son index droit sur cette zone sensible. Le voyage est excessivement lent. Son index semble venir de loin et se libérer difficilement du poids de la gravité terrestre. Dès le contact de son index et du sommet de son crâne, il est pris de convulsions. Détaché du sol, son bassin danse la gigue. Ça irradie jusqu'à ses chevilles. Ça irradie jusqu'à ses épaules. Au summum de l'excitation, de tout son corps, de tout son être, il jouit. Tout à cette épique sensation, il a une vision de lui-même, arqué, tendu, au milieu de son atelier, surpris, sidéré par l'intensité des sensations. Jamais il n'a connu pareil orgasme. Même en dansant. Même en se branlant. Même avec la plus entreprenante et voluptueuse prostituée. Passée l'extase, passée la tension orgasmique qui l'a maintenu arqué quelques secondes, son corps retombe au sol. Il sourit de nouveau. Et il rit. Il rit</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b>Tristan Trémeau</b></p>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-64681071221947941942021-06-26T07:39:00.015-07:002021-06-26T09:08:53.856-07:00TROUBLES TOPIQUES, EXPOSITION AU CENTRE TOUR À PLOMB, BRUXELLES, ÉTÉ 2021<div style="text-align: justify;"><span face=""Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif" style="background-color: #fafafa; color: #333333; font-size: 14px;">Cet été 2021 aura lieu au Centre Tour à Plomb à Bruxelles l'exposition </span><i style="background-color: #fafafa; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">Troubles topiques</i><span face=""Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif" style="background-color: #fafafa; color: #333333; font-size: 14px;">, que j'ai conçue et dont j'assure le commissariat, du 7 juillet au 28 août. Vernissage le 7 juillet de 17h à 21h. En voici le texte de présentation.</span></div><div style="text-align: center;"><b><br /></b></div><div style="text-align: center;"><b><br /></b></div><div style="text-align: center;"><b>TROUBLES TOPIQUES</b> </div><div style="text-align: center;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><i>Troubles topiques</i> réunit plus de cinquante œuvres — sculptures, dessins, tableaux, installations, performance — de dix artistes de différentes générations (né.e.s entre 1950 et 1992) et nationalités (belge, française, britannique, polonaise, états-unienne), qui résident en Belgique, en France et en Allemagne. L'exposition propose une exploration sensible et fantasmatique de zones sensorielles et mentales troubles, liées à la matérialité plastique et organique des œuvres, ainsi qu'à l'ambiguïté symbolique et allégorique des formes, signes, opérations, situations et sensations que les artistes mettent en jeu dans leurs pratiques et leurs représentations. Dans le gymnase et les vestiaires du Centre Tour à Plomb, sculptures, dessins, tableaux et installations vont dialoguer dans un espace d'ordinaire dévolu aux exercices corporels, suggérant une approche organique autant que mentale, visuelle autant que tactile, olfactive autant qu'auditive, sensuelle autant qu'analytique des œuvres. </div><div style="text-align: justify;"><br /><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSvXW1QIK5OqPMemMPz0tAiO7D2dc_FIKOU7E1Su4kQavpwb_RJ3oHCgERPlNI7BHHxK2CNhXyWLWdBZ3bG3OMmxVpDdv44NAJtp6hSOaCcjbpSRKSzFUJyQPCxZ3ZZUwYa0KN-UqDkAmD/s2048/19.Joao+Vilhena.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1538" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSvXW1QIK5OqPMemMPz0tAiO7D2dc_FIKOU7E1Su4kQavpwb_RJ3oHCgERPlNI7BHHxK2CNhXyWLWdBZ3bG3OMmxVpDdv44NAJtp6hSOaCcjbpSRKSzFUJyQPCxZ3ZZUwYa0KN-UqDkAmD/s320/19.Joao+Vilhena.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Joao Vilhena, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">Le but des </i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">rites, 2015, <br /></span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">pierre noire sur carton gris, 141x101 cm</span></td></tr></tbody></table></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><br /><div style="text-align: justify;">Avant d'entrer dans le gymnase, il vous faudra vous déchausser dans le couloir d'entrée, pour protéger le revêtement du sol et, surtout, pour vous préparer à voir et à ressentir les œuvres, leurs dialogues et l'espace, non seulement par les yeux, mais par l'ensemble du corps, depuis la plante des pieds. Avez-vous déjà perçu, vu ou pensé par les pieds ? C'en sera l'occasion, sans oublier les autres membres et organes. Bref, toute votre complexion. </div><div style="text-align: justify;">Peut-être aurez-vous déjà prêté l'oreille, avant d'entrer dans le gymnase, à deux textes diffusés dans un des casiers jouxtant les vestiaires, dans le couloir d'entrée. Peut-être leur écoute aura-t-elle instillé dans votre esprit quelques éléments narratifs, fantasmatiques et foutraques, propres à enrichir vos perceptions et expériences des œuvres et de l'exposition (<i>Dancing Madonna</i> et <i>Troubles topiques</i>, écrits et lus par le curateur). Ne vous inquiétez pas, vous pourrez y revenir après avoir vu et apprécié les œuvres dans le gymnase si d'aventure vous ne les aviez pas entendus, et à cette occasion découvrir ce que Peter Briggs, Rachel Labastie et Clothilde Sourdeval ont conçu pour les deux vestiaires attenants au couloir d'entrée — si vous ne l'avez pas déjà vu. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Mais venons-en à l'exposition, aux œuvres et à ce qui vous attend, sans trop en dévoiler. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiO8_yNwxdb-FOFAxFW_HZiCJFZzDt5mNz9lCLUNSy5Ea3whwHj75_YL7-QdtN-wj4YkUBwxCCpmCVYtKVY8FiqD3d4iFVghoeVOizobqU5BOe071Lz7TL-I4J1eLxO-fUKVtVn0RyNxMOD/s2048/1.Peter+Briggs.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1536" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiO8_yNwxdb-FOFAxFW_HZiCJFZzDt5mNz9lCLUNSy5Ea3whwHj75_YL7-QdtN-wj4YkUBwxCCpmCVYtKVY8FiqD3d4iFVghoeVOizobqU5BOe071Lz7TL-I4J1eLxO-fUKVtVn0RyNxMOD/s320/1.Peter+Briggs.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Peter Briggs, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">Sans Titre</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">, 2021, </span>installation,<br />dimensions variables (détail)</td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Dès l'entrée, le long miroir et la barre de danse seront occupés par une installation de sculptures de Peter Briggs qui en appellent, par la diversité et le contraste des matières, des mises en formes, des découpes et des montages d'éléments — certains familiers, d'autres détournés ou transformés, d'autres encore non identifiables dans leurs symboliques et fonctions —, à une appréhension à la fois haptique (la part tactile qui habite notre perception optique) et érotique, de par de troublants plis, les qualités organiques des formes et la connotation de certains matériaux (tel le latex), tout en éveillant la pulsion scopique des visiteurs et spectatrices. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwJU5wGjXaWvtEpNI7MJsXPBosbGKfQmBTAwo9KKmK_m-uw_G_UGucvL1RkfCNmOQRiT7JpyH2M_oTwyNIeusyLx9Q03RUjAOQCQcyGJYYEk4YxqkJn3vADwS0deYoyc6r8bP_I7oLRD0B/s1280/4.Jean-Charles+de+Quillacq.tiff" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="853" data-original-width="1280" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjwJU5wGjXaWvtEpNI7MJsXPBosbGKfQmBTAwo9KKmK_m-uw_G_UGucvL1RkfCNmOQRiT7JpyH2M_oTwyNIeusyLx9Q03RUjAOQCQcyGJYYEk4YxqkJn3vADwS0deYoyc6r8bP_I7oLRD0B/s320/4.Jean-Charles+de+Quillacq.tiff" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Jean-Charles de Quillacq, <i>Shower gels washer fluids</i>, 2019, <br />verre, lave-glace automobile, gel douche Axe Collision, <br />parfum cuir & cookies, dimensions variables. <br />Vue de l'exposition « Futur ancien fugitif », Palais de Tokyo, <br />Paris, 2019. © Aurélien Mole</td></tr></tbody></table><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Cette érotique des surfaces, couplée à la sensualité haptique, peut éveiller, si l'on y est disposé.e, des imaginaires troublants, ambigus, difficiles à cerner, potentiellement louches, porteurs et stimulateurs de sentiments confus et d'émotions plus ou moins perturbantes et avouables. Non loin, deux bacs contenant des liquides colorés embaument l'air et l'espace du gymnase de leurs odeurs prégnantes qui renvoient au nettoyage et au recouvrement chimique de substances corporelles telle la sueur, augmentant l'expérience sensorielle et le trouble (<i>Shower Gels Washer Fluids</i> de Jean-Charles de Quillacq). </div><div style="text-align: justify;"><br /><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDbMK5AYERCMIaTrwNvgPy0m7CZZ0fb79ATVH2_Ia8pCfHV9Op5quf69EFx4iFbmTNNL3WhfIQq9Qua3U9HX6d4VlmJFiFf3unmX5ReLLl-5y1BKdj2pzq9TXd4RLaBY1LwdMGzq8bOVrj/s2048/16.Anna+Tomaszewski.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1536" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgDbMK5AYERCMIaTrwNvgPy0m7CZZ0fb79ATVH2_Ia8pCfHV9Op5quf69EFx4iFbmTNNL3WhfIQq9Qua3U9HX6d4VlmJFiFf3unmX5ReLLl-5y1BKdj2pzq9TXd4RLaBY1LwdMGzq8bOVrj/s320/16.Anna+Tomaszewski.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Anna Tomaszewski, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">Gorgone, </i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">2019,<br /></span>bois enduit, plâtre, graphite, verre teinté,<br />120x25x15 cm</td></tr></tbody></table></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><br /><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj2fSdmR4GwTEdlIq1QT2AnbuQ2CoIhCRP319vz6THAiOlZ3a8Q1lGo85zjHrjD-6AH7QBZL2f-huWIk3UTYXdIxqhR9sl-lEf7uH5rCKYUgANh_f6XawcAK9M7QSOg2d6FRRYWjqI7eHhe/s2048/12.Edouard+Prulhie%25CC%2580re.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1726" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj2fSdmR4GwTEdlIq1QT2AnbuQ2CoIhCRP319vz6THAiOlZ3a8Q1lGo85zjHrjD-6AH7QBZL2f-huWIk3UTYXdIxqhR9sl-lEf7uH5rCKYUgANh_f6XawcAK9M7QSOg2d6FRRYWjqI7eHhe/s320/12.Edouard+Prulhie%25CC%2580re.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Édouard Prulhière, <span style="color: #1d2228; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;"><i>Utopian City, Floor Plan</i></span><span style="color: #1d2228; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">, 2018,<br /></span>acrylique et huile sur toile, 118 x 110 cm<div style="text-align: justify;"><br /></div></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Toute l'exposition est conçue à partir d'œuvres qui, soit se proposent dans une organicité abstraite qui peut éveiller ou nourrir des imaginaires sensoriels, sensuels et érotiques sans pour autant dévoiler des éléments explicites (les sculptures de Peter Briggs, les <i>Gorgones</i> d'Anna Tomaszewski, qui combinent plasticité organique et pulsion scopique, <i>Madrugada</i> et <i>Utopian Cities – Floor Plans</i> d'Édouard Prulhière, qui portent dans leurs peaux les empreintes de corps et d'objets ayant servi à leur fabrique), soit empruntent des signes, des objets et des symboles à des pratiques sexuelles alternatives, tels le fétichisme et le BDSM, tout en s'abstrayant de ces espaces pour engager des questions sculpturales de mise en forme de l'argile par la contrainte de cordes (les <i>Shibari</i> de Mathilde Pirard), des enjeux graphiques de réponse au désordre des corps vu dans des ateliers de bondage, de chatouilles collectives ou de flagellation, par le désordre du trait (la série <i>Décence de l'ébauche</i> de João Vilhena), ou encore pour susciter des rêveries érotiques, imprégnées de fétichisme gay, déplacées dans des contextes pastoraux, inspirés par les paysages classiques (les <i>Poussinades</i> de Tom de Pekin). Certaines œuvres, comme <i>Shopping</i> de Jean-Charles de Quillacq, combinent ces deux dimensions, organiques et fétichistes, par l'incorporation dans la résine de substances évocatrices (urine et viagra). </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxi8cCXC5552Be8W3pC7Lbv91mHA6Ro490WBgqAJeo-oPsnSdLmfl8302rOApeN3vPnw7se2dEQcNFfpQ-R_9e2Iwzf7KftfWeag7VloJ9ipzJ5b6rpxqzLwsFhhbuZFFGsojdT_gmmjIF/s2048/18.Tom+de+Pekin.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1448" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgxi8cCXC5552Be8W3pC7Lbv91mHA6Ro490WBgqAJeo-oPsnSdLmfl8302rOApeN3vPnw7se2dEQcNFfpQ-R_9e2Iwzf7KftfWeag7VloJ9ipzJ5b6rpxqzLwsFhhbuZFFGsojdT_gmmjIF/s320/18.Tom+de+Pekin.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Tom de Pekin, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Poussinade XIV </i><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">d'après <br />La buveuses de Pieter de Hooch, 1658</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">,<br /></span>février 2014, crayon graphite sur papier, <br />40x30 cm<span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /><br /></i></td></tr></tbody></table><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjq8UcKe5_WPXyAPeifRoedr3sfhvQLAjzyeWa46zErI5zmjeZ3LkHYfajQzHvel-tyrBWLx0Jw3pnwbv1cw-AbT4OvSQRjdPxMSsR9vZYVTudss4vQInkHpEsxJ77EitmYKPjJZl64w8d_/s1920/10.Mathilde+Pirard.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1920" data-original-width="1440" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjq8UcKe5_WPXyAPeifRoedr3sfhvQLAjzyeWa46zErI5zmjeZ3LkHYfajQzHvel-tyrBWLx0Jw3pnwbv1cw-AbT4OvSQRjdPxMSsR9vZYVTudss4vQInkHpEsxJ77EitmYKPjJZl64w8d_/s320/10.Mathilde+Pirard.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Mathilde Pirard, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">Shibari-in </i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">situ, 2018</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">-19, <br /></span>argile, velours, cordes de lin, dimensions <br />variables. <span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">© Éloïse Pirard</span> <br /></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><br /><br /></div><div style="text-align: justify;">Enfin, les subtiles et délicates <i>Entraves</i> en porcelaine blanche, modelées par Rachel Labastie, suggèreront que ces instruments esclavagistes de coercition et de chosification, désormais pareils à de grands bijoux, ne sauraient être portés qu'avec une forme de consentement, tandis que l'installation <i>Circulation posthume</i> de Clothilde Sourdeval instillera un trouble dans l'agencement fétichiste de fragments fossiles de membres et d'objets, comme débités de corps suite à un rituel thanatologique. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCLTCLZ5LU2HiT4H1BlxQkBVSgisWC4uT6Wc7Pmh4_aEIKQDngfWn3vsSHDsRIuWMIV4FvJjpKjHhUbIfrIpHZehpC-NJpyqW40NyfIBqJ3oEDcaJINTn0y1H-OCB4WI5gneXxYpJz8NlS/s2048/6.Rachel+Labastie.jpeg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1558" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjCLTCLZ5LU2HiT4H1BlxQkBVSgisWC4uT6Wc7Pmh4_aEIKQDngfWn3vsSHDsRIuWMIV4FvJjpKjHhUbIfrIpHZehpC-NJpyqW40NyfIBqJ3oEDcaJINTn0y1H-OCB4WI5gneXxYpJz8NlS/s320/6.Rachel+Labastie.jpeg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Rachel Labastie, <i>Le cœur du corps</i>, 2019,<br />argile sur papier, 30x20 cm, coll. part.</td></tr></tbody></table><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgu_gHg_puF7FLTdWAeaTSqNEgfhyglIt7KHPQB09O23Y76-teDyB1BDoH4TNgbg_v9pZLwzgfjzjvfQDEZ5DO7OVJeuHv8TdQuEFYflAAx5gv_9PZApmMxKCOaHiz-P8oRMV_o7rViuwZ3/s2048/14.Clothilde+Sourdeval.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1363" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgu_gHg_puF7FLTdWAeaTSqNEgfhyglIt7KHPQB09O23Y76-teDyB1BDoH4TNgbg_v9pZLwzgfjzjvfQDEZ5DO7OVJeuHv8TdQuEFYflAAx5gv_9PZApmMxKCOaHiz-P8oRMV_o7rViuwZ3/s320/14.Clothilde+Sourdeval.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Clothilde Sourdeval, <i>Sac mortuaire, </i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">2021,</span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;"> <br /></i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">taffetas, 180x150 cm. © Frédéric Iovino</span></td></tr></tbody></table><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">L'enjeu premier de l'exposition est donc de donner à voir et à ressentir les dimensions sensorielles, somatiques et fétichistes que toutes les œuvres incorporent, colportent et infusent dans notre perception, à travers leurs matériaux, leurs mises en œuvres et l'organisation des figures et des signes. Le tout dans des lieux particuliers, inhabituels pour l'exposition d'œuvres d'art. Un gymnase et des vestiaires qui colportent et infusent aussi dans notre perception sensible des espaces et des œuvres des dimensions sensorielles, somatiques, fétichistes, qu'elles soient immédiates ou issues de nos mémoires, de nos expériences sportives et performatives. Un autre enjeu de l'exposition est de donner raison aux dimensions positives du trouble comme moyen d'ouverture et d'émancipation des expériences, des imaginaires et des désirs. </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><br /><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhl1MiznvAzIKtVq8KYfp5Aa5b4PtnRpv7OuP21vpiFGNnPQrA4HLt0zTR3n80Td28uxHkr-cAxilfD4cy28lBa-e_i8icbjzwjOGv9YUFtyO5Yql32sFtKgofoT6Wbw5p9Z655pEFjVhCy/s2048/7.Anna+Natt.jpg" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1641" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhl1MiznvAzIKtVq8KYfp5Aa5b4PtnRpv7OuP21vpiFGNnPQrA4HLt0zTR3n80Td28uxHkr-cAxilfD4cy28lBa-e_i8icbjzwjOGv9YUFtyO5Yql32sFtKgofoT6Wbw5p9Z655pEFjVhCy/s320/7.Anna+Natt.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Anna Natt, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;">Der Dybbuk,</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: start;"> 2014. © Rolf Arnold</span></td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: justify;">Si vous avez besoin de stimulations ou d'une guidance pour explorer ces dimensions positives du trouble portées par les œuvres exposées, Anna Natt, dont le travail chorégraphique explore les dimensions sculpturales de la danse, l'animalisation des sensations et des interactions, l'intensité et la fragilité des postures, performera des médiations troublantes le soir du vernissage et pendant les trois premiers jours de l'exposition. Ce sera en anglais, mais vous verrez elle est très forte, et mes étudiant.e.s l'adorent — c'est un gage de qualité pédagogique ! </div><div style="text-align: justify;"><br /></div><div style="text-align: center;"><b>Tristan Trémeau, critique d'art, curateur de l'exposition</b></div><br /><div><br /></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-39399619186338876712021-06-19T09:47:00.005-07:002021-08-27T11:28:29.229-07:00Entretien à propos de l'exposition "Troubles topiques" Centre Tour à Plomb, Bruxelles, été 202<p style="text-align: justify;">Cet été 2021 aura lieu au Centre Tour à Plomb à Bruxelles l'exposition <i>Troubles topiques</i>, que j'ai conçue et dont j'assure le commissariat, du 7 juillet au 28 août. Vernissage le 7 juillet de 17h à 21h.</p><p style="text-align: justify;">L'exposition réunira plus de cinquante œuvres — sculptures, dessins, tableaux, installations, performance — de dix artistes de différentes générations (né.e.s entre 1950 et 1992) et nationalités (belge, française, états-unienne, polonaise, portugaise), qui résident en Belgique, en Allemagne et en France : Peter Briggs, Jean-Charles de Quillacq, Rachel Labastie, Anna Natt, Mathilde Pirard, Édouard Prulhière, Clothilde Sourdeval, Anna Tomaszewski, Tom de Pekin et <span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> Vilhena.</span></p><p style="text-align: justify;">Reportée de quinze mois en raison des différents confinements, <i>Troubles topiques</i> signe mon retour à des activités de commissariat d'expositions après une dizaine d'années principalement consacrées à l'écriture, à la recherche, à l'expérimentation somatique et à la pédagogie.</p><p style="text-align: justify;"><i style="font-family: "Times New Roman", serif;">Troubles topiques </i><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">propose une exploration sensible et fantasmatique de zones sensorielles et mentales troubles liées à la matérialité plastique et organique des œuvres, ainsi qu'à l'ambiguité symbolique et allégorique des formes, signes, opérations, situations et sensations que les dix artistes invité.e.s mettent en jeu dans leurs pratiques et leurs représentations. Dans le gymnase et les vestiaires du Centre Tour à Plomb, sculptures, dessins et installations vont dialoguer dans un espace d'ordinaire dévolu aux exercices corporels, suggérant une approche organique autant que mentale, visuelle autant que tactile, olfactive autant qu'auditive des œuvres. Des médiations troublantes seront proposées aux visiteurs et spectatrices lors du vernissage et pendant les trois premiers jours de l'exposition.</span></p><p><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">Site du Centre Tour à Plomb : </span><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> </span><a href="https://touraplomb.be/" style="font-family: "Times New Roman", serif;">https://touraplomb.be/</a></p><p style="text-align: justify;">À cette occasion, paraîtra dans le livret de l'exposition, en français et en néerlandais, un entretien avec Nora Wautier, que voici :</p><p><br /></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>CONVERSATION AVEC TRISTAN TRÉMEAU,</b></span></span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>CURATEUR DE <i>TROUBLES TOPIQUES</i></b></span></span></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Nora Wautier : Je suis intriguée par le titre de l'exposition. Qu'entends-tu par ces mots, troubles et topiques ?</b></span></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b>Tristan Trémeau : </b>Dès le départ du projet, je souhaitais que le mot troubles, au pluriel, soit dans le titre, mais il ne pouvait demeurer seul, notamment pour ne pas entretenir de confusions avec le remarquable Festival Trouble qui a lieu à Bruxelles depuis 2005. Cette notion de trouble est, je crois, parmi les plus pertinentes travaillées et déployées dans les champs des sciences humaines, de la philosophie et des arts, depuis son élaboration par Judith Butler (<i>Trouble dans le genre</i>, 1990) jusqu'à <i>Vivre avec le trouble</i> de Donna Haraway (2016). La notion de trouble recouvre une pluralité d'expériences marquées par les ouvertures et les déplacements du sens et des sens, par l'absence de clarté et d'univocité des signes perçus, par la remise en cause des identités et des significations <i>a priori</i> des formes, des figures, des symboles. Elle évoque aussi l'ambiguïté d'identités et de situations, vécues comme difficiles à cerner, potentiellement louches, interlopes, porteuses de sentiments confus, ambigus, voire stimulatrices d'émotions plus ou moins perturbantes et avouables. Je voulais engager tout cela dans cette exposition.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Rapportée à l'art, la notion de trouble peut renvoyer à des problématiques d'identité de médiums. Par exemple, les tableaux de sol et volumes d'Édouard Prulhière sont-ils uniquement à considérer d'un point de vue pictural, ou leur position spatiale et leur plasticité n'impliquent-elle pas une approche plus sculpturale renforcée par leur tactilité manifeste ? Elle peut aussi qualifier les sensations</span><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> </b><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">a priori</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> contradictoires qui s'associent dans la perception de certaines œuvres. Ainsi des sculptures très organiques de Peter Briggs et Anna Tomaszewski, qui combinent plasticité tactile et éveil de la pulsion scopique. Enfin, le trouble peut naître d'une référence à des pratiques coercitives chosifiant des corps (les </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Entraves</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> de Rachel Labastie), ou à des pratiques et rituels fétichistes issus de sexualités considérées soit comme déviantes d'un point de vue normatif, soit comme alternatives d'un point de vue contre-culturel, comme c'est le cas dans les dessins de Tom de Pekin et de </span><span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Vilhena, et dans les sculptures de Jean-Charles de Quillacq, de Mathilde Pirard et de Clothilde Sourdeval.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxFP_RgDuNNqv70CD3SfbHnSyorJC23xyZ_usH72411LnKrcnHHi6vO2oaXzhJuFJVsZyT1ObFvmCQBaOfRNgYKIodTsu7Jg2Y4ZcsEGn3-NdjuxgQcySwEYn-1lfEI4k1bIhFjaUFN9w2/s2048/2.Peter+Briggs.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1536" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxFP_RgDuNNqv70CD3SfbHnSyorJC23xyZ_usH72411LnKrcnHHi6vO2oaXzhJuFJVsZyT1ObFvmCQBaOfRNgYKIodTsu7Jg2Y4ZcsEGn3-NdjuxgQcySwEYn-1lfEI4k1bIhFjaUFN9w2/s320/2.Peter+Briggs.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Peter Briggs, détail d'installation, 2021</td></tr></tbody></table><br /><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /><div style="text-align: justify;">Quant au mot topique, il renvoie par définition à la notion de lieu. Pour moi, une œuvre est un lieu. Elle est une portion déterminée de l'espace, qui a ses propres qualités (spatiales, texturelles, symboliques). Chaque œuvre ou ensemble d'œuvres de l'exposition se propose comme un lieu de regard et d'espace mental propre, suscitant des approches sensibles et intelligibles spécifiques. Dans le même temps, l'exposition deviendra un lieu de dialogue et de porosité entre les œuvres des dix artistes, ouvrant d'autres niveaux de sensibilité et d'intellection de ce qui est à l'œuvre dans chaque œuvre, ainsi que des qualités sensibles et symboliques qui leurs sont communes. Un des enjeux de l'exposition sera par exemple de donner à voir les dimensions tactiles, organiques, somatiques que toutes incorporent, colportent et infusent dans notre perception, à travers leurs matériaux, leurs mises en œuvres et l'organisation des figures et des signes. Le tout dans des lieux particuliers, inhabituels pour l'exposition d'œuvres d'art, soit le gymnase et des vestiaires du Centre Tour à Plomb. Ces lieux colportent et infusent aussi dans notre perception spatiale des espaces et des œuvres des dimensions tactiles, organiques, somatiques, qu'elles soient immédiates ou issues de nos mémoires, de nos expériences sportives et performatives.</div><div style="text-align: justify;"><br /></div><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgmq9RxVyRUjhLapMfQhFT6l68rPTo_2SKH6tqgfegv220N-1tYpNoGWJVDzmAnnwx48ZPCD7h9VTloRIS1jS5Lu5iUkIaOnywdbAu9N11TRxXduH99baxVABox83O3fd4DM9HtdzqzTskT/s2048/11.Edouard+Ptulhiere.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1538" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgmq9RxVyRUjhLapMfQhFT6l68rPTo_2SKH6tqgfegv220N-1tYpNoGWJVDzmAnnwx48ZPCD7h9VTloRIS1jS5Lu5iUkIaOnywdbAu9N11TRxXduH99baxVABox83O3fd4DM9HtdzqzTskT/s320/11.Edouard+Ptulhiere.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Édouard Prulhière, <i>Madrugada</i>, 2013-21,<br />pièce évolutive, peinture sur toiles et tissus</td></tr></tbody></table><div style="text-align: justify;"><br /></div></span></div><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Le lieu du gymnase évoque d'emblée les exercices et des rituels corporels, la nudité, l'exploration somatique et sensorielle en relation avec l'espace, des appareils et d'autres partenaires, les contraintes et le libre exercice, la performance et l'apprentissage, le défoulement feutré ou la concentration sur les gestes et les déplacements, l'application et l'oubli dans l'exercice, l'écoute des limites du corps et le désir de les explorer. Le grand miroir, la barre d'exercice pour la danse, les espaliers, le revêtement du sol, les bancs, les crochets, les tapis de sol, les vestiaires, les douches, tout suggère un espace d'attente des corps, de stimulation de l'imaginaire corporel et sensoriel des artistes et des visiteurs. Enfin, l'obligation de se déchausser à l'entrée du gymnase, pour ne pas abimer le revêtement au sol, induira la mise en place d'un rituel et une transformation de la relation tactile, pédestre des visiteuses et spectateurs à l'espace d'exposition et aux œuvres, suscitant je l'espère une augmentation qualitative de l'attention et des sensations corporelles, et instillant un début de trouble.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg44aykPWZP3xghzMn8Q0WtxZgRVQ94CnEL7qQv7LbUrrO9GLqVrnqggJHnqEUShDVjpzZqZvf12hPFIEzQhCnbtIsVqujxH7q6hf_jmtbqejP30rtIeb_odQDqWkGhHvnDp7z4i_08N6c6/s2048/15.Anna+Tomaszewsk.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1365" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg44aykPWZP3xghzMn8Q0WtxZgRVQ94CnEL7qQv7LbUrrO9GLqVrnqggJHnqEUShDVjpzZqZvf12hPFIEzQhCnbtIsVqujxH7q6hf_jmtbqejP30rtIeb_odQDqWkGhHvnDp7z4i_08N6c6/s320/15.Anna+Tomaszewsk.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Anna Tomaszewski, <i>Gorgone</i>, 2019,<br />bois enduit, plâtre, graphite, vidéo,<br />110 x 60 x 60 cm</td></tr></tbody></table></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;">Ceci, je l'espère, ouvrira visiteurs et spectatrices, si ils et elles y sont disposées, à des espaces mentaux troublants, au-delà des clichés et des stéréotypes. Dans la philosophie grecque antique, notamment chez Aristote, les topiques définissaient ce qu'on appelle aujourd'hui les lieux communs (les <i>topoï</i> qui, accumulés, forment la <i>doxa</i>, ou l'idéologie, le discours ou le sens supposés communs). <i>Troubles topiques</i> aspire à troubler les lieux communs, c'est-à-dire à les chahuter et à les perturber (trouble = ce qui tremble et ce qui perturbe).</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">NW Est-ce le sujet de l'exposition qui t'a amené à ce lieu, ou est-ce ce lieu qui t'a inspiré cette exposition et sa thématique ?</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Cela fait quelques années que j'ai le désir de monter une exposition qui engage un dialogue entre, d'une part, des œuvres qui, dans leur organicité abstraite, peuvent susciter des imaginaires sensoriels, sensuels, érotiques sans pour autant dévoiler des éléments explicites, et d'autre part des œuvres qui empruntent des signes, des objets et des symboles à des pratiques anciennement qualifiés de paraphiliques (c'est-à-dire des sexualités supposées déviantes, en tout cas alternatives, comme le fétichisme et le BDSM) tout en s'abstrayant de ces espaces-là pour engager, par exemple, des questions sculpturales de mise en forme de l'argile par la contrainte de cordes (les </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Shibari</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> de Mathilde Pirard), ou d'incorporation dans la résine de substances évocatrices (urine et viagra dans </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Shopping</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> de Jean-Charles de Quillacq).</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg0JKnUJJzPmq3LHfpY8lmN72z3pWX65IYehQKjQjl-KQxnUGJxH58KiEfVER9KA6JWw74M1R7Juljlltka3h_3uCA_VrDkQPz1xOw1jFJ-H8PtT8nB5NR20aXTx9PPhSUq95quCozSJI7s/s2048/9.Mathilde+Pirard.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="2048" data-original-width="1365" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg0JKnUJJzPmq3LHfpY8lmN72z3pWX65IYehQKjQjl-KQxnUGJxH58KiEfVER9KA6JWw74M1R7Juljlltka3h_3uCA_VrDkQPz1xOw1jFJ-H8PtT8nB5NR20aXTx9PPhSUq95quCozSJI7s/s320/9.Mathilde+Pirard.jpg" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Mathilde Pirard, <i>Sleep</i>, 2020,<br />argile, velours, corde de lin,<br />structure en bois, textiles. <br />© Stéphane Roy</td></tr></tbody></table><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Le moment clé pour la réalisation de ce projet fut la rencontre avec Stéphane Roy, coordinateur du Centre Tour à Plomb, qui partage ces mêmes intérêts et qui, dans sa programmation d'expositions et de résidences, favorise les dimensions expérimentales dans les parcours et recherches des artistes et des curateurs invité.e.s. La découverte du très beau gymnase emporta se suite mon adhésion : je m'y suis tout de suite projeté, et j'ai quasiment vu immédiatement comment travailler cet espace avec les œuvres que j'avais déjà en tête. Tout ceci renforçait en effet mon désir, nourri par différentes expériences de pédagogie, de workshops de performance, de collaborations avec des artistes de différentes disciplines (peintres, sculpteurs, danseuse, musiciennes...) et de commissariats d'expositions, de m'engager dans un projet expérimental d'exposition, dans un lieu </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">a priori</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> impropre à l'exposition mais qui, justement, amène d'autres qualités spatiales propres à favoriser l'invention, l'expérimentation.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg05apQTDFVBourwAmd0gZQWQN7d791zuPlz_HboXijyFJB_kE465BDwRTQG-XwVDZcPW7_st0kXX0D1qNkdToaenwFxDnwx6KdVvyDx84i84og2ezAIxgjAHAedzTjGAmqVPp8DRUdYwbE/s1280/3.Jean-Charles+de+Quillacq.tiff" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="853" data-original-width="1280" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg05apQTDFVBourwAmd0gZQWQN7d791zuPlz_HboXijyFJB_kE465BDwRTQG-XwVDZcPW7_st0kXX0D1qNkdToaenwFxDnwx6KdVvyDx84i84og2ezAIxgjAHAedzTjGAmqVPp8DRUdYwbE/s320/3.Jean-Charles+de+Quillacq.tiff" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Jean-Charles de Quillacq, <i>Shopping</i>, 2019,<br />résine epoxy, Trabender, urine, Viagra,<br />340 x 40 cm, vue exposition Bétonsalon, Paris<br />© Aurélien Mole</td></tr></tbody></table><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>NW C'est donc de votre rencontre qu'est né ce projet ?</b></span></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Oui. Si je caressais ce projet depuis un moment, la rencontre avec Stéphane Roy, le Centre Tour à Plomb et ce gymnase en particulier, a conduit à l'élaboration de ce projet avec dix artistes qui, toutes et tous, ont été d'emblée très excités à l'idée, justement, d'explorer leurs œuvres et leurs démarches dans un espace qu'il n'avaient jamais pratiqué, si ce n'est pour faire du sport.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjW5d-Enw0W1Um30Zw9_f5uuOFfIczGfAAufw0vqDkoVpVSVxm-0INEBqs4SfM7yG8YlxNrk1qfdCK6KcBpLzoAyT6AIyaVXw6H0UfWSBc4UlGMWCZ8QnbCiCAfg0PqZWxw1t_lnul9O5wC/s2016/IMG_1009.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1512" data-original-width="2016" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjW5d-Enw0W1Um30Zw9_f5uuOFfIczGfAAufw0vqDkoVpVSVxm-0INEBqs4SfM7yG8YlxNrk1qfdCK6KcBpLzoAyT6AIyaVXw6H0UfWSBc4UlGMWCZ8QnbCiCAfg0PqZWxw1t_lnul9O5wC/s320/IMG_1009.JPG" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Centre Tour à Plomb, Bruxelles: le gymnase</td></tr></tbody></table><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">NW Comment as-tu rencontré et choisi les artistes de l'exposition ? Les as-tu fait se rencontrer ?</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b>TT </b>J'ai l'habitude de longs compagnonnages avec les artistes, d'accompagnement de leurs démarches et recherches. C'est le cas d'Édouard Prulhière, dont j'ai rencontré le travail lors d'une visite de son atelier lorsqu'il vivait à New York, en 1998. Ce fut un vrai coup de foudre pour son œuvre doublé de la naissance d'une grande amitié. Depuis, je suis je crois le critique d'art qui a le plus écrit sur son œuvre, et je l'ai présenté dans plusieurs d'expositions dont j'ai été curateur depuis 2003. C'est le cas aussi de Peter Briggs, dont je suis familier de l'œuvre depuis une dizaine d'années et avec qui j'ai partagé des activités pédagogiques lorsqu'il enseignait la sculpture à l'école des beaux-arts de Tours, là où je donne toujours des cours d'histoire et théories des arts.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;">Les œuvres d'Édouard Prulhière et de Peter Briggs sont parmi celles qui ont motivé le projet <i>Troubles topiques</i>, parce qu'elles m'informent depuis longtemps, aux côtés de celles de <span style="color: black;">João</span> Vilhena, dont j'avais découvert le travail lors d'une visite d'atelier au début des années 2010 à Paris, d'Anna Tomaszewski, dont une exposition à la Galerie Cetraro à Paris en 2015 avait été pour moi un délice de découverte, et de Tom de Pekin, rencontré dans ces mêmes années lors d'un workshop qu'il avait donné à mes étudiant.e.s à Tours. En 2015, j'ai aussi rencontré Jean-Charles de Quillacq et ses œuvres lors d'une exposition à la Villa Arson à Nice et, depuis, j'ai toujours apprécié son travail et son évolution lors d'expositions à l'excellente Galerie Marcelle Alix à Paris. C'est aussi dans ces années-là que j'ai rencontré Anna Natt au Festival Xplore à Berlin, avant de l'inviter à donner des workshops d'explorations somatiques et sensorielles à mes étudiant.e.s de Tours. Plus récemment, je me suis intéressé au travail de Rachel Labastie, à l'occasion de son exposition à Eleven Steens à Bruxelles, pour laquelle elle m'avait invité à écrire un texte. Enfin, <i>Troubles topiques</i> présentera des œuvres de deux de mes anciennes étudiantes de l'ARBA-ESA à Bruxelles, Clothilde Sourdeval et Mathilde Pirard, dont les démarches entrent en complète résonance avec le projet.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Ceci est important pour moi : réunir des artistes de différentes générations, de différentes situations en termes de reconnaissance, qui ne se connaissent pas nécessairement entre eux mais dont je suis intuitivement sûr que les œuvres ont à voir entre elles et vont générer un généreux espace de dialogue et de regards. Je pense que les jours de montage de l'exposition vont être un riche moment de rencontres, d'échanges et de partages entre les artistes, toutes et tous impatients de se retrouver, de se rencontrer, ou de se découvrir.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>NW Est-ce que les œuvres se répondent, y-a-t-il un parcours dans l'exposition qui reflète la sa thématique ?</b></span></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Ce n'est pas une exposition thématique au sens où se déclinerait, partie par partie, sous-partie par sous-partie, les éléments d'une démonstration dont les œuvres seraient les instruments. Au contraire, il s'agit de concevoir une exposition dans laquelle il y a suffisamment de résonance et de différence entre chaque œuvre, pour que chaque œuvre continue d'exister dans sa singularité, tout en ouvrant un espace de partage et de dialogue sensible et mental entre les œuvres des différent.e.s artistes. Toutes les œuvres seront d'ailleurs visibles d'un coup, en entrant dans l'espace du gymnase. J'ai vite fait le choix de ne pas diviser l'espace du gymnase avec des cimaises, pour au contraire favoriser les liaisons visuelles et pédestres entre les œuvres.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">NW Tu m'as montré les reproductions des œuvres qui vont être présentées dans <i>Troubles topiques</i>. Beaucoup sont très organiques, tactiles et appellent à les sentir, les toucher, les renifler, les palper. Est-ce possible ? Outre l'habituelle interdiction de toucher les œuvres dans des expositions, le contexte du Covid ne renforce-t'il pas la frustration de ne pouvoir les toucher ?</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">La question de la frustration a toujours été pour moi un élément à la fois négatif et positif de relation aux œuvres d'art. Évidemment, il y a toujours le fameux « ne pas toucher » dans les expositions, par nécessité de préservation des œuvres. Cet interdit peut même affecter la relation à des œuvres conçues comme palpables et manipulables quand elles entrent dans le domaine patrimonial et/ou lorsqu'elles atteignent une reconnaissance marchande importante, voire considérable — c'est le cas désormais d'œuvres historiques comme les </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Bichos</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> de Lygia Clark, qui nous sont présentées aujourd'hui à distance et accompagnées de vidéos nous montrant des mains gantées, autorisées, qui les manipulent et les déploient, ce qui ne peut que renforcer la frustration, voire l'énervement en raison d'une trahison de la raison d'être de ces sculptures. La valorisation de la tactilité, voire de l'interaction avec les spectateurs a été et est toujours un élément important de pratiques avant-gardistes, néo-avant-gardistes et actuelles, afin de dépasser un sentiment récurrent d'autorité et de séparation auratique des œuvres, afin de les rendre disponibles pour éveiller, voire émanciper les spectateurs, afin de les sortir d'une supposée passivité par leur activation tactile et participative. Il y a même eu des injonctions inverses, par exemple de la part du GRAV, un groupe d'artistes cinétiques dans les années 1960 : « Défense de ne pas participer. Défense de ne pas toucher. Défense de ne pas casser ».</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Pour ma part, j'ai une tendance à vouloir toujours toucher, et je dois avouer que la plupart du temps je ne me prive pas de renifler, toucher les œuvres. Pour moi, c'est un élément important et familier de la relation aux œuvres, sans pour autant tomber dans l'agalmatophilie, c'est-à-dire cette « pratique perverse » qui consiste à avoir des relations sexuelles avec une sculpture et qui pouvait dans la Grèce antique être punie de mort pour sacrilège (si quelqu'un souillait une statue d'Athéna par exemple). Pour revenir à la question de la frustration de ne pouvoir toucher les œuvres, ce qui m'intéresse est l'espace mental et fantasmatique que cet interdit peut générer, provoquer. On peut ne pas toucher une surface, et pourtant on peut ressentir des sensations tactiles de celle-ci, parce qu'on en a une mémoire et/ou parce que telle surface s'hérisse sous notre regard, parce que telle portion de surface a des qualités différentes de celle qui la voisine immédiatement, cette situation de contraste nourrissant la part tactile qui habite notre perception optique. C'est ce qu'on appelle la perception haptique, que les sculptures de Peter Briggs sollicitent beaucoup.</span></p><div><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></div><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9M_ZOWNdRtOwv4dq-UpVwWw8LRfKMA4meRxGBYLwXGt9f9W6pRQImgOwRI3Hr2HXMxlEJUYbpSQQUHQjl4YEDAaF0tl6_1lJHE90mObusRk7N3_8UJiD_iTbwyQRHOS5a2K0bntdOk79h/s5472/5.Rachel+Labastie.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="3648" data-original-width="5472" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi9M_ZOWNdRtOwv4dq-UpVwWw8LRfKMA4meRxGBYLwXGt9f9W6pRQImgOwRI3Hr2HXMxlEJUYbpSQQUHQjl4YEDAaF0tl6_1lJHE90mObusRk7N3_8UJiD_iTbwyQRHOS5a2K0bntdOk79h/s320/5.Rachel+Labastie.jpeg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Rachel Labastie, <i>Entraves</i>, 2008-2020, porcelaine. <br />Vue d'exposition, Eleven Steens, Bruxelles, 2019</td></tr></tbody></table><br /><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">Par ailleurs, on sait que lorsqu'on se prive d'un sens, les autres sensations sont exacerbées. Si tu te bandes les yeux, tous les autres sens se retrouvent exacerbés dans la perception de l'espace et des corps : toucher, ouïe, olfaction, goût. Pareil si tu se bouches les oreilles, ce sont les autres sens, les autres sensations qui vont s'exacerber. En l'occurrence, ce sont des expériences que l'on a développées avec Anna Natt et mes étudiant.e.s, lors d'ateliers d'explorations sensorielles. La privation d'un sens peut donc être exaltante, nourrir les sensations, ouvrir des espaces de désir et de plaisir autres. Dans l'exposition, il y a d'ailleurs des œuvres qui renvoient à cela, à travers des références à des pratiques de coercition consentie (le shibari dans les sculptures de Mathilde Pirard) ou non (les </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif;">Entraves</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> de Rachel Labastie), ou encore à des hommes cagoulés qui renvoient à des univers fétichistes de </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif;">backroom</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> (dans les </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif;">Poussinades</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> de Tom de Pekin). Ce sont des formes et des situations qui, même si on ne les a pas soi-mêmes vécues ou expérimentées, renvoient à des contraintes de mouvements et à des privations sensorielles qui peuvent libérer d'autres sensations et ouvrir à l'exploration physique et mentale d'autres espaces, d'autres imaginaires, plus troubles et troublants que dans les situations et relations ordinaires.</span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnHbWKDD180Ex0LWyW0n-Lm3U-hwamrvpI614g4Jc9nPWRHap_3Cfp2FowssVdxvRaEjwXbfqtJEdzSX6S8uwWbsplYJ7v8dOUqpJHg4u4Td0wxcRR-_RuRdu-ELXjYxKuPP-aW7XUg1ya/s2048/17.Tom+de+Pekin.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1448" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgnHbWKDD180Ex0LWyW0n-Lm3U-hwamrvpI614g4Jc9nPWRHap_3Cfp2FowssVdxvRaEjwXbfqtJEdzSX6S8uwWbsplYJ7v8dOUqpJHg4u4Td0wxcRR-_RuRdu-ELXjYxKuPP-aW7XUg1ya/s320/17.Tom+de+Pekin.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Tom de Pekin, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Poussinade XVII, d'après <br />Solitude de Jan Van Kessel, 1660-70</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, 2014,<br />crayon graphite sur papier, 21 x 29,7 cm</span></td></tr></tbody></table><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"><br /></span></p><p style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif;">Être face à des œuvres, ou faire le tour d'œuvres qu'on ne peut pas toucher, surtout aujourd'hui avec les contraintes liées aux législations sanitaires, implique de fait une frustration qui, selon moi, peut ouvrir, si l'on y est disposé.e, à d'autres sensations, d'autres approches, d'autres imaginaires fantasmatiques, présents dans les œuvres mais jamais explicites. J'ai vraiment confiance dans la capacité de tout.e une.e chacun.e à se rendre disponible à ce type d'ouverture sensorielle et mentale.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>NW Quelqu'un comme moi, qui n'a aucun prérequis, aucune connaissance précise de l'art, est-il accompagné dans l'exposition ? Laisses-tu le trouble se propager ou envisages-tu des médiations ?</b></span></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">D'abord, j'ai confiance dans le lieu, les œuvres et leurs dialogues pour que les visiteurs et spectatrices puissent vivre des expériences vives avec ces œuvres, portées par des stimulations visuelles, haptiques, olfactives et sonores. Par ailleurs, il y aura un livret distribué à tout le monde, qui contiendra un texte de présentation de l'exposition, cet entretien et des informations concernant chaque artiste. Plus encore, le soir du vernissage et pendant les trois premiers jours de l'exposition, Anna Natt va performer des médiations troublantes. Ces médiations vont incorporer à la fois la dimension de tremblement dans le trouble (frontières imprécises, dimension tremblée de la perception, de la sensation, de l'intellection) et celle de perturbation par le chahut des interactions avec les spectateurs et visiteuses, à travers des modes d'adresse qui iront de la suggestion à, peut-être, la directive, en passant par l'induction.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4A-OJoAIhwzGOEFM6sVCvd-mFnggxI7LyckVJ0Z_0eTde1oxAFDPhR4bQKr1H18_N-miZRbrvlZaczI7eo3if8ehHRmn6mqGmQS0GtIZcri7emNt7RQ1hI71xDV2FbNqCuVltn5-Uxknf/s2048/8.Anna+Natt.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1366" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi4A-OJoAIhwzGOEFM6sVCvd-mFnggxI7LyckVJ0Z_0eTde1oxAFDPhR4bQKr1H18_N-miZRbrvlZaczI7eo3if8ehHRmn6mqGmQS0GtIZcri7emNt7RQ1hI71xDV2FbNqCuVltn5-Uxknf/s320/8.Anna+Natt.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Anna Natt, <i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Uro</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, 2013. © Roger Rossell</span></td></tr></tbody></table><br /><p style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif;">NW Tu as parlé de sexualités paraphiliques ou alternatives. Est-ce à dire que l'exposition sera interdite aux moins de 18 ans ou est destinée à un public averti ? Dans quoi va-t-on mettre les pieds ?</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">TT </b><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Ce qui m'a importé dès le départ du projet est que l'exposition ne présente que des œuvres non explicites, et ce pour deux raisons. La première m'est personnelle : la plupart du temps, les œuvres explicites ne m'intéressent absolument pas, quel que soit le sujet, érotique, politique, sociologique... Je ne supporte pas qu'une œuvre m'indique ou m'impose ce que j'ai à voir, à comprendre, à apprendre. Ce qui m'intéresse, c'est le trouble. Je n'ai donc choisi que des œuvres et des démarches qui explorent des dimensions sensorielles, sensuelles, sexuelles que de façon non explicite, soit à travers leurs matériaux et leur organicité, soit par le déplacement et la traduction de signes et symboles de pratiques sexuelles dans d'autres espaces, allégoriques et artistiques.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Finalement, le seul élément explicite, mais discret, présent dans l'exposition, et à ce titre interdit aux moins de 18 ans et déconseillé aux âmes dites sensibles, sera la diffusion sonore, au casque, de deux textes que j'ai écrits et enregistrés : « Dancing Madonna » et « Troubles topiques (métaphysique intestinale) ». Ceci deviendra d'ailleurs peut-être un autre élément de médiation de l'exposition, amenant des éléments narratifs un peu foutraques qui pourraient informer les visiteurs et spectatrices sur certaines œuvres, d'autant qu'ils sont issus d'une résidence d'écriture réalisée en duo avec </span><span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> Vilhena lors du festival Érosphère à Paris en 2019. Nous avions appelé cette résidence « Double aveugle », car il y était question de privation sensorielle et de contraintes dans l'exercice du dessin et de l'écriture. </span><span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> avait pris le parti de dessiner les situations de workshops durant le festival (bondage, burlesque, tantra, massage, BDSM...) sans regarder le dessin en train de se faire mais en se focalisant sur les scènes dont il était le témoin. Il en résulte l'ensemble </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Décence de l'ébauche</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, où le désordre du dessin répond au désordre des corps. Dix dessins de cette résidence sont exposés dans </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Troubles topiques</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">. Quant à moi, j'avais pris le parti de tourner le dos aux situations, aux personnes et à leurs actes, afin d'écrire uniquement porté par ce que j'entendais, percevais, respirais, ressentais. Tourner le dos au motif, m'imprégner des sensations, m'a mis dans une sorte d'état d'hyper attention, voire de conscience modifiée, et de plongée dans l'écriture. Cette situation d'écriture à l'aveugle et ces deux textes m'ont permis, je crois, de libérer enfin des éléments importants, pour moi, dans l'écriture. L'écriture est un espace dans lequel j'ai trop tendance à me contrôler, contrairement à la parole où je sais verbaliser quasi immédiatement mes sensations et sentiments dans tout type de situation vécue (artistique, amicale, amoureuse, douloureuse...).</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg46lJlpd0vQYYTvNLYNoGhLEBrqW458M7M5P1radNf1vhMkXHsYmINopzEfWJdWft7-QgSffOOmyPy3DXfBeNTUgNYBRWxpmQhFMKE4QK3A0KUJtHKQYoNdtlmOZHXrWjFyUSOrsBemOZD/s2048/20.Joao+Vilhena.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1475" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg46lJlpd0vQYYTvNLYNoGhLEBrqW458M7M5P1radNf1vhMkXHsYmINopzEfWJdWft7-QgSffOOmyPy3DXfBeNTUgNYBRWxpmQhFMKE4QK3A0KUJtHKQYoNdtlmOZHXrWjFyUSOrsBemOZD/s320/20.Joao+Vilhena.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="color: black; font-family: "Times New Roman", serif;">João</span><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> Vilhena, </span><i style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">Décence de l'ébauche</i><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;">, 2019,<br /></span>feutres sur papier, 50x70cm</td></tr></tbody></table><br /><p style="margin-bottom: 0cm;"><b style="font-family: "Times New Roman", serif;">NW Cette expérience fait vraiment écho à l'exposition, puisque tu as été toi-même dans un état de trouble, par une privation de sens qui t'a permis de libérer ton imaginaire dans l'écrit !</b></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b>TT </b>Voilà. Et j'espère que l'exposition génèrera des espaces d'expériences sensorielles et mentales aussi riches pour les visiteurs et spectatrices !</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><p><br /></p><p><br /></p><p><br /></p><p><br /></p>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-58991186045002401932021-04-12T09:29:00.002-07:002021-04-12T09:29:53.758-07:00Martial Raysse, c'est de la merde<p><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px;">Inculture ou mauvaise foi ? Dans le chapeau d'un entretien paru dans un Télérama de 2015, on lit de la journaliste Yasmine Youssi que Martial Raysse aurait toujours été à contre-courant. Lui, l'opportuniste qui fut pop artiste quand il le fallait, dans les années 1960, et "peintre de tradition française" quand il le fallut, à partir des années 1980 ! Non content de produire une des pires peintures qui soient depuis une trentaine d'années (pires, parce que prétentieuses, que n'importe quelle merde vendue dans les galeries d'art de Honfleur), non content de prétendre que Cézanne a rendu l'art dogmatique et que Matisse c'est de la rigolade — d'où on comprend qu'ayant de la merde dans les yeux il ne peut qu'en produire —, Martial Raysse se reconnaît comme "un peintre français, de tradition française".</span></p><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px; text-size-adjust: auto;">Qu'est-ce à dire ? Dans les années 1980, dans un mouvement de rétropédalage vis-à-vis de l'avant-garde (y compris de la part d'artistes considérés comme d'avant-garde auparavant), on a observé l'émergence de discours identitaires douteux sur la peinture, qui ont occupé une place importante en Europe occidentale pour des raisons de marché autant que d’identité, et en Europe communiste en raison d’enjeux nationaux et identitaires. </span><div><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px; text-size-adjust: auto;">Exemple, dans le catalogue de l'exposition Corpet-Desgrandchamps-Moignard à Beaubourg en 1987, Fabrice Hergott présentait comme « événement le plus marquant de la décennie » les « mouvements spontanés » d’affirmation « des identités nationales » qui trouvaient « dans la peinture figurative le véhicule de son expression ». Exposer Corpet, Moignard et Desgrandchamps en 1987 revenait à saluer l’apparition en France, après l’Allemagne (les néo-fauves et néo-expressionnistes) et l’Italie (La Pittura Colta), d’une peinture de tradition nationale dont l’identité se traduirait par « la couleur, la rationalité de la forme et la simplicité des sujets ». </span></div><div><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px; text-size-adjust: auto;">Oui, c'était ça aussi les années 80, et Martial Raysse, Grand Prix National de Peinture en 1982 et objet d'une rétrospective au Jeu de Paume en 1992 (lui qui prétend avoir été "oublié pendant 30 ans !), fut un des pires tristes pitres de cette mascarade d'un retour opportuniste, inculte et merdouilleux à une tradition qui ne lui a rien demandé, si tant est qu'elle existât. Pauvres Fouquet, Poussin et David...</span></div><div><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px; text-size-adjust: auto;"><br /></span></div><div><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 13px; text-size-adjust: auto;">référence : http://www.telerama.fr/arts/martial-raysse-depuis-cezanne-l-art-est-devenu-dogmatique,125133.php</span></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-72040938634235657902020-11-11T09:32:00.000-08:002020-11-11T09:32:10.556-08:00Tristan Trémeau, prix spécial du jury, Prix AICA-France 2020<p><span style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;">Le vendredi 25 septembre 2020, j'ai eu le grand plaisir de recevoir le Prix spécial du jury dans le cadre du Prix AICA France (Association Internationale des Critiques d'Art), pour ma présentation de l'œuvre de mon père, Édouard Trémeau.</span></p><p><span style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;">Les critiques d’art nominé.e.s pour le Prix étaient invité.e.s à présenter l’artiste de leur choix selon un format court inspiré du principe du PechaKucha : chaque intervention se structure en 20 images, chaque image est commentée pendant 20 secondes, pour une durée totale de 6 minutes et 40 secondes. Appliqué à la critique d’art, ce format performatif permet la présentation concise d’un.e artiste choisi.e par le ou la critique d’art. Il donne la possibilité à un large public de découvrir des œuvres qui n’ont pas encore obtenu l’attention qu’elles méritent.</span></p><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;">Pour cette 8ème édition les lauréat.e.s (Prix de la critique d’art et Prix spécial du jury) bénéficieront d’une publication dans Connaissance des Arts, ainsi que d’une publication aux éditions In Fine réunissant aussi les autres participant.e.s. </div><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;"><br /></div><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;">Ma présentation a été filmée lors de la soirée du Prix AICA à l'INHA (Institut Nationale d'Histoire de l'Art) et peut être consultée sur le site de l'AICA :</div><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;"><a href="https://aicafrance.org/prix-aica-france-2020-tristan-tremeau-presente-edouard-tremeau/" style="background-color: transparent;">https://aicafrance.org/prix-aica-france-2020-tristan-tremeau-presente-edouard-tremeau/</a></div><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;"><br /></div><div dir="auto" style="background-color: white; color: #050505; font-family: Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 15px; white-space: pre-wrap;"><div dir="auto"><span style="font-family: inherit;">Les critiques primés :</span></div><div dir="auto"><span style="font-family: inherit;">Chris Cyrille (Prix de la critique d'art)</span></div><div dir="auto"><span style="font-family: inherit;">Tristan Trémeau (</span>Prix spécial du jury)</div><div dir="auto">Frédéric Valabrègue (Prix spécial du jury)</div><div dir="auto"><span style="font-family: inherit;"><br /></span></div><div dir="auto"><span style="font-family: inherit;">Les autres critiques nommé.e.s : Marie Chênel, Madeleine Filippi, Véronique Godé, Henri Guette, Bernard Marcelis, Clare Mary Puyfoulhoux.</span></div><div dir="auto"><div class="o9v6fnle cxmmr5t8 oygrvhab hcukyx3x c1et5uql ii04i59q" style="margin: 0.5em 0px 0px; overflow-wrap: break-word;"><div dir="auto" style="font-family: inherit;">Le jury : </div><div dir="auto" style="font-family: inherit;">Président :</div><div dir="auto" style="font-family: inherit;">Antoine De Galbert (galeriste, collectionneur et mécène)</div><div dir="auto" style="font-family: inherit;">Vice-président :</div><div dir="auto" style="font-family: inherit;">Eric de Chassey (directeur général de l'Institut national d'histoire de l'art - INHA)</div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;">Guy Boyer (Journaliste et critique d’art, Directeur de la Rédaction de Connaissance des Arts)</span></div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;">Marion Papillon (Galeriste, présidente Comité Professionnel des Galeries d'Art)</span></div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;">Franck Hermann Ekra (Critique d’art, fondateur du think tank Lab'nesdem)</span></div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;"><br /></span></div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><span style="font-family: inherit;"><br /></span></div><div dir="auto" style="font-family: inherit;"><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCwl8tqUZC787XlaiNH7TfwzP00xaYLBi521umunYsQIE-0V3KWzbMXyb4_sxEwcDx31xNnVM1zArhhdmWb7gcqE-O6jK74EwsdA9LAS0Fl1PT3f0yXE52skUTS8vGQD-t1hZXa5O7Aikh/s964/120298744_1680910852077579_1496151001059789509_o.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="643" data-original-width="964" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhCwl8tqUZC787XlaiNH7TfwzP00xaYLBi521umunYsQIE-0V3KWzbMXyb4_sxEwcDx31xNnVM1zArhhdmWb7gcqE-O6jK74EwsdA9LAS0Fl1PT3f0yXE52skUTS8vGQD-t1hZXa5O7Aikh/s320/120298744_1680910852077579_1496151001059789509_o.jpg" width="320" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: left;"><span style="color: #050505;"><span style="font-size: 15px; white-space: pre-wrap;">Les 3 lauréats : T.Trémeau, C.Cyrille, F.Valabrègue</span></span></td></tr></tbody></table><span style="font-family: inherit;"><br /><br /></span></div></div></div></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-56246512476652547812020-09-02T02:09:00.002-07:002020-09-02T02:11:23.502-07:00L'art à l'épreuve du local (L'art même 82, 2020)<p>Voici mon dernier article paru dans le n°82 de la revue belge <i>L'art Même</i>, dans le cadre d'un dossier spécial consacré à ce que la crise sanitaire, politique, économique et écologique fait à l'art contemporain. </p><p><br /></p><p style="text-align: center;"><b>L'ART À L'ÉPREUVE DU LOCAL</b></p><p style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;"><br /></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Dès le début du confinement, j'ai reçu d'artistes, de différentes générations et nationalités, des mails et des messages où se manifeste une préoccupation de penser et élaborer des modes d'existence de leurs pratiques, depuis l'atelier jusqu'à l'exposition, sur des rapports plus resserrés spatialement, frugaux économiquement et rapprochés avec le public, selon des modèles associatifs et coopératifs. Ceci pour tenir à distance et éventuellement réfuter des modes devenus dominants, en tout cas de plus en plus visibles, ces quarante dernières années, de production et de diffusion spatiales, somptuaires et planétaires, de l'art contemporain, identifiés aux développements de la logique culturelle du capitalisme tardif (pour paraphraser le philosophe états-unien Fredric Jameson <b>(1)</b>), à travers musées, centres d'art, biennales et grands événements surdimensionnés, pollueurs à tous les stades de la production, de la diffusion, de l'équipement et du tourisme culturel, et transformateurs d'un pan important de la création contemporaine en industrie culturelle et en moteur attractif du développement productif des villes et des territoires (« l'effet Bilbao » <b>(2)</b>). Ceci, aussi, pour reprendre en main les contextes et modes de création et de diffusion du travail artistique, de plus en plus détournés à des fins exogènes (promotion et attractivité d'un quartier, d'une ville, d'un territoire) et donc soumis à des enjeux portés par d'autres acteurs et actrices qu'artistes et qu'intermédiaires traditionnels de l'art (critiques, commissaires, conservateurs, galeristes), c'est-à-dire les élu.e.s, managers culturels et institutions privées (entreprises, fondations...). Un sentiment d'être devenu étranger à son propre champ par l'appropriation de ses intérêts et valeurs par d'autres acteurs est apparu ces dernières décennies et il est mal vécu par nombre d'artistes, d'acteurs et actrices intermédiaires de l'art, face à la montée en puissance des intérêts économiques et politiques pour l'art contemporain, pour sa dimension spéculative et sa participation à la production du capital symbolique d'une collectivité, d'un territoire, d'une entreprise, ou d'une fondation. Aussi, l'idée d'un resserrement spatial, quantitatif et qualitatif des conditions et des modes de création, de diffusion et de réception du travail artistique fait-elle surface, à la faveur de la crise sanitaire actuelle et de ses conséquences tant économiques qu'idéologiques, psychologiques que pragmatiques.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6PsAwLYTwtmQONt9UAKW5A1c1hytcMK9NAOrtkx7USyw33Gno2ZCWUrCwQATSHnMQ4ZV4UcvWYhRaATLaq8ArpuMcKcAgLufSDHTa4AkHvyxgqUoBqoI_Ia7UokGiCR-7ARR4Mq7eJyI7/s2048/2.Exposition-burashi-CreditPhilippePiron.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1366" data-original-width="2048" height="534" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6PsAwLYTwtmQONt9UAKW5A1c1hytcMK9NAOrtkx7USyw33Gno2ZCWUrCwQATSHnMQ4ZV4UcvWYhRaATLaq8ArpuMcKcAgLufSDHTa4AkHvyxgqUoBqoI_Ia7UokGiCR-7ARR4Mq7eJyI7/w800-h534/2.Exposition-burashi-CreditPhilippePiron.jpg" width="800" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Vue de l'exposition <i>Burashi Oto Hanna Shinmoku</i>, Millefeuilles, Nantes, 2015<br />© Philippe Piron</td></tr></tbody></table><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;"><br /></span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Repenser la vie et la pratique artistiques depuis le local, voire de circuits courts de diffusion, n'est pas sans heurter au préalable un certain nombre de convictions et représentations des vies et des pratiques artistiques. L'art contemporain, depuis ses lieux de formation jusqu'à ses lieux de diffusion, est marqué depuis longtemps par un régime de déplacements, de déterritorialisations, d'ouvertures et d'expansions tant des pratiques artistiques elles-mêmes que des parcours d'artistes, aux échelles nationales et internationales. Dès les études en écoles supérieures d'art, sont développés et favorisés depuis la fin des années 1980, des déplacements européens et extra-européens dès la deuxième année de Bachelor, à travers des programmes tel Erasmus, à l'instar de toutes les institutions d'enseignement supérieur. Aller à la rencontre d'autres modalités d'enseignement de l'art, rencontrer d'autres situations, histoires et cultures artistiques, se connecter avec d'autres futur.e.s artistes, développer un réseau, sont désormais des éléments déterminants des études artistiques au niveau européen, voire inter-continental, afin de renforcer la professionnalisation des étudiant.e.s et de les supporter dans leurs déploiements. Lorsqu' à la fin des années 2000 j'enseignais à l'école supérieure d'art de Quimper, une commune de 60.000 habitants en Bretagne, cette logique se soutenait d'une nécessité d'offrir aux étudiant.e.s des perspectives spatiales autres que locales, relativement réduites en termes de déploiement, de visibilité et de perspective du travail, à travers l'adhésion de l'école au réseau MAPS (Master of Art in Public Sphere) qui réunissait des établissements suisses, espagnols, belges, polonais, états-uniens, finlandais, roumains et sud-africains. Ce type de réseau, très répandu à l'échelle internationale, associé à d'autres dispositifs tel Erasmus et soutenu idéologiquement par la mise en place du Décret de Bologne (l'unification des diplômes en Europe) ainsi que par l'ELIA (European League of Institutes of the Arts), promeut une vision du Monde en réseaux et connexions, basée sur des critères qualitatifs (ouverture d'esprit et des repères, expériences multi-culturelles, apprentissages d'autres langues et pratiques...) et aussi, voire surtout, quantitatifs : dès les études supérieures artistiques, le curriculum vitae des futur.e.s artistes peut désormais manifester un certain nombre de déplacements, d'expériences, de workshops, d'expositions, de diplômes et ainsi les valoriser au regard de l'attente d'artistes sans cesse en mouvement, en expérimentation, flexibles, adaptables, créatifs. De même, les écoles supérieures d'art peuvent ainsi faire valoir, auprès des agences nationales d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche, quand vient le moment de la rédaction quadriennale des dossiers sur leurs activités, leurs projets nationaux et internationaux, leurs proactivités en matière de développement international et d'inscription dans les réseaux d'enseignement, de création et de recherche </span><b style="text-align: left;">(3)</b><span style="text-align: left;">.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">Comme je l'avais pointé en 2011 dans mon livre <i>In art we trust. L'art au risque de son économie</i>, tout ceci a tendu à remplacer en partie, dès la fin des années 1990, la logique du collectif (qui implique une localisation) par celle du réseau (qui nécessite des délocalisations), comme l'ont manifesté des titres d'expositions importantes articulées autour de notions devenues récurrentes à l'échelle globale, marquées par l'idéologie libérale et en résonance avec le développement des nouvelles technologies (réseau, connexion, flux, relation, transversalité...) : <i>Traffic</i> (Capc-musée d'art contemporain de Bordeaux, 1996), <i>Transit</i> et <i>Connexions implicites </i>(École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 1997), <i>Connivence</i> (Biennale de Lyon, 2001), <i>Traversées</i> (Musée d'art moderne de la Ville de Paris, 2001). Jean de Loisy, commissaire de <i>Connexions implicites</i>, pouvait ainsi écrire : « <i>Avec qui suis-je connecté ?</i> paraît aujourd'hui plus explicite d'un lien ou d'identité que <i>à quel groupe ou pays ou religion appartiens-tu ?</i> Ainsi les mouvements autrefois fondés sur une idéologie politique ou esthétique partagée ne sont plus de mise, alors que les réseaux qui traversent les anciennes catégories font apparaître la naissance d'une identité transnationale et trans-culturelle dynamique » <b>(4)</b>. Cette injonction à la mobilité n'est évidemment pas propre au champ artistique, elle renvoie à une idéologie dominante du capitalisme tardif enjoignant les individus à développer et à montrer leur flexibilité et leur capacité à se déployer au-delà de leur « zone de confort » (pour reprendre un terme actuellement en vogue), mais elle est profondément inscrite culturellement dans les représentations modernes et contemporaines de l'art et des artistes, de leurs vies, valeurs et modes de productions. Il serait loisible de citer les sociologues Luc Boltanski et Chiapello qui, en 1999, avaient montré comment et combien le néo-management s'inspirait depuis les années 1970, de la « critique artiste » des modes de production et de vie traditionnels pour promouvoir l'autonomie, la flexibilité, l'adaptabilité et la créativité des travailleurs et des travailleuses <b>(5)</b>. De même, on peut voir combien ces valeurs ont inspiré aussi les idéologues et promoteurs des « classes créatives » (au premier rang, Richard Florida <b>(6)</b>) et par la suite les start-ups, incubateurs et autres quartiers créatifs.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh0T-XiHaq2VUh2dUHfvI8No9jz-m31raqZzV1habrBHBTdZ2oIuHjAw-7BMLNNJA4asqEgxKLucQymuOvogsLkWRpi6N_61r5RXxn4POm-tOQqiK8o8u2_lJ3SAyU66z-gz8Y35TnFovUU/s2048/1.vue+expo+En+un+lieu+incertain+2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1371" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh0T-XiHaq2VUh2dUHfvI8No9jz-m31raqZzV1habrBHBTdZ2oIuHjAw-7BMLNNJA4asqEgxKLucQymuOvogsLkWRpi6N_61r5RXxn4POm-tOQqiK8o8u2_lJ3SAyU66z-gz8Y35TnFovUU/s640/1.vue+expo+En+un+lieu+incertain+2.jpg" width="640" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Vue de l'exposition <i>En un lieu incertain</i>, Millefeuilles, Nantes, 2012<br />Commissariat et © Tristan Trémeau</td></tr></tbody></table><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br />Au-delà ou en-deçà, il faut pointer que les représentations culturelles inscrites profondément dans les devenirs artistes portent, depuis la modernité, ces valeurs d'ouverture, de déplacement et de franchissement de frontières, culturelles comme mentales, sociales comme physiques, au nom notamment d'un rejet des cadres sociaux, économiques et culturels traditionnels, assimilés tant à des carcans idéologiques et esthétiques nationalistes ou régionalistes, qu'à des carcans spatiaux et classistes empêchant le déploiement de vies individuelles comme de projets collectifs. L'histoire de l'art contemporain, au moins depuis le début du XXème siècle, est remplie de récits et biographies d'artistes, de manifestes, de regroupements et d'événements collectifs qui disent et soulignent ces récits émancipateurs (d'une famille, d'une classe sociale, d'une société patriarcale verrouillée, d'un lieu sans perspective, d'un contexte culturel réduit, d'une esthétique réifiée, etc.). L'artiste doit quitter sa « small town » pour s'épanouir, pour s'émanciper du conformisme petit-bourgeois, chantaient John Cale et Lou Reed en hommage à Andy Warhol, né à Pittsburgh et monté à New-York <b>(7)</b>. Ces récits continuent de nourrir les représentations culturelles des vies d'artistes dès leurs formations, tout en inspirant aussi les modes de vie de non-artistes, comme l'a montré dès le début des années 1980 la sociologue états-unienne Sharon Zukin, qui créa le concept de « mode de production artistique » pour définir l'appropriation de ces valeurs par des acteurs et actrices institutionnelles privées et publiques, aux fins de transformer l'économie productive des villes, depuis la création de nouveaux types de logements destinés aux classes supérieures (le loft, les anciennes fabriques et usines réhabilitées) jusqu'à celle de grands lieux culturels propres à les divertir (musées, salles de concerts et de spectacles...), en passant par la redéfinition de secteurs urbains en sites historiques et patrimoniaux, ainsi que la création de grands événements culturels propres à attirer des entreprises, des investisseurs et des capitaux, l'immigration dorée (les cadres supérieur.e.s) et les étudiant.e.s, tout comme à renforcer l'attractivité touristique des villes <b>(8)</b>.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Tout ce que décrivait Sharon Zukin à propos de la gentrification de SoHo à New-York dans </span><i style="text-align: left;">Loft Living. Culture and Capital in Urban Changes</i><span style="text-align: left;">, en 1982, est devenu le paradigme de toutes les politiques planifiées de gentrification des centralités et proches périphéries urbaines en Occident, de quelques dimensions soient les communes et métropoles concernées, entre-temps renforcées par les Capitales européennes de la culture (dispositif créé en 1985), les </span><i style="text-align: left;">flagship projects</i><span style="text-align: left;"> (les « projets-étendards » tels les musées spectaculaires conçus par des grandes fondations et des starchitectes) et l'impact du modèle de la Biennale internationale d'art contemporain à l'échelle planétaire. Tandis qu'il n'en existait jusqu'aux années 1980 que trois au monde (Venise, créée en 1895, Sao Paulo en 1951, Paris en 1959), plus de cent biennales internationales d'art contemporain sont désormais comptabilisées, sans compter tous les autres événements annuels, biennaux, triennaux ou quadriennaux de plus ou moins grande ampleur sur tous les continents. Pour le dire vite, chaque ville veut désormais son événement international, son projet-étendard, sa signature architecturale et son quartier créatif, pour se mettre à niveau et se distinguer dans la concurrence nationale et internationale. Souvenons-nous du match Mons-Liège pour l'obtention en Belgique du label Capitale européenne de la culture, remporté par la première, comme de celui qui opposa, en France, Marseille à Bordeaux. Vexé par sa défaite, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, imposa la création d'une manifestation nommée Evento, qui absorba des subsides considérables, au détriment des institutions publiques, lieux subventionnés et associations culturelles existantes. L'événementiel, l'industrialisation culturelle, le spectaculaire, le nouveau au détriment du développement, de l'approfondissement et du soutien à l'existant va de pair avec l'exclusion plus ou moins totale des artistes et des acteurs et actrices intermédiaires de l'art locaux, tant de la définition de ces projets et événements que de leurs contenus.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSxqTusuf9RdK_BTyHmPJUlmJDd5nPzvsUK7yQOqCitbW2qL9d5DkdHNqNrGP57nDUUuYaU5bZ1JjYOtLOZTXvtIxYNvtOiOvwwIK7s7odpfllFbFLkrlKO67yRKz4vAVGiDkBWpRmMyFN/s2048/5.performance_Yonsoo_Kang_Pour_un_eventuel-voyage-CreditPhilippePiron.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1638" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhSxqTusuf9RdK_BTyHmPJUlmJDd5nPzvsUK7yQOqCitbW2qL9d5DkdHNqNrGP57nDUUuYaU5bZ1JjYOtLOZTXvtIxYNvtOiOvwwIK7s7odpfllFbFLkrlKO67yRKz4vAVGiDkBWpRmMyFN/s640/5.performance_Yonsoo_Kang_Pour_un_eventuel-voyage-CreditPhilippePiron.jpg" width="640" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Performance de Yonsoo Kang, <i>Pour un éventuel voyage</i>, Millefeuilles, Nantes, 2015<br />© Philippe Piron<br /></td></tr></tbody></table><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br />Ce phénomène d'exclusion des actrices et acteurs locaux de l'art contemporain est observable dans quasiment tous les contextes urbains où les politiques culturelles se sont définies depuis des choix et décisions <i>up-down</i>, c'est-à-dire prises par les pouvoirs organisateurs et les élites territoriales sans égard et sans concertation avec la base, en l'occurrence les artistes, critiques, commissaires, conservateurs, responsables d'associations artistiques, qui peuvent vivre cette situation comme une double peine. Leur éloignement des capitales qui, par définition, capitalisent les pouvoirs et favorisent la visibilité et la reconnaissance des artistes, n'aide déjà pas à leur visibilité et à leur reconnaissance au-delà de leurs bases, quand par ailleurs il est remarquable de constater que très souvent les nouvelles élites locales sont plus tournées vers l'extérieur et le marché international que vers le soutien aux artistes et scènes artistiques locales (ce que le déclin important du nombre de galeries privées d'art contemporain dans les villes et métropoles « moyennes » souligne depuis la fin des années 1990). Par ailleurs, avec le développement d'événements artistiques de grande ampleur et à ambition prestigieuse dans leurs villes et territoires mêmes, les « artistes locaux » vivent encore un autre niveau d'invisibilisation puisqu'ils et elles en sont majoritairement exclu.e.s. Ce mépris de l'existant et des « artistes locaux » fut par exemple flagrant lors de Lille 2004, Capitale européenne de la culture. À l'exception de l'exposition <i>On a choisi Rubens</i> au Palais Rameau, initiée par des artistes lillois en réponse à leur exclusion de toute la préparation de l'année culturelle, rien dans la programmation de Lille 2004 ne rendit visible les réalités de la création artistique locale, pourtant de grande qualité et semblable, dans sa diversité esthétique et générationnelle, à ce que l'on peut rencontrer et voir dans n'importe quelle métropole européenne dotée d'écoles d'art, de musées, de centres d'art, d'artist-run-spaces, de galeries, etc. Au regard de la logique concurrentielle et culturellement industrielle du capitalisme tardif, il semble impensable, pour les élus et élites locales, de considérer avec intérêt et pertinence les actrices et acteurs locaux de l'art. Il en fut de même en 2011 à Bordeaux, lorsque Michelangelo Pistolletto et sa Fondation Cittaellarte reçurent carte blanche pour la programmation d'Evento, sans connaissance de la ville, de ses institutions, de ses actrices et acteurs <b>(9)</b>.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Enfin, un troisième niveau d'exclusion des « artistes locaux » est la conséquence socio-économique directe de la gentrification des villes due notamment à leur « réeenchantement culturel » : il leur devient de plus en plus difficile, voire impossible, de payer un double loyer d'habitation et d'atelier, voire même un seul loyer, dans des villes où le coût locatif a parfois doublé en dix ans et quand les revenus ont stagné et le pouvoir d'achat diminué. L'importante délocalisation à Bruxelles, en termes quantitatifs, d'artistes et jeunes diplômé.e.s d'écoles d'art venu.e.s de villes françaises telles Lille, Nantes, Lyon, Marseille ou Bordeaux (Lille 2004, Le Voyage à Nantes, Fête des Lumières et Biennale de Lyon, Marseille-Provence 2013, Evento), outre l'attrait d'une capitale européenne et d'une scène artistique très vivante, est symptomatique de ces situations locales de réductions des possibles pour les artistes : augmentation des coûts locatifs, mépris des « artistes locaux » reconnus uniquement pour leurs capacités à mener des missions temporaires de médiation culturelle (dans des cadres scolaires, péri-scolaires, sociaux ou événementiels), exclusion des grands événements, absence de « circuit court » marchand compensée par les mises en réseaux régionaux et eurorégionaux d'artistes, d'associations et d'institutions (par exemple 50° Nord), ainsi que par des agences de conseil, d'accompagnement de projets et de formation continue (par exemple AMAC, agence spécialisée en art contemporain Nantes/Paris) </span><b style="text-align: left;">(10)</b><span style="text-align: left;">.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcgayfD9ZyWrOaa9yRXh2LXZcofNAUSocltbOpEk0TwjR5_9UleA941U28ZJ3tgLJgQsgxLBiNPBxNnv0RVrXqF31G2anYF7qwuz4mfSFn7eWan55Aj667-cMe_GaE9rTvv4EiJDa_gBM6/s2048/6.LesAteliersMilleFeuillesCreditMilleFeuilles.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1371" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjcgayfD9ZyWrOaa9yRXh2LXZcofNAUSocltbOpEk0TwjR5_9UleA941U28ZJ3tgLJgQsgxLBiNPBxNnv0RVrXqF31G2anYF7qwuz4mfSFn7eWan55Aj667-cMe_GaE9rTvv4EiJDa_gBM6/s640/6.LesAteliersMilleFeuillesCreditMilleFeuilles.JPG" width="640" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Les ateliers, Millefeuilles, Nantes. © Millefeuilles<br /></td></tr></tbody></table><br /><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;">Afin de dépasser cette situation d'exclusion et de non reconnaissance locales, de nombreuses associations d'artistes basées hors des capitales européennes ont créé des lieux originaux combinant ateliers individuels et collectifs, expositions, conférences, festivals, plateforme de production et de formation. C'est le cas de Millefeuilles à Nantes, créé en 2012 et qui, je crois, est exemplaire et peut faire modèle </span><b style="text-align: left;">(11)</b><span style="text-align: left;">.</span><span style="text-align: left;"> Dans un contexte où la ville de Nantes a mené, sous la direction artistique de Jean Blaise, une politique de « réenchantement » urbain </span><b style="text-align: left;">(12)</b><span style="text-align: left;">,</span><span style="text-align: left;"> à travers différents événements culturels, touristiques et divertissants (Le Festival des Allumées, Estuaire puis Le Voyage à Nantes), la création de nouveaux lieux culturels (Le Lieu Unique, Le Hangar à Bananes, Les Machines de l'Île...) et la transformation des quais industrieux en quartier créatif, il était devenu très difficile aux artistes, pour beaucoup issus de la réputée école des beaux-arts locale, d'y louer des espaces d'atelier et d'y faire vivre une collectivité artistique ouverte et irréductible aux standards culturels industriels imposés par le programme réenchanteur et gentrifieur. Porté par des associations d'artistes et notamment par Romain Boulay, artiste et curateur, soutenu par un conseil collégial de 13 personnes (artistes et acteurs extérieurs), le projet Millefeuilles, implanté au cœur du quartier créatif, entre les Machines en l'Île et le Hangar à Bananes, et en face des </span><i style="text-align: left;">Anneaux</i><span style="text-align: left;"> de Daniel Buren, propose 18 ateliers à des coûts très réduits (20 m2 pour 100 euros par mois), des machines et des espaces d'ateliers communs, mutualisés pour les artistes du lieu (atelier bois, four à céramique) et proposés à la location pour d'autres artistes non résidents. L'ambition fut dès le départ de « favoriser l'autonomie artistique et financière des artistes en repensant le modèle économique », fondé sur la mutualisation des espaces et des moyens techniques, ainsi que sur la prestation de services à l'adresse d'artistes, de scénographes, de designers, d'architectes et d'institutions (aide à la réalisation d'œuvres, de cimaises, de socles, de cadres...). Inspiré par des modèles socialistes coopérativistes, à l'instar d'autres initiatives réapparues depuis le début du XXIème siècle dans d'autres domaines (agriculture, commerce équitable, AMAP, recycleries...), soutenu par des subventions publiques qui représentent seulement 30% du budget (70% sont des fonds propres issus de l'aide à la production et des formations dispensées dans le travail du bois, du métal, de la céramique, de la 3D...), Millefeuilles est un véritable projet </span><i style="text-align: left;">bottom-up</i><span style="text-align: left;"> fondé sur les besoins et nécessités des artistes, en contradiction avec la récurrence des projets politiques </span><i style="text-align: left;">up-down</i><span style="text-align: left;"> qui s'imposent la plupart du temps sans concertation avec les acteurs et actrices concernées. Au cœur d'un éco-système profondément modifié, où la majorité des projets et investissements sont tournés vers l'industrie culturelle, événementielle et touristique et vers « l'économie créative » (design, publicité, communication, mode, graphisme, numérique...), excluant les artistes ou les réduisant à des producteurs ou coproductrices de divertissement urbain, Millefeuilles s'est imposé comme un îlot artistique central, spatialement et symboliquement, au sein du quartier créatif nantais, ainsi qu'un lieu d'expositions et de festivals de performance qui a aidé à ressouder et à redynamiser la scène artistique locale. Il est aussi un véritable tiers-lieu, créé par nécessité et par ses acteurs mêmes, au contraire des multiples tiers-lieux récemment générés et labellisés par décisions </span><i style="text-align: left;">up-down </i><span style="text-align: left;">et destinés à participer à l'aménagement et au développement territorial, à l'économie productive des villes (centres d'affaires, incubateurs, clusters, villes 2.0, villes créatives...) </span><b style="text-align: left;">(13)</b><span style="text-align: left;">.</span></p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><span style="text-align: left;"><br /></span></p><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><tbody><tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgl4GFF137Cof2ESWgAa7NnNq0-r0EfDzfA2jy-NgzAdYFGUu0sQUlserzwRxgboBmiXlc-u-yD-67hANBOBdfdN_CtRa7YnCyxyvST488xj-bjk8bJ6Z0De0R8Vah0dCJeMbigRv35H8eZ/s2048/4.ProductionaMilleFeuillesduBureauDetudeSpatialeCreditMilleFeuilles.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1371" data-original-width="2048" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgl4GFF137Cof2ESWgAa7NnNq0-r0EfDzfA2jy-NgzAdYFGUu0sQUlserzwRxgboBmiXlc-u-yD-67hANBOBdfdN_CtRa7YnCyxyvST488xj-bjk8bJ6Z0De0R8Vah0dCJeMbigRv35H8eZ/s640/4.ProductionaMilleFeuillesduBureauDetudeSpatialeCreditMilleFeuilles.jpg" width="640" /></a></td></tr><tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Atelier de production, Millefeuilles, Nantes. © Philippe Piron</td></tr></tbody></table><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br />Cette reprise en mains par les artistes des conditions de mise en œuvre et de développement de leur éco-système à une échelle locale est très exigeante en termes d'engagement puisqu'en plus du déploiement du travail artistique de chacun.e, ces actions nécessitent une acuité et une pragmatique politiques, sociales et économiques pour rédiger et porter les projets, pour convaincre les pouvoirs organisateurs et partenaires potentiels. Cette dépense est nécessaire non seulement pour la survie et le déploiement des artistes basé.e.s dans des villes et des territoires qui privilégient une vision strictement divertissante et utilitaire de l'art et de la culture en général, mais pour la dynamique et l'ouverture artistiques de ces villes et territoires, pour les artistes comme pour tout.e citoyen.ne. Il est à espérer que ces véritables tiers-lieux se développent pour générer des perspectives créatives enthousiasmantes pour les jeunes diplômé.e.s d'écoles d'art qui, pour différentes raisons et d'abord financières, demeurent ou s'installent hors des capitales.</p><p align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;"><br /><b>Tristan Trémeau</b></p><div id="sdfootnote1"><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><br /></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><b>(1)</b> Fredric Jameson, <i>Le postmodernisme, ou La logique culturelle du capitalisme tardif</i>, Paris, ensb-a, 2007 (1991).</p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(2)</b> La notion d'«effet Bilbao » est récurrente dans les écrits sociologiques, géographiques et économiques qui étudient l'impact sur la ville et le territoire de l'ouverture du musée Guggenheim à Bilbao, au Pays Basque espagnol, en 1997.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(3)</b> En Fédération Wallonie-Bruxelles, il s'agit de l'AEQES (Agence pour l'Évaluation de la Qualité de l'Enseignement Supérieur). En France, l'agence équivalente a pour nom HCÉRES (Haut Conseil de l'Évaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur).</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(4)</b> Cf. le chapitre « Connexions implicites. Les mots magiques des années 1990 », in T. Trémeau, </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">In art we trust. L'art au risque de son économie</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, ed. Al Dante/Aka, Marseille/Bruxelles, 2011, pp.19-27.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(5)</b> Luc Boltanski et Eve Chiapello, </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">Le nouvel esprit du capitalisme</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, Paris, Gallimard, 1999.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(6) </b>Richard Florida, </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">The Rise of the Creative Class. And How It's Transforming Work, Leisure and Everyday Life</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, Basic Books, 2002.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(7) </b>John Cale & Lou Reed, « Small Town », première chanson de l'album </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">Songs for Drella</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, 1990.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(8) </b>Sharon Zukin, </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">Loft Living. Culture and Capital in Urban Changes</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, Johns Hopkins University Press, 1982.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(9) </b>Jean-Baptiste Naudy, ex membre du duo artistique Société Réaliste et alors en résidence à Cittadellarte, m'a récemment rapporté cette méconnaissance foncière du contexte bordelais de la part des programmateurs.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><b>(10) </b><a href="http://www.50degresnord.net/" style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">http://www.50degresnord.net/</a><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"> ; </span><a href="http://www.amac-web.com/" style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">http://www.amac-web.com/</a></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><b>(11) </b><a href="https://www.millefeuillesdecp.com/" style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">https://www.millefeuillesdecp.com/</a></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(12) </b>Cf. Philippe Dossal, </span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">Réenchanteur de ville, Jean Blaise</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, Ateliers Henry Dougier, 2015.</span></p><p class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;"><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;"><b>(13) </b>Au sujet de ce détournement de la notion de tiers-lieu, je renvoie à la discussion publique que j'ai modérée lors d'</span><i style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">Artists wanted !</i><span style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">, journée de rencontres professionnelles, à l'ARBA-ESA à Bruxelles le 21 novembre 2019, avec Romain Boulay, Ronny Heiremans, Stéphane Roy et Mathilde Villeneuve : </span><a href="https://drive.google.com/file/d/1Jt9FSSwKFVFBDBne_luUwmayKbicPYf-/view?fbclid=IwAR28bogSPvqF3vyxZ0BPdeI6eY9gcFNVl2ARDyYWjtFIEpQBn_qvRFTuwtY" style="font-size: 10pt; text-indent: -0.5cm;">https://drive.google.com/file/d/1Jt9FSSwKFVFBDBne_luUwmayKbicPYf-/view?fbclid=IwAR28bogSPvqF3vyxZ0BPdeI6eY9gcFNVl2ARDyYWjtFIEpQBn_qvRFTuwtY</a></p></div>Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-68831168843522791462020-04-05T06:59:00.000-07:002020-04-05T07:54:09.980-07:00Disasters series (Pavillon Bosnie-Herzégovine, Biennale de Venise, 2017)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;">Ce texte, conçu à partir d'un article antérieur (<i>En un lieu incertain. Peinture et littérature après le désastre</i>, à lire sur ce blog) et augmenté d'un hommage à Zoran Music, a paru dans le catalogue de l'exposition du Pavillon de Bosnie-Herzégovine, <i>University of Disaster. Radenko Milak and international guests</i>, lors de la Biennale de Venise de 2017.</span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><br /></span></div>
<div align="CENTER" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>DISASTERS SERIES</b></span></span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><i>« Entre tes genoux et ta hanche, j'ai senti des douleurs ancrées de désastres, de guerres. Une voix me disait « Troisième Reich, Troisième Reich ». Je ne suis pas sûre que ce que disait cette voix soit juste, mais il y a une mémoire d'une extrême violence et de douleurs inscrite en toi. Elle ne t'appartient pas mais elle t'habite. » (Paris, mars 2017)</i></span></span></div>
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<br /></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">La question du désastre est un </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>leitmotiv</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> de la littérature et de l'art occidentaux depuis au moins le Romantisme. Guerres, massacres, génocides, destructions, ravages, catastrophes naturelles et industrielles sont des motifs importants de toute une part de la création moderne et contemporaine. On peut penser à toute une lignée, allant des </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Désastres de la guerre</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> de Goya, à leur impact extraordinaire sur les artistes et écrivains du XIXème siècle, jusqu'à la série </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Nous ne sommes pas les derniers</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> de Zoran Music (1970), dans laquelle surgit la mémoire des mourants et des cadavres qu'il avait dessinés à Dachau en 1945, et aux écrits concentrationnaires et post-concentrationnaires publiés des années 1950 à 1980. À partir de 1945, il n'est plus question pour nombre d'écrivains et d'artistes de « triste pressentiment de ce qui doit arriver »<b> (1)</b></span></span></span><sup><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><a class="sdfootnoteanc" href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=8844530635297553366#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc" style="font-size: 0.57px;"><sup>1</sup></a></span></span></span></sup><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">. Ce qu'avait annoncé Goya à l'aube du XIXème siècle leur semble s'être réalisé : les deux guerres mondiales, les génocides, la politique d'extermination des Juifs d'Europe, les régimes totalitaires, la bombe d'Hiroshima… Auschwitz et Hiroshima deviennent les noms propres synonymes de catastrophes et de désastre absolus rendant difficile, voire impossible aux yeux d'auteurs influents (d'Adorno à Blanchot) qui la poésie, qui l'art, qui le récit, qui le témoignage et la transmission de l'expérience. D'autres peurs, d'autres pressentiments de désastres naissent concernant l'écologie et la biosphère, mais aussi les rapports d'aliénation capitalistes à la surproductions d'objets et d'images.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi_IZTgeJ0N7qmE52Ez4P986bsg5GJkvLj0Zfmr7TSm18WF8H4HKER0W7UhZkUJJoM5YuiLuDlqRrX093yxL3Kl_96LcA1IKBi1TOCHA_gdmRReIRoEVPr8VQTy6NKEL6MLNAABGzskEUrO/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2020-04-05+a%25CC%2580+15.52.21.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="496" data-original-width="383" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi_IZTgeJ0N7qmE52Ez4P986bsg5GJkvLj0Zfmr7TSm18WF8H4HKER0W7UhZkUJJoM5YuiLuDlqRrX093yxL3Kl_96LcA1IKBi1TOCHA_gdmRReIRoEVPr8VQTy6NKEL6MLNAABGzskEUrO/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2020-04-05+a%25CC%2580+15.52.21.png" width="247" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Catalogue de l'exposition <i>Goya informe</i>,<br />
Musée des beaux-arts, Tourcoing, 1999.<br />
Commissaire : Tristan Trémeau</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>Le moi assiégé</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">À partir des années 1960, le motif ou la figure du désastre a connu au moins deux actualisations dans l'espace littéraire et les pratiques artistiques. La première peut être identifiée, aux États-Unis, au Pop Art et à la littérature de science-fiction. L'hyper présence des images médiatisées dans le vécu individuel et collectif des sujets, saturant de visibilité ce qui était jusqu'alors relativement préservé (la vie des autres, quelconques ou identifiés lorsque hommes d'état ou artistes), a conduit un auteur comme J.G. Ballard à hypertrophier des conséquences psychiques possibles de cette situation pour un sujet qui en serait affecté, dans des visions paranoïaques que restitue un roman, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>La foire aux atrocités</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> (1969). Dans le livre, le suicide de Marylin Monroe, la bombe d'Hiroshima, l'assassinat de Kennedy habitent et brisent l'esprit d'un médecin psychiatre déboussolé, qui change de surcroît constamment de nom (Talbert, Traven, Travis…) comme change à chaque moment sa vision du monde. Soumis à la spatialisation des images, ses visions sont celles d'un « visage serein de la veuve du Président peint sur des panneaux (qui) flotte à plus de cent mètres de haut par-dessus les toits, et disparaît dans la banlieue toute embrumée (…), des centaines d'affiches représentant Jackie dans des postures familières et innombrables ». Agrandi de façon délirante dans des images hors d'échelle, le corps devient tel un paysage : « La peau grêlée de Marylin, les seins de pierre ponce taillée, les cuisses volcaniques, le visage de cendre. La jeune veuve du Vésuve ». Le roman de Ballard parle de l'explosion du sujet, détruit ou effacé par les images, d'un désastre de la fragmentation schizo-paranoïde due à l'aliénation à un régime d'images submergeant, motivé par une idéologie et une économie de l'hyper-visibilité et de la célébrité.</span></span></span></div>
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<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Les récits de Ballard renvoient, en leurs fondements et sur un mode Pop, aux analyses d'un philosophe et sociologue français d'origine hongroise, Joseph Gabel (1912-2004), aujourd'hui quasiment oublié. Pourtant, son livre de 1962, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>La fausse conscience : essai sur la réification</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, vite épuisé après sa sortie aux éditions de Minuit, a marqué une génération d'auteurs influents, de Cornelius Castoriadis à Gilles Deleuze et Félix Guattari, en passant par Guy Debord. Joseph Gabel y appliquait une sociologie de l'aliénation et une analyse psychopathologique des processus de réification et de fragmentation schizo-paranoïde des sujets, soumis à des phénomènes et des situations de sur-spatialisation compulsive et immédiate de l'existence au détriment d'une temporalisation du vécu et de l'expérience, en s'inspirant à la fois de la critique marxiste de l'aliénation dans les rapports de production et dans le déclin de l'expérience (via Georg </span></span></span><span style="color: #222222;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Lukács</span></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> notamment), de l'analyse psychiatrique de la schizophrénie (chez Ludwig Binswanger, qui suivit le "cas" Aby Warburg) et des témoignages de survivants des camps de concentration (de Bruno Bettelheim à David Rousset).</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Ballard est sans doute l'auteur qui a poussé le plus loin ces visions désastreuses, peut-être plus qu'un Warhol dont les œuvres témoignent aussi d'une conscience de désastres de par leurs sujets (les </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Death and </i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Disasters Series</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> des années 1960 : accidents de voiture, chaise électrique, assassinat de Kennedy, émeutes raciales aux USA, etc.) et leurs processus de production (son goût pour l'image détériorée qu'il manipule et dégrade à travers une succession de médiations techniques qui accentuent l'éloignement spectral de l'image originelle). Warhol en demeura au stade de la manifestation allégorique de la dégradation du sujet et de l'image, sans construire une fable transformant en matière philosophique et grotesque ce constat. Toutefois, l'œuvre de Warhol aura été sur ce point marquante, tant pour Ballard (qui était proche des artistes Pop britanniques) que pour un cinéaste comme David Cronenberg, auteur en 1996 du film </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Crash</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> d'après un roman de 1973 de Ballard. Cronenberg fut ainsi en 2006 le commissaire et le scénographe de l'exposition </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Andy Warhol / Supernova : Stars, Deaths and Disasters, 1962-1964</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> à l'Art Gallery of Ontario à Toronto (Canada), laquelle se concentrait uniquement sur des tableaux reproduisant de façon dégradée et répétitive des images d'accidents, de célébrités mortes et de la violence d'état aux États-Unis </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>(Electric Chair</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Race</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i> Riot</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">). Symptomatiquement, le réalisateur ne choisit que les œuvres de Warhol qui, dans leurs procédures de détérioration entropique des images, renvoient à d'autres aspects de l'actualité de la notion de désastre dans les années 1960-1970, lesquels sont cette fois partagés entre la littérature de science-fiction, le Minimalisme et le Land Art. Comme le pointe le romancier français Xavier Boissel <b>(2)</b></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, l'entropie devient le nom commun de la prémonition du désastre économique, industriel, militaire et écologique, de la prémonition d'un monde sans homme, dont les romans d'anticipation sont alors les caisses de résonance quand ils projettent des temps post-apocalyptiques et la survie comme modèle à venir <b>(3)</b></span></span></span><sup><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><a class="sdfootnoteanc" href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=8844530635297553366#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc" style="font-size: 0.57px;"><sup>3</sup></a></span></span></span></sup><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">.</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>Écritures du désastre</b></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">L'idéologie de la survie est ce qui semblait à l'historien des idées Christopher Lasch caractériser le </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>zeitgeist</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span lang="fr-FR"> dans la société états-unienne depuis que le pressentiment d'un désastre écologique, le sentiment d'insécurité, la prolifération nucléaire et la fragilisation de l'économie dans les pays occidentaux étaient perçus et intégrés comme « autant de menaces transformant la vie en exercice de survie </span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;">» <b>(4)</b></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span lang="fr-FR">. </span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Dans son livre de 1984, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>The Minimal Self: Psychic Survival in Troubled Time</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, Lasch consacre un chapitre, « L'esthétique minimaliste : art et littérature à l'époque de l'extrême », à des traductions de cette « problématique de la survie », qu'il nomme </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>survivalisme</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, dans les écrits de J.G. Ballard, Samuel Beckett, Alain Robbe-Grillet et Thomas Pynchon, et dans les œuvres d'Ad Reinhardt, Carl André, Robert Smithson ou Robert Morris. Selon Lasch, tous témoigneraient d'une intériorisation des différentes menaces pesant sur les sujets — « submergés par un environnement chaotique et bondé, par la profusion des images et des objets, par une tradition de l'histoire de l'art perçue comme dominante et oppressive, par le défilé sans fin des styles et des avant-gardes ; submergés aussi par le trouble intérieur, qui répond au trouble extérieur et qui menace d'engloutir quiconque se plonge trop profondément dans l'intérieur humain » —, en réduisant leurs opérations, en les limitant à des procédures de mise à distance, de dépersonnalisation, de neutralisation technique, matérielle et émotionnelle. Cet art ne serait plus que le symptôme (pour Lasch) ou l'allégorie (pour Craig Owens, dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'impulsion allégorique : vers une théorie du postmodernisme</i> <b>(5)</b>)</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> d'un vide du présent et du sujet à remplir, à partir du moment où le rapport au passé serait devenu impossible — par la submersion dans une actualité d'images fragmentées et médiatisées qui apparaissent « également contemporains à l'esprit moderne » (Lasch) quand bien même ces images proviendraient d'histoires et de traditions culturelles différentes et sans rapport ; par l'opposition, aussi, à des récits historiques artistiques perçus comme trop autoritaires —, et où toute projection vers le futur serait plombée par des perspectives de désastre : « Je pose comme postulat qu'il n'y a pas de demain, déclara Smithson, rien d'autre qu'un gouffre, un gouffre béant ». Soit ce que Ballard écrivait aussi.</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Un gouffre sépare a priori cette actualisation Pop-SF du motif du désastre d'une autre traduction, identifiée à une partie de la littérature et de l'art en France dans les années 1960 à 1980, à travers un « couple » que formeraient les écrits de Maurice Blanchot et la peinture de Simon Hantaï. Si la notion de désastre s'inscrit définitivement en 1980 dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'écriture du désastre</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, tous les livres antérieurs de Blanchot sont sous le signe, depuis </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Le livre à venir</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> en 1959, d'une « mémorable crise » qu'il identifie à la conscience mallarméenne de l'écueil, de la perdition et du gouffre. Une conscience « qui seule permet d'atteindre au vide mouvant, lieu où la tâche créatrice commence ». Dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Le livre à venir</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, presque tous les articles, consacrés à Proust, Artaud, Musil, Broch, Beckett ou Robbe-Grillet, rendent compte d'une préoccupation du désoeuvrement, de l'éparpillement, de la dissémination et de la fragmentation de la parole. Contre une conception du livre comme complétude, Blanchot valorise une expérience littéraire qui traduise « le doute (qui) appartient à la certitude poétique, de même que l'impossibilité d'affirmer l'œuvre (qui) nous rapproche de son affirmation propre ». Ce que convoque Blanchot, toute une histoire littéraire moderne, est a priori sans rapport avec ce que le « couple » Pop-SF traduit au même moment d'une conscience psycho-sociologisante du désastre. Rien de plus éloigné du Pop que la pensée de Blanchot, lequel est connu pour avoir refusé toute photographie de sa personne en tant qu'auteur, allant jusqu'à faire inscrire comme notice biographique sur toutes les éditions de poche de ses essais : « Maurice Blanchot, romancier et critique, est né en 1907. Sa vie est entièrement dévouée à la littérature et au silence qui lui est propre ». Pas d'image, mais une légende, celle d'un écrivain, d'un penseur retiré du monde des visibilités, se prémunissant des effets de réification de l'auteur comme absolu et comme marchandise que peuvent produire les médiations photographiques.</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Cette « mesure de protection » face à l'action jugée désastreuse des médiations photographiques dont Christopher Lasch aurait pu faire un autre symptôme de sa théorie du « moi assiégé » (il évoque d'ailleurs Thomas Pynchon, dont très peu de photographies sont diffusées, l'auteur refusant les médiations journalistiques), a assuré dans le même temps à Blanchot une aura, une autorité de par ce retrait, cette absence, cette invisibilité. Il en est allé de même pour l'œuvre de Hantaï qui, lecteur de Blanchot, se retira aussi du marché des visibilités de l'art, en cessant de produire et d'exposer après la lecture de </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'écriture du désastre</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, en 1982. Ce retrait peut être interprété comme une conséquence logique et radicale d'un retrait de l'auteur, identifiée par Roland Barthes (dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Le degré zéro de l'écriture</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, 1953) à une « écriture blanche » chez Blanchot, Jean Cayrol, Marguerite Duras ou encore Albert Camus, c'est-à-dire à une écriture « plate », « atonale », « transparente », « alittéraire » : « une absence idéale de style ». Cette écriture, Blanchot la théorisa en 1969 (</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'entretien infini</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">) comme « neutre », « suspension de l'être », « réduction infinie » propice à « l'impersonnalité romanesque ». Chez Hantaï, ces figures prirent dès les années 1960 la forme d'un retrait du geste à travers des procédures répétitives de peinture à l'aveugle, par pliage des toiles et imprégnation picturale des plis avant déploiement de la surface dont l'artiste, après interruption de sa présence, est le premier spectateur. Cette position fut, à l'instar de celle de Blanchot, très influente en France pour une partie de la génération BMPT-Supports-Surfaces, nombre d'artistes privilégiant des pratiques de dépersonnalisation du geste afin d'atteindre un « degré zéro » de la peinture par la réduction des moyens et la neutralisation du style et de la composition.</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>Sacralisation du désastre</b></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Contrairement à l'interprétation psycho-sociologisante de Lasch au sujet de l'impersonnalisation minimaliste, ce processus de neutralisation a pu être revendiqué en France, par leurs auteurs et leurs exégètes, comme tributaire d'une histoire moderniste de la littérature et de l'art, laquelle conduirait à leur disparition : « Où va la littérature ? (…) La littérature va vers elle-même, vers son essence qui est sa disparition », écrivait Blanchot en 1959 dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Le livre à venir</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">. Quarante ans auparavant, Rodtchenko avait stigmatisé le suprématisme blanc de Malévitch, qu'il considérait comme le manifeste « absurde » de la fin de la peinture et qu'il entendait confirmer en réalisant les trois premiers monochromes de la « fin de la peinture » au sens « bourgeois » et « classique » comme l'affirma le critique Nicolas Taraboukine (</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Trois couleurs pures : rouge, jaune, bleu</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, 1921). L'idée de la fin de la peinture, comme celle de la littérature, ressortit toujours à la fois à une critique du « style » — valeur identifiée à la bourgeoisie —, à une vision essentialiste des médiums et, téléologique, de l'histoire. Une vision que Walter Benjamin avait pu qualifier, à juste titre, de « théologie négative » dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'œuvre d'art à l'ère de sa reproductibilité technique</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> (1935)</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">. Cette théologie négative est à l'œuvre chez Blanchot, et elle se soutient d'une thèse nouvelle, énoncée dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Après-coup</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, postface de 1983 à son </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Ressassement éternel</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span lang="fr-FR"> de 1936 : « Il ne peut y avoir de récit-fiction d'Auschwitz », ceci impliquant que, « à quelque date qu'il puisse être écrit, tout récit sera désormais d'avant Auschwitz ». Comme l'écrit Jean-Pierre Salgas, cette impossibilité du récit signalerait « un sentiment diffus de fin de l'Histoire » ou de « fin de partie </span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;">» <b>(6) </b></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;">(titre d'une pièce de 1957 de Samuel Beckett) : pour Blanchot, « Auschwitz achève littéralement ce que la modernité a commencé et termine, sinon la littérature, au moins tout ce qui s'est pensé jusqu'alors sous ce nom ».</span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">À travers une réflexion sur le génocide, de </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'entretien infini</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> à </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Après-coup</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, une sacralisation du négatif apparaît alors comme figure absolue du désastre et de la fin de la littérature et de l'art, ouvrant le champ au « désœuvrement » dans un éternel ou infini « ressassement » du discours désœuvrant : « Que d'efforts pour ne pas écrire, pour que, écrivant, je n'écrive pas, malgré tout — et finalement je ne cesse d'écrire, dans le moment ultime de la concession ; non pas dans le désespoir, mais comme l'inespéré : la faveur du désastre » (</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'écriture du désastre</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, 1980). Comme l’écrit Olivier Schefer, traducteur de Novalis et spécialiste du Romantisme, une telle sacralisation du désœuvrement est irritante, car elle peut conduire à une « mystique de la pure absence », c’est-à-dire, au fond, à la présence non dite d’un « Dieu dans les décombres </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;">» <b>(7)</b>.</span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> Faut-il considérer cette sacralisation du désastre comme un moyen de subsumer une perte, un manque ou un désastre ? Fut-elle pour Blanchot un moyen de subsumer la mélancolie, le fameux deuil sans objet qui affecterait le sujet occidental depuis le Romantisme (Hölderlin étant un repère fondamental pour Blanchot) ? Un deuil pour ainsi dire réactualisé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale avec le désastre d'Auschwitz et avec le sentiment diffus de la fin de l'Histoire consécutif à la destruction des récits téléologiques d'émancipation. Ce point de vue pourrait être éclairant pour comprendre les « discours de la mélancolie » qui, selon Marie-José Mondzain, habitent les œuvres picturales qui privilégient, « au nom d'un manque irréparable », les « emblèmes du manque et de la béance », opposant la déchirure, l'ouverture et l'inachèvement aux « cérémonials idolâtres (…), rêves iconiques et ambitions iconophiles » (préface d'</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Image, icône, économie</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, 1996). Les écrits de Blanchot, et plus encore les œuvres d'Hantaï sont exemplaires de cela à partir des années 1960, et plus encore ses derniers travaux numériques, réalisés en 2001 au Fresnoy à Tourcoing : réalisés à partir de transferts et impressions numériques de reproductions photographiques de ses œuvres anciennes, ces derniers tableaux ne sont plus que des vestiges violacés et en pointillés de la structure-trame déréalisée du plan pictural. En partant de ses propres œuvres, déjà marquées par des processus de fragmentation et d' « étoilement » de la peinture, Hantaï mettait ainsi en évidence un trait mélancolique d'époque, déjà perceptible chez Warhol et dans les images appropriationnistes de la fin des années 1970 — comme l'avait pointé Craig Owens en parlant de « fragments ou de ruines à déchiffrer » au sujet des œuvres de Troy Brauntuch.</span></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>J'entendais ce qu'il avait vu</b></span></span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;">Le motif mélancolique classique de l'incomplétude de l'image et de toute forme de récit et de représentation, nécessairement fragmentaires, disparates et chaotiques, couplé au sentiment d'effondrement de toute conception unitaire du sujet, de l'espace et du temps (tant du point de vue des vécus immédiats que des représentations médiatisées), s'associe désormais, avec Blanchot, Hantaï et les appropriationnistes états-uniens, à l'idée d'une incapacité et d'un épuisement de la peinture et de la littérature à représenter et à faire récit. À travers cette démonstration, le motif du désastre, sacralisé et en tant qu'il serait — quel qu'il fut, un désastre particulier ou le désastre (en) général — irreprésentable dans sa totalité, dans sa puissance de destruction physique, psychique et spirituelle, l'emporterait sur toute possibilité de représentation, de traduction, de transmission d'expériences individuelles ou collectives de désastres particuliers ou généraux.</span></div>
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<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">De nouveau, il y a quelque chose de profondément irritant dans cette position et dans cette démonstration blanchotienne de la puissance du désastre. Je suppose qu'elle a irrité Georges Pérec, qui semble lui répondre en 1975 dans </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>W ou le souvenir d'enfance</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, anti-thèse de l'impossibilité du récit et métabolisation « lazaréenne » d'une triple disparition (disparition de son père, tué en 1940, disparition de sa mère déportée à Auschwitz en 1943, disparition de ses souvenirs d'enfance jusqu'à l'âge de douze ans) :</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> « L'indicible n'est pas tapi dans l'écriture, il est ce qui l'a bien avant déclenchée (…) Je n'écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n'écris pas pour dire que je n'ai rien à dire. J'écris : j'écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j'ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leurs corps ».</span></span></span></div>
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<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Le décret d'impossibilité du récit et de la fiction va aussi à l'encontre de ce qui se lit et s'entend dans les écrits de rescapés de désastres qui, tous, portent à l'entendement des expériences effondrantes mais aussi libératrices d'intensités poétiques et de représentations hallucinées et hallucinantes, même lorsque prosaïques, de sujets et de corps en souffrance (</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>L'espèce humaine</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> de Robert Antelme, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Si c'est un homme</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> de Primo Levi)</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">. </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Regarder les dessins que Zoran Music, déporté à Dachau, y réalisa en 1945, c'est se confronter à la beauté de ce qu'il a vu de captivant dans ces mourants et cadavres exsangues, ravinés. « L'habitude dédramatisait le contact » me disait-il, évoquant ces journées où il dessinait à découvert ses compagnons concentrationnaires, assis au milieu d'eux, halluciné par leur captivante beauté : « il n'y avait qu'à prélever le dessin ». Cette expérience de la dissociation, nécessaire et vitale, lui permit de se sauver et de se reconstruire en tant qu'artiste au milieu de cette désolation, là où tout était fait, depuis l'entrée en camp, pour détruire l'individu, sa personnalité, son identité, ses désirs et intensités. Et lorsqu'il m'en parlait, à travers ses mots et ses gestes je voyais, j'entendais ce qu'il avait vu. J'ai incorporé ces mots, ces visions et les sons nés de ces visions — la colline de cadavres craquait, peut-être y avait-il encore des vivants parmi les corps amoncelés, sur lesquels la neige tomba pendant la nuit ; le lendemain la colline était silencieuse.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNS8JLvjlZ-hhxB2hC96Ts92nWTJlm1jeLS2XWYUV2CkEemgsSZcOG-KDfSomAnerYFYJ_hlA1OGUCYFf52ruXQHYyFTmHx_Kqt7yGp5ZF_xN7KTVhswFGikp2oLzxk99TtyeyBMIbYGTh/s1600/Nous+ne+sommes+pas+les+derniers%252C+1970acrylique+sur+toile114x162+cm.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="758" data-original-width="1200" height="202" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNS8JLvjlZ-hhxB2hC96Ts92nWTJlm1jeLS2XWYUV2CkEemgsSZcOG-KDfSomAnerYFYJ_hlA1OGUCYFf52ruXQHYyFTmHx_Kqt7yGp5ZF_xN7KTVhswFGikp2oLzxk99TtyeyBMIbYGTh/s320/Nous+ne+sommes+pas+les+derniers%252C+1970acrylique+sur+toile114x162+cm.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Zoran Music, Nous ne sommes pas les derniers, 1970,<br />
huile sur toile, 114 x 162 cm</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>Entre les genoux et la hanche</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Je me souviens d'un rêve choquant que Zoran m'avait conté : la vision d'un stade rempli de cadavres, soudain désempli, vidé. Panique, coulée de sueur, réveil, peur de perdre un bien qu'il chérissait. Je ne lui ai pas demandé la date de ce rêve, peu importait sur le coup, mais j'ai toujours eu le sentiment qu'il datait de la fin des années 1970, au plus tard des années 1980. Parce que je liais ce motif du stade à l'allégorie sportive tragique des vies concentrationnaires dans le roman de Pérec, </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>W ou le souvenir d'enfance</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">, paru en 1975, et surtout</span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span lang="fr-FR"> aux stades argentins, chiliens et uruguayens où les régimes dictatoriaux enfermaient et torturaient les opposants. Le soir du 25 juin 1978, devant la retransmission télévisée de la finale Argentine-Pays-Bas chez un ami de mes parents, rescapé d'Auschwitz, celui-ci m'avait parlé de ces usages des stades et de l'application des méthodes nazies de coercition, de destruction morale et physique par les militaires argentins contre des semblables, à lui, à nous <b>(8)</b>.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span lang="fr-FR"><br /></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Depuis 1970, la peinture de Music avait pris une autre dimension. Jusqu'alors identifiée à la Nouvelle École de Paris, à l'abstraction d'inspiration paysagère, tachiste et poétique, elle accueillait désormais des figures et visions dramatiques de cadavres, seuls, par paires, trios, quatuors ou formant collines. C'est en voyant des images de la guerre du Biafra au Nigéria, et de la famine qui frappait les Igbos, que revinrent à Music les visions de ses camarades concentrationnaires décédés de Dachau, qu'il décida de sortir de ses tiroirs ses dessins de 1945 et d'entamer cette série </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Nous ne sommes pas les derniers</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">. Quand j'ai rencontré Music à Venise pour la première fois, en 1991, parce que je m'étais engagé dans un travail de mémoire en histoire de l'art sur les débuts de son œuvre, et particulièrement ses dessins de Dachau, de tristes pressentiments de ce qui devait arriver non loin de là, non loin des terres dalmates et istriennes de son enfance et de sa jeunesse, et la mémoire d'autres guerres et massacres antérieurs sur ces mêmes territoires vinrent à notre rencontre et nourrirent nos discussions. Je revenais chez moi chargé d'histoires que je n'avais jamais entendues ou approchées de l'histoire européenne, que ce soit dans les enseignements reçus ou dans les livres d'histoire transmis.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR">Une histoire élargie et toujours désastreuse de l'Europe, plus balkanique et mitteleuropéenne, s'ouvrait alors à mon entendement de jeune homme grandi dans les centralités de l'Europe occidentale de l'après-Deuxième Guerre mondiale, là où s'affirmaient et se diffusaient les discours et l'idéologie de la fin de l'histoire après la chute des régimes communistes en Europe, auxquels je refusais de croire, d'adhérer, et auxquels j'opposais alors la nécessité de sauver les mémoires de vécus, récits et représentations de désastres. Tandis que très vite la réalité de la guerre, du siège de Sarajevo, de la « purification ethnique », des camps et des massacres s'imposait, je lisais tout ce qu'il m'était possible de lire des morts et des survivants de pogroms, de camps et de génocides en Europe. Et le rêve de Zoran me hantait, comme il continue aujourd'hui de m'habiter, comme ses gravures du cycle </span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"><i>Nous ne sommes pas les derniers</i></span></span></span><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span lang="fr-FR"> continuent d'habiter mes cartons à dessins, à estampes et à photographies. À travers eux, je préserve et sauve, pour ma conscience politique d'Européen occidental épargné de tout désastre immédiat, touchant mes territoires, familles et amis, au cours de mon quasi demi-siècle de vie, ces « membres fantômes » de mon corps faisant communauté avec ces corps et ces sujets lumineux malgré les destructions morales et physiques qui les ont affectés, qui les ont tués ou avec lesquels ils ont survécu. Car, n'oublions pas que dans le désastre se niche aussi la lumière, la luminosité. Nombre d'êtres, d'œuvres et de récits lumineux sont nés de désastres.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><b>Tristan Trémeau</b></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<span lang="fr-FR"><b>(1) </b><i>Tristes presentimentos de lo que ha de acontecer</i></span><span lang="fr-FR">, est le titre de la première gravure des </span><span lang="fr-FR"><i>Désastres</i></span><span lang="fr-FR"> de Goya (1814-15).</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<span lang="fr-FR"><b>(2) </b>Un des romans de Xavier Boissel, </span><span lang="fr-FR"><i>Rivières de la nuit</i></span><span lang="fr-FR"> (éditions Inculte, 2014) est un récit post-apocalyptique. Le précédent, </span><span lang="fr-FR"><i>Autopsie des ombres </i></span><span lang="fr-FR">(Inculte, 2013), dépeint le retour à la vie civile d'un casque bleu hanté par Sarajevo.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<span lang="fr-FR"><b>(3) </b>Xavier Boissel, “Esquisse d'une esthétique de l'entropie (une aventure des années soixante), </span><span lang="fr-FR"><i>L'art même</i></span><span lang="fr-FR">, Bruxelles, n°55, 2ème trimestre 2012.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote4">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<span lang="fr-FR"><b>(4) </b>Toutes les citations de Christopher Lasch proviennent de son livre </span><span lang="fr-FR"><i>Le moi assiégé : essai sur l'érosion de la personnalité</i></span><span lang="fr-FR">, Paris, Climats, 2008.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote5">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<b>(5)</b> Craig Owens, “The Allegorical Impulse : Towards a Theory of Postmodernism” (deux parties), <i>October</i>, MIT Press, printemps et été 1980.</div>
</div>
<div id="sdfootnote6">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<b>(6)</b> Jean-Pierre Salgas, “Métamorphoses de Lazare. Écrire après Auschwitz”, <i>Artpress</i>, Paris, n°173, octobre 1992.</div>
</div>
<div id="sdfootnote7">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<b>(7) </b>Olivier Schefer, <i>Résonances du romantisme</i>, Bruxelles, La lettre volée, 2005.</div>
</div>
<div id="sdfootnote8">
<div class="sdfootnote" style="font-size: 10pt; margin-bottom: 0cm; margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm;">
<span lang="fr-FR"><b>(9)</b> J'avais 9 ans, et dès qu'un joueur argentin cisaillait les jambes d'un Hollandais, cette violence était pour moi chargée, hantée par cette révélation.</span></div>
</div>
</div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-71895320848399583602019-08-28T07:16:00.002-07:002019-08-28T07:16:38.903-07:00Entretien avec Peter Briggs, catalogue "Brouillon général" (2016)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt }
P { margin-bottom: 0.21cm }
A.sdfootnoteanc { font-size: 57% }
-->
</style>
<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Voici l'entretien que j'ai mené avec Peter Briggs en 2016, paru dans le catalogue de ses expositions <i>Brouillon général</i>, dans les musées d'Angers, Issoudun, Belfort et Roubaix.</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Le catalogue est publié aux éditions Naïma : </b></span></span><a href="https://www.naimaunlimited.com/biblio/briggs-reserve/" style="text-align: left;">https://www.naimaunlimited.com/biblio/briggs-reserve/</a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b>Son actuelle exposition à La Piscine à Roubaix, s'achèvera le 22 septembre : </b><a href="https://www.roubaix-lapiscine.com/expositions/peter-briggs-brouillon-general/" style="text-align: left;">https://www.roubaix-lapiscine.com/expositions/peter-briggs-brouillon-general/</a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-adJYuJGUroKsAbmnnY6Df_HJXI15GX8rqL9cSh6h4EoYPu9nzdxus1xVzOKJ0j1jin45Wx4mUS5mpGhm9Bh9MzShQPkVXMs_-CRqOUbLDn360v0JUHcac1cx7af0-UJOHRHYFaBCozjl/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.08.26.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="531" data-original-width="798" height="212" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh-adJYuJGUroKsAbmnnY6Df_HJXI15GX8rqL9cSh6h4EoYPu9nzdxus1xVzOKJ0j1jin45Wx4mUS5mpGhm9Bh9MzShQPkVXMs_-CRqOUbLDn360v0JUHcac1cx7af0-UJOHRHYFaBCozjl/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.08.26.png" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Tristan Trémeau</b></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"> Nous
avons souvent parlé, lors de nos différentes rencontres, des
questions allégoriques présentes dans ton travail, en résonances
avec des auteurs dont nous partageons la lecture, de Walter Benjamin
à Craig Owens. Ce dernier, dans un texte influent de 1980, évoquait
une « impulsion allégorique » à l'œuvre dans les
démarches d'artistes de sa génération — qui est aussi la tienne
—, et ce à travers trois types de procédures : l'art entropique
de Robert Smithson comme actualisation du </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>memento
mori</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">
classique et du culte des ruines, l'appropriation et le déplacement
des significations d'images par les appropriationnistes new-yorkais
(Sherrie Levine, Troy Brauntuch...), les stratégies d'accumulation
obsessionnelle, sérielle et répétitive dans l'art minimal et
conceptuel (Car Andre, Sol LeWitt, Hanne Darboven...)</span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">.
</span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"> Cet
essai d'Owens est passionnant et nourrissant, mais m'a toujours
frappé l'absence d'extension de son propos à d'autres œuvres et
démarches qui ressortissent au montage, à des explorations
matériologiques, à la collection de fragments, voire au cabinet de
curiosités, comme on peut le voir dans les développements de ton
travail depuis le début des années 1970 jusqu'aux récents
dispositifs d'exposition de tes œuvres sous la forme d'étagère.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"> J'aimerais,
au fil de notre entretien, que nous situions et définissions la
spécificité de ta démarche dans ce contexte théorique, pour
comprendre ce qui fait le mouvement de ta pratique, laquelle me
semble complexifier et dynamiser les représentations allégoriques
proposées par Owens, à travers notamment des moyens que tu définis
volontiers par des notions telles l'inter-processualité, la
rétroduction ou encore l'accumulation de minorations. </span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"> Pour
commencer, il peut être important de revenir à des sources
littéraires et théoriques de ton travail qui, je crois, dès la fin
des années 1960 ; définissent un horizon de questionnements
singulier dans ta génération. Je pense notamment à la poésie
symboliste et aux écrits de l'historienne Frances Yates au sujet des
arts de la mémoire.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Peter Briggs</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">Tout
d'abord, il me semble important d'évoquer le contexte particulier
lorsque je suis entré aux beaux-arts de 1968 à Londres. Si, en
Angleterre, 1968 ne fut pas une année marquée par une révolution
politique et surtout populaire comme en France, nous avons vécu une
remise en cause de la société, de la culture et du colonialisme.
Nous étions en lien avec la London School of Economics où, pendant
six semaines d'occupation, nous avons remis en cause les modèles
pédagogiques historiques et les acquis automatiques quant au statut
traditionnel de l'objet. Nous avons refait le curriculum de l'école
dès la première année d'études et mis en place un système que
nous appelions réticulaire, qui nous permet d'aller d'un département
à un autre, et d'acquérir des sortes d'unités de valeur là où on
voulait et quand on voulait. Plus encore, nous voulions réexaminer
les conditions de réception de l'art. Comme je fréquentais beaucoup
la bibliothèque de l'école et les professeurs de culture générale,
j'ai trouvé des réponses dans la poésie symboliste française de
la fin du dix-neuvième siècle, en particulier chez Mallarmé qui
disait qu'il fallait « peindre non la chose mais l'effet
qu'elle produit ». Cet effet, je le traduisais par l'idée
d'une forme de narration, d'entre-deux, qui se déploie entre les
éléments de la phrase, entre les mots. Je ne parlais pas encore
d'inter-processualité, mais au fond il en était déjà question.
L'autre source importante fut la lecture de </span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>L'art
de la mémoire</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">
de Frances Yates</span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">,
et la découverte d'un système mnémotechnique de Simonides de
Céos</span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
dont je me suis servi dans mon travail au début des années 1970. Un
système selon lequel une suite de localisations dans un lieu commis
à la mémoire sert de schéma pour structurer un mécanisme
mnémotechnique. </span></span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Selon
ce système, chaque</span></span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
élément installé dans un espace mémoriel doit assurer deux
fonctions, porter deux identités, celle de contenant mais aussi de
contenu. Un entre deux ou intervalle peut en faire partie mais pour
les besoins de fixation il vaut mieux que l’emplacement soit occupé
par un objet. La première fonction qui se passe de toute
considération iconographique est liée à la fonction de ponctuation
que possède une suite d’objets dans l’espace, et à la
perception de ces objets par rapport à une cheminement mental et
physique. Une suite d’évènements distincts est constituée en
tant que système d’ancrage par ceux qui rythment un parcours et
suscitent, tels des points de repères (ou </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>landmarks</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">,
l’anglais le dit mieux), une topographie que notre mémoire peut
aisément assimiler. Pour ceci il ne faut pas que la confusion puisse
s’installer : il ne faut pas que ces ponctuations se
ressemblent, qu'elles soient en trop grand nombre ou, alignées,
qu'elles suscitent des phénomènes de dédoublement et de confusion.
D’où l’importance de </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>brevitas</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
et </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>divisio,
</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">la
possibilité de créer des sous divisions qui forment des ensembles
assimilables d’un seul coup d’œil sans que l’énumération
chiffrée soit nécessaire.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Dès
lors, chaque objet creuse individuellement sa place dans la mémoire,
forme un </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>engram</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">,
se distingue par la spécificité de son occupation d’un
emplacement. L’enchaînement de ceux-ci forme un parcours de
fixations mnémotechniques qui, de localisation en localisation,
constitue un récit d’espace. Ensuite, au besoin, cet
ordonnancement est chargé par les matières à mémoriser et selon
le récit à retenir, des sous-ensembles sont associés à ces lieux
ou groupements de lieux précis : pour s’en souvenir on en
effectue mentalement la visite et les objets reviennent au fur et à
mesure du déplacement mental, chacun ancré, ligoté à un lieu
gravé dans la mémoire. </span></span>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Ainsi,
dans mes premiers travaux, l'objet-œuvre en tant que simple
ponctuation devient dans ces conditions à la fois la mesure et la
mémoire de l'espace. Les actes de conception et de fabrication font
naître des formes, et ces formes vont épouser des emplacements,
leur prêter une identité, une voix, les transformer en lieux-dits.
La deuxième fonction qui se superpose à la première est celle de
la nature même de objet qui occupe le </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>locus
memorialis :</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
comment, à travers sa spécificité, va-t-il venir se nicher dans le
creux mémoriel jusqu'à se confondre avec lui en tant qu’objet
tout en assumant une choséité, ou une individualité ?</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Dans
mes premiers travaux, ces questions m'ont conduit à occuper des
espaces spécifiques, comme à la Biennale de Paris : un angle,
un espace de mur, des espaces qui passent à travers l'espace. Puis
j'ai lié tout cela à des visites de différents jardins italiens où
les espaces sont occupés par des sortes de salons, dans lesquels les
objets occupent et définissent l'espace en même temps.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Mon
ambition, sans doute compliquée ou impossible, était donc d'opérer
cette double occupation et définition de l'espace.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgkwUT0bQWWh8GZ-A5dW0GYyihUu1dKAiFVrLamwq-TeC18jzin7w5v2VTUJLAonY-AA8-fapW7TOaX2nnWR4NB14QH0mCE1jf6jiR1Fg9edrEKH9b8-RM2rbEAVZxoGUN34OADnrNHcoP2/s1600/10688375-17616376.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="488" data-original-width="730" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgkwUT0bQWWh8GZ-A5dW0GYyihUu1dKAiFVrLamwq-TeC18jzin7w5v2VTUJLAonY-AA8-fapW7TOaX2nnWR4NB14QH0mCE1jf6jiR1Fg9edrEKH9b8-RM2rbEAVZxoGUN34OADnrNHcoP2/s320/10688375-17616376.jpg" width="320" /></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>TT</b></span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Un
autre élément important, me semble-t-il, du contexte dans lequel tu
t'es formé en Angleterre fut la critique du formalisme états-unien,
à travers des pratiques de la performance. En quoi ce contexte
t'a-t-il nourri ? Et quels échos eurent pour toi les poétiques
processuelles européennes identifiées à l'Arte Povera ?
Est-ce dans ce contexte qu'est apparu, dans ta pratique, cette idée
d'inter-processualité ?</span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>PB</b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">La
question de l'inter-processualité s'est d'abord posée pour moi en
relation avec la question de la ritualisation des actes de
fabrication, avec la lecture influente de la littérature
expérimentale contemporaine (le </span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>cut-</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">up
de Burroughs par exemple) et des écrits théoriques sur
l'intertextualité. Dans le même temps, j'ai essayé d'imaginer
différentes sortes d'entre-deux, découvrant effectivement dans
l'Arte Povera des démarches analogues. En tout cas, je pense que ce
qui faisait le lien entre tout cela était, dans le contexte
londonien de l'époque, la volonté de considérer tout ce que nous
engagions comme des actes de performance, des événements
ritualisés. Chaque action devait correspondre à une décision,
telle une mise en pratique d'une partition, laquelle remettait en
cause les automatismes de la vie laborieuse de l'atelier. C'est de
cette manière que j'ai conçu et fabriqué l'ensemble des éléments
qui ont constitué les installations que j'ai présentées en 1973
lors de mon exposition de fin d'études. Il faut dire aussi que le
lieu d'exposition était aussi le lieu de fabrication. Pour certaines
pièces, je n'avais pas à les déplacer mais à construire des murs
autour.</span></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>TT</b></span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Cette
inter-processualité ne fut-elle et n'est-elle pas toujours, dans le
développement de ton travail, un moyen d'opposer le fragmentaire,
l'inacomplissement nécessaire des procédures et des séries aux
principes d'unité, d'accumulation et de productivité que l'on
pourrait identifier au Minimalisme, voire à certains artistes
britanniques comme Tony Cragg ?</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>PB</b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Certes,
mais pendant ces années j'avais encore la nostalgie d'une œuvre
majeure, qui s'accompagnait de la culpabilité de laisser derrière
moi des choses inachevées. Il a fallu suivre la logique de
production de mes contemporains comme Tony Cragg en particulier, pour
comprendre que la génération d'une action à l'échelle muséale
revenait à long terme à une sorte d'épuisement des processus, à
les désactiver, alors que l'inachèvement volontaire d'une série et
sa reprise permettent au contraire de réactiver et de se
ré-approprier les processus à la lumière d'expériences menées
entre temps.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">La
première fois que je me suis posé formellement ces questions, je ne
m'en souviens pas précisément. Mais dès mes premiers travaux, avec
ce système d'actes ritualisés, je me suis très tôt demandé ce
qui pourrait être le contraire de l'action engagée dans une série.
Pas nécessairement pour le faire, mais pour préciser cette action.
J'avais aussi tendance à remiser des objets liés à une recherche
particulière. L'espace central de travail de mon ancien atelier
tourangeau se réduisait progressivement à force de remise des
objets dans des cartons qui s'accumulaient autour. Lorsque je
rangeais les objets, j'en sortais d'autres. Je posais côte à côte
des objets provenant de deux caisses superposées, chacun possédant
leurs qualités propres mais ouverts à la possibilité d'une qualité
intermédiaire. Quelques fois cette qualité intermédiaire est
formelle ou processuelle, d'autres fois elle est liée à la position
des objets dans l'espace. À un moment j'ai commencé à théoriser
cela : mes manières d'additionner, soustraire, superposer
étaient un processus en lui-même et avaient à voir avec le
mécanisme même de création.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhyBF5tehz9bDGAkfHQSD3gMp8FO9-a7dmz4swubsW8z3Mi5rBo5ra1tbwiYH6tO_yGmTZtuwoT9zQr378o0Ooat2ieIqqmPK2hZVKyUgqCrh5DZ9qUpPZCHsBf-6GpbjzvMJ_CUe3AXrlu/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.07.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="527" data-original-width="590" height="285" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhyBF5tehz9bDGAkfHQSD3gMp8FO9-a7dmz4swubsW8z3Mi5rBo5ra1tbwiYH6tO_yGmTZtuwoT9zQr378o0Ooat2ieIqqmPK2hZVKyUgqCrh5DZ9qUpPZCHsBf-6GpbjzvMJ_CUe3AXrlu/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.07.png" width="320" /></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>TT</b></span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Tu
évoques souvent l'apport déterminant du modelage dans
l'appréhension réflexive de ce qui est au travail dans ton œuvre,
à la fois sur un plan plastique, phénoménologique, et sur un plan
théorique. Qu'est-il apparu de déterminant dans cette pratique ?
En quoi le modelage peut-il être défini comme une « structure
allégorique » comme tu as pu l'écrire sur la page de garde
d'un livre de 1977 consacré aux fouilles archéologiques en
Bourgogne ?</span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>PB</b></span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">J'ai
commencé à faire du modelage à la fin des années 1970, lorsque
j'étais professeur à l'école des beaux-arts du Mans. Il y avait
là-bas un cours du soir de pratique amateur de modelage, et j'y suis
allé un peu pour m'occuper et me dégourdir les mains. J'ai commencé
à trouver dans le modelage une sorte de gymnastique, d'automatisme,
qui était totalement absent de mon travail auparavant. C'est
longtemps après que j'ai compris que le sentiment tactile d'extrême
plasticité entre les mains, de pouvoir produire n'importe quelle
forme avec une certaine quantité de terre, venait du contact
sensible entre le recto et le verso, le revers.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">La
réflexivité du modelage vient du fait que la mémoire tactile et la
mémoire visuelle ne fonctionnent pas de la même manière, mais en
complémentarité. Elles s'informent mutuellement. Le processus du
modelage engendre un aller-retour, une vérification constante d'une
forme plastique en constante évolution. En ce qui me concerne, il ne
s'agit pas de représentation mais de production d'un objet qui ne
raconte rien d'autre que le récit de sa propre fabrication. Dès
lors, je me suis dit que le modelage pouvait être une pratique
éminemment moderne et un outil de conceptualisation.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Par
ailleurs, le processus de modelage s'informe de toutes les histoires
de modelage. Et en particulier de l'histoire personnelle du modeleur
qui construit une narration, raconte une histoire qui s'appuie
toujours sur l'expérience de modelage. C'est sans doute la technique
la plus ancienne de mise en forme, mais qui reste toujours à
réinventer. Sa réflexivité, la remémoration des formes, des
impressions répétées le rend automatiquement allégorique, par son
automatisme même, à l'instar de l'écriture automatique.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg9LaJbK8kQ6f9LVl0oI8WiJb50WI5dIba6Krl1vRcw1Xp8rfygEK-IDmLdhqpZbmg1ZX4FpG60ib_-FVUTBxGXIqs96NuKhIFufokQTatujzlBvW5BruomDn7uNtOh7BZkLmXyKeqoL2uX/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.27.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="530" data-original-width="530" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg9LaJbK8kQ6f9LVl0oI8WiJb50WI5dIba6Krl1vRcw1Xp8rfygEK-IDmLdhqpZbmg1ZX4FpG60ib_-FVUTBxGXIqs96NuKhIFufokQTatujzlBvW5BruomDn7uNtOh7BZkLmXyKeqoL2uX/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.27.png" width="320" /></a></div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>TT</b></span></span></div>
<div style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">N'y-a-t-il
pas, aussi, dans le modelage, une attraction pour ce qui pourrait
apparaître comme un processus naturel de production à la forme de
l'objet ? Je pense à ta grande affection pour Jean Arp, qui
désirait que ses œuvres soient liées à des processus de création
naturalisés, et à ton intérêt pour la question du biomorphisme.</span></span></div>
<div style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>PB</b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;">Le
modelage est nécessairement biomorphique car c'est ce qui vient du
creux de la main. C'est une histoire de poignée, de double poignée,
de plis, de contre-plis. Des fissures, des lignes de failles peuvent
apparaître, et au bout d'un moment la terre se fatigue et ne peut
plus recevoir les nouveaux gestes que l'on voudrait y apposer. Ces
formes sont effectivement et nécessairement biomorphiques
puisqu'elles naissent au contact du bios, du vivant, les mains. Et
elles le sont dans un sens différent de ce que Guitemie Maldonaldo a
pu développer dans son livre à ce sujet</span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;">.
Pour cette historienne, il faut que les choses soient rondes pour
être biomorphiques. Pour moi, il suffit que les formes bifurquent
pour qu'elles le soient : il y a des gestes biomorphisants. </span></span></span>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiZMbiQtY1SyWVzIzL4-DrhAHQTfbpSNMoCGtCOAUMgjBvtQBrXvOiq1OGQnZt5r0rjcblSaA0X3As3dkaonlmrBskCeg-qBh99yDcTF_SidTvLVwS_VlNICnO2TdkTGbriwkULqdsQcyRL/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.00.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="530" data-original-width="863" height="196" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiZMbiQtY1SyWVzIzL4-DrhAHQTfbpSNMoCGtCOAUMgjBvtQBrXvOiq1OGQnZt5r0rjcblSaA0X3As3dkaonlmrBskCeg-qBh99yDcTF_SidTvLVwS_VlNICnO2TdkTGbriwkULqdsQcyRL/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.07.00.png" width="320" /></a></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-weight: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>TT</b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;">Le
montage est aussi un principe récurrent de ton travail, à la fois
dans certains ensembles d'oeuvres et dans leur mode d'exposition
(notamment et surtout dans l'étagère). Comme si tu désirais faire
coexister des temps différents dans un même objet, parfois par
l'appropriation et le réemploi de fragments d'objets empruntés,
trouvés ou provenant de séries inachevées, à l'instar des camées
de Naples qui te fascinent. À tel point qu'il est difficile de
distinguer les époques de ton travail, surtout depuis que tu as
décidé de ne plus le présenter de façon chronologique sur ton
étagère. C'est ici qu'intervient cette notion de rétroduction.
Peux-tu en éclairer la portée dans ton travail ? </span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Ce
principe de rétroduction n'est-il pas un moyen de rectifier une
histoire déjà écrite ? Au-delà des rectifications que tu
opères dans l'histoire de ton travail, en « enflant la série
du centre » comme tu as pu me le dire à propos de l'étagère,
il me semble que ton œuvre propose aussi des relectures et
rectifications de l'histoire de l'art en valorisant ce qui peut
toujours apparaître aujourd'hui comme mineur ou subalterne, en tout
cas non réductible aux grands récits linéaires et unitaires tant
de la Renaissance que du modernisme, des camées antiques aux
grotesques maniéristes, de l'alchimie au symbolisme.</span></span></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>PB</b></span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Le
montage assure la continuité du récit et permet l'installation de
l'interprocessualité. C'est indispensable pour le fonctionnement du
dispositif. La présentation anachronique n'est finalement visible
pour le spectateur uniquement quand un objet se trouve à deux
endroits différents, ce qui fait mentir la lecture de gauche à
droite, liée à ce qui peut être perçu comme l'écoulement du
temps. La rétroduction est une construction mentale qui permet de
revenir à un moment du passé, mais en quelque sorte en marche
arrière. On reste toujours avec l'avenir devant soi. Il ne s'agit
pas d'une rétrospective.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Je
peux donc reprendre un processus antérieur et le conduire à une
conclusion différente. Je ne rectifie pas une histoire, je la
remonte à la source et j'en profite pour la revivre.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Rectifier
veut dire strictement « remettre droit », tandis que pour
moi l'histoire est sinueuse, comme un cours d'eau avec des méandres
qui finissent par s'entrecouper. </span></span>
</div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Ainsi,
dans mon travail, j'enrichis des séries déjà existantes, mais qui
n'ont jamais été déclarées achevées.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Quant
à la question du minoritaire ou du subalterne dans l'histoire de
l'art, je préfère la notion de subalterne ou de marginal. Je
m'intéresse aux marges des grands récits caractérisés par leur
rectitude rassurante, à la pérennité de traditions sinueuses comme
celle du grotesque. Les grands récits linéaires ont l'avantage de
leur simplicité et de leur sérialité, mais nous font passer à
côté, dans l'analyse formelle, de l'infinie richesse des bras
morts. C'est ainsi que Rodin a longtemps occulté Medardo Rosso, que
le cubisme a masqué jusque dans les années 1960 l'invention par
Umberto Boccioni de la représentation, non seulement de la vitesse
mais, plus important encore, de l'accélération.</span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Je
ne pense pas qu'il s'agisse de rectifier l'histoire de l'art, mais de
la lire par le biais des chemins de traverse. Il s'agit de relectures
certainement, car je suis allergique aux effets d'annonce des grands
récits unitaires, souvent réducteurs. Par exemple, dans la salle 6
dite de la Joconde au Louvre, je préfère lui tourner le dos pour
scruter les somptueuses </span></span></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i><span style="font-weight: normal;">Noces
de Cana</span></i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">
de Veronèse qui lui fait face.</span></span></span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">C'est
en examinant le détail, souvent, qu'on parvient à saisir le sens
complet d'un récit. Tu t'étonnais au début de notre discussion
qu'Owens passe à côté des explorations matériologiques, des
collections de fragments, voire des cabinets de curiosités, pourtant
tout à fait emblématiques d'un intérêt pour l'allégorie,
pourtant éléments dont les inventions sémiologiques et
systématiques donnent corps au récit et constituent souvent un lien
entre le récit d'origine et le récit allégorique. Cela n'a rien
d'étonnant, son récit est situé dans le le grand récit du marché
des reconnaissances immédiates et rapides de New-York à la fin des
années 1970, début 1980. </span></span>
</div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjgdf0NJPkZwG5nYd0uTuityh4YNm-99kTkuaaU5MpPOsPMRFzGoyDW3dADbt0SPgCMUeIuN2Tw34e1TXVRRrUh4WPeOpvu6OkM-xm9CUkDfdJFAyQm1UU9oib_EoWfL2YSFFr4pCS-LExj/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.09.03.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="530" data-original-width="757" height="224" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjgdf0NJPkZwG5nYd0uTuityh4YNm-99kTkuaaU5MpPOsPMRFzGoyDW3dADbt0SPgCMUeIuN2Tw34e1TXVRRrUh4WPeOpvu6OkM-xm9CUkDfdJFAyQm1UU9oib_EoWfL2YSFFr4pCS-LExj/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-01-18+a%25CC%2580+12.09.03.png" width="320" /></a></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Pour
finir, j'aimerais évoquer les grottes maniéristes que j'ai
découvertes à la fin des années 1970 en Italie. Il s'agit là de
constructions de dispositifs qui expérimentent concrètement la
spéculation néo-platonicienne à propos de la matrice de la
création. Ont été associés, dans des lieux chauds et humides, des
essences minérales, des éléments d'architecture, vasques et
coupes, des concrétions calcaires et coquillages, des stalactites et
stalagmites, des figurations propices quelques fois anciennes :
ces éléments étaient tous de seconde main. Les visites étaient
accompagnées de rituels associés à l'eau. Ces lieux font dialoguer
des processus divers selon les histoires individuelles des objets
dans un cadre allégorique, pour évoquer une possible fusion et
production d'une forme.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">De
même, dans mon travail, je réunis des éléments hétérogènes,
souvent de seconde main, dans un dispositif global qui interroge la
processualité individuelle et collective à la lumière d'une
possible ouverture sur une théorie générale de la création.
Déconstruction et reconstruction, montage de récits et assemblages
par des processus divers d'éléments anachroniques, visites
ritualisées : les parallèles sont nombreux.</span></span></div>
<div style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Les
mises en espace interprocessuelles viennent se superposer sur les
schémas mnémotechniques ; leurs scansions, ponctuations et
vides forment un cheminement, un parcours de fixations tout à fait
propice. L'inachèvement leur donne une qualité de porte-manteaux. À
toi de voir, cher Tristan, s'il est possible de théoriser cela.</span></span></div>
<div id="sdfootnote4">
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-65266313141350094062019-05-15T05:53:00.005-07:002019-05-15T05:54:23.101-07:00Rachel Labastie à Eleven Steens, Bruxelles (2019)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
</div>
-->
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b>Voici le texte que j'ai écrit pour l'exposition <i>Sans feu ni lieu</i> de Rachel Labastie à Eleven Steens à Bruxelles (jusqu'au 29 juin).</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b>Le site d'Eleven Steens : <a href="https://www.elevensteens.com/">https://www.elevensteens.com</a></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>SANS FEU NI LIEU. RACHEL LABASTIE</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Être « sans feu ni
lieu », c'est être sans foyer. C'est être littéralement et
métaphoriquement sans famille, sans domicile, sans transmission —
le feu étant dans l'imaginaire collectif le lieu de récit des
histoires intimes, familiales, communautaires. C'est être nomade et
dans une identité incertaine, ouvrant à une errance infinie qui
définirait en grande partie la condition humaine. L'exposition de
Rachel Labastie ouvre cet espace mental de l'incertitude et de
l'errance, dès son titre qui précède sa visite, puis dans
l'articulation précise de symboles religieux, allégoriques,
politiques (retable, calice, cendres, bâtons de marche, roue,
chapelle, entraves, ailes, foyer, ossuaire, tessons), enfin dans
l'expérimentation et la mise en œuvres de matières instables
(l'argile crue qui ne sèche pas, l'argile sèche qui se fend), comme
de matériaux plus solides et stables (le grès, le verre, le marbre,
le bois).
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9LPBWE7PPynqBho8U6BQl8_48M3V7KyHTl5K0HbQVhTP5CeQ_R6TKUmoMVIb-XqUAMIODFZG-NEBzgoDW291zcSgexeqIQWMibdFJaCwNqzJyE32ZtBLuDtq_Nh2xsHWu0Had_-wf7cfc/s1600/57015752_278764289700973_8128707971900907828_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1080" data-original-width="1080" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj9LPBWE7PPynqBho8U6BQl8_48M3V7KyHTl5K0HbQVhTP5CeQ_R6TKUmoMVIb-XqUAMIODFZG-NEBzgoDW291zcSgexeqIQWMibdFJaCwNqzJyE32ZtBLuDtq_Nh2xsHWu0Had_-wf7cfc/s320/57015752_278764289700973_8128707971900907828_n.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">L'archaïque, les mythes
du foyer et de l'errance les plus profondément inscrits dans les
représentations et les imaginaires archaïques y rencontrent la
modernité — les entraves en porcelaine nous renvoient
nécessairement aux actions de coercitions et de tortures politiques
— et le contemporain. Ce contemporain qui célèbre le nomadisme
et l'absence d'attaches comme valeurs libérales (aussi bien
économiques que culturellement émancipatrices des identités
figées), mais qui, aussi, voit des formes archaïques revenir, à
travers des communautés temporaires néo-chamaniques, new age et/ou
néo-rurales, écologistes, sorcières, ouvrant à une dialectique du
nomadisme, les foyers se déplaçant de TAZ ou ZAD en retraites
spirituelles et festivals autogérés.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh_92b6syC4SHZKG4_s0-30gVAZi3rEFJre2ErNTJFfwZCYru-2Ls9l8y4nGeG0sTA_3M1eQCGpLiJwmn0YYvvh6caIIFcNUZRQ8UJfgQnK27OglnOWAK2FuCOZIY1yWEopgIkBoauSnIdf/s1600/57206156_301582060775640_7648066756692425249_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="640" data-original-width="640" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh_92b6syC4SHZKG4_s0-30gVAZi3rEFJre2ErNTJFfwZCYru-2Ls9l8y4nGeG0sTA_3M1eQCGpLiJwmn0YYvvh6caIIFcNUZRQ8UJfgQnK27OglnOWAK2FuCOZIY1yWEopgIkBoauSnIdf/s320/57206156_301582060775640_7648066756692425249_n.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">Dans l'œuvre de Rachel
Labastie, cette dialectique du foyer et du nomadisme se nourrit des
transmissions de sa grand mère yéniche, nomade sédentarisée issue
d'une communauté aux origines indécises, à l'instar de tous les
sous-prolétaires errants d'Europe Centrale, comme en témoignent les
porosités linguistiques et culturelles du yéniche avec les langues
alémaniques, le yiddish et le romani. Pour les nomades, le foyer est
précisément le lieu du regroupement et de la transmission, de
récits de vies, donc de morts, donc de nouveau de vies. Et tourne la
roue en osier, cette technique de vannerie héritée de cette
ascendance nomade (</span><i style="text-align: left;">Djelem</i><span style="text-align: left;">).
Puis vient le feu, celui d'un foyer archaïque pour cuire l'argile
des bâtons qui, tels des carottes temporelles, incluent des tessons
de céramiques récoltés dans le village abandonné d'Egulbati en
Navarre espagnole, à l'occasion d'une résidence qui permit à
Rachel Labastie d'inventer un rituel d'appropriation et de
transmission de mémoires fantômes d'une population déchirée par
la guerre civile, 80 ans après celle-ci. Appelés à devenir à leur
tour errants, comme toute œuvre d'art (ce que traduisent les caisses
de transport, utilisées comme matériaux et symboles dans d'autres
sculptures), ces </span><i style="text-align: left;">Bâtons</i><span style="text-align: left;">
de mémoires deviennent aussi allégoriquement des bâtons de marche,
de pérégrination, de transmission, de récits.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-L4NOUv6KTrg1BW8mjyQ4GnndtXCyUN8RpqElIH7scawfcQr1yweME90XOEbyl0T4NvN4o3IhBPW1p0ps366-zFDGwPV1wRXA8NZMoYvOPu3_SVI155FMoDBllRaYmaxNXsverCNOrXDD/s1600/57079855_907946046212210_1794517509477474143_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1080" data-original-width="1080" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi-L4NOUv6KTrg1BW8mjyQ4GnndtXCyUN8RpqElIH7scawfcQr1yweME90XOEbyl0T4NvN4o3IhBPW1p0ps366-zFDGwPV1wRXA8NZMoYvOPu3_SVI155FMoDBllRaYmaxNXsverCNOrXDD/s320/57079855_907946046212210_1794517509477474143_n.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=Xwf6LzId5CE">https://www.youtube.com/watch?v=Xwf6LzId5CE</a></td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">Ces
transmissions de gestes et de techniques, ces recueils de mémoires
et allégories du nomadisme apparaissent comme des contrepoints et
des libérations d'</span><i style="text-align: left;">entraves</i><span style="text-align: left;">
(chaînes en porcelaine) et de </span><i style="text-align: left;">forces</i><span style="text-align: left;">
(des avant-bras en marbre ou en verre qui se tiennent et se serrent,
tendus dans l'espace par des sangles), qui nourrissent un imaginaire
de la coercition et de l'emprise. De même, œuvrer avec de l'argile
crue, qui jamais ne sèchera, induit une instabilité de la matière
et des formes, une inscription des gestes qui l'ont travaillée,
dépassant toute forme de réification et d'assignation, de réduction
et de contrainte, d'enfermement et de conditionnement. </span><span style="text-align: left;">La
liberté du nomadisme comme nécessité et condition, mais aussi la
recherche d'équilibre dans l'instable sont au cœur de l'ensemble
rétrospectif de 10 ans de démarche proposé aujourd'hui par Rachel
Labastie. Une démarche qui s'ouvre désormais, comme une évidence,
à la performance. Dans </span><i style="text-align: left;">Instable</i><span style="text-align: left;">,
Rachel Labastie chante </span><i style="text-align: left;">Djelem, Djelem</i><span style="text-align: left;">,
l'hymne des Gitans, en marchant sur une fine couche de terre sèche
qui se craquèle sous ses pieds, tel un rituel de communion avec la
terre, donc avec les morts. Le moment est fort, intense et
symboliquement puissant. Le son d'un sol clastique habite l'espace
visuel et tactile que nous arpentons dans notre parcours de pièce en
pièce, nourrissant un imaginaire poétique et sensible profondément
habité.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Tristan
Trémeau</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<br />Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-5742157069888885652019-05-15T05:45:00.001-07:002019-05-15T05:45:44.025-07:00Pieter Vermeersch au Musée M à Louvain (L'art même n°78, 2019)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
-->
</style>
<br />
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Voici mon article sur l'exposition de Pieter Vermeersch au Musée M à Louvain, paru dans le n°78 de la revue <i>L'art même</i> (Bruxelles).</b></span></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></span></div>
<div style="animation-iteration-count: 0 !important; background-color: white; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin: 0px 0px 0cm; outline: none; padding: 0px; text-align: justify; transition: none 0s ease 0s !important;">
<b style="animation-iteration-count: 0 !important; transition: none 0s ease 0s !important;">Le n°78 est téléchargeable en entier en format PDF sur le site de la revue : </b></div>
<div style="animation-iteration-count: 0 !important; background-color: white; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin: 0px 0px 0cm; outline: none; padding: 0px; text-align: justify; transition: none 0s ease 0s !important;">
<b style="animation-iteration-count: 0 !important; transition: none 0s ease 0s !important;"><a href="http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf" style="animation-iteration-count: 0 !important; color: #009eb8; display: inline; outline: none; text-decoration-line: none; transition: none 0s ease 0s !important;">http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf</a></b></div>
<div align="CENTER" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></span></div>
<div align="CENTER" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></span></div>
<div align="CENTER" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>UNE
EXPÉRIENCE VIBRANTE</b></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>Chaque
exposition de Pieter Vermeersch est l'occasion d'une expérience
sensible aussi riche que précise. Celle qui s'est ouverte en mars
dernier au Musée M à Louvain le confirme de même qu’atteste de
l'importance de cette œuvre dans la création contemporaine.</b></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Cela
fait dix ans que je suis l'évolution de la peinture de Pieter Vermeersch, d'expositions (en
Belgique, en France, en Espagne) en visites d'atelier, frappé par sa capacité à générer, pour chaque ensemble de tableaux,
chaque intervention picturale spatiale et architecturale, pour chaque
exposition, des expériences sensibles très précises, organisées
et orchestrées, fondées sur une approche pointue de la couleur, de
ses dégradés, de sa relation aux supports et à la lumière des
espaces investis, et faisant vibrer l'espace interne des œuvres et
l'espace alentour, saisissant visiteurs et visiteuses non seulement
sur un plan visuel mais aussi tactile, en tout cas haptique. Était ainsi marquant en 2016, lors d'une exposition à la galerie
Perrotin à Paris, l'effet de brume visuelle que produisaient
l'ensemble de ses tableaux à leurs lisières, comme si ces derniers
produisaient des fumigènes, dans la continuité de ceux présentés
à ProjecteSD à Barcelone en 2013. Cet effet est de nouveau frappant
à Louvain, provenant de certains tableaux de grand format, toujours
basés sur des instantanés photographiques mais convertis,
métabolisés en œuvres abstraites où la couleur joue le rôle
principal. De même est remarquable la relation haptique, quasi cutanée, qu'impliquent ses peintures
murales, lesquelles produisent de prime abord un sentiment de
dématérialisation du support — compensée par les « défauts »
de celui-ci, qui demeurent visibles (plinthes, reprises et repentirs
du plâtre mural) —, avant de susciter une approche optique des
qualités tactiles des murs quand on s'en approche — tout à coup on se prend à se dire que les murs ont la chair de poule.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhFj96m-FDerN-Aa-n9l41ScDwaXaMJ5TzJupUXrNCnf8q0Im6xbCpCLfXiXw-KihcR_fir8NsoICz5gO7DjUyVKhbV1_6W0PqZoLG1_b937LGBMVA-9Y8BJMIUPIMmF9xhzhZUL4kp8KRL/s1600/pietervermeersch020.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="450" data-original-width="675" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhFj96m-FDerN-Aa-n9l41ScDwaXaMJ5TzJupUXrNCnf8q0Im6xbCpCLfXiXw-KihcR_fir8NsoICz5gO7DjUyVKhbV1_6W0PqZoLG1_b937LGBMVA-9Y8BJMIUPIMmF9xhzhZUL4kp8KRL/s320/pietervermeersch020.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Une
dimension clairement phénoménologique habite cette pratique, sa
motivation, dans l'exploration des possibles picturaux et dans son
adresse aux visiteurs et visiteuses. Pour peu que l'on y soit
disposé.e, l’on peut vibrer de concert, avec les œuvres et avec
l'espace, ou du moins percevoir que du corps entier il est question
dans l'adresse et la perception. Pour y aider, ou pour le suggérer,
Pieter Vermeersch a conçu des murs qui divisent les espaces,
masquent en partie, suggèrent et dévoilent des espaces sensibles.
Des feuilles de miroir montées sur cadres incorporent également les
visiteuses et visiteurs, tout en reflétant et augmentant l'espace
chromatique et sensible, dans la continuité du dispositif qu'il
avait créé au MUKHA à Anvers en 2006 et antérieurement du « work
in progress » de peintures monochromes sur les vitres d'un
magasin de Gand en 2000, tout en pensant, nécessairement, à Dan
Graham.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhOVgkjdQmPC-pO2IaqIFG83v3tVeASS-TNgu5t5ojgdlVRniqqbM4h8AukEHzoX4e5FQV4lp3Vf3rYw6Dg0kytnxcBLFZgpZcBFUwe029Ukmo58pM3kVpPvfj8dqxqndBTl7oDy5UdbFqV/s1600/pietervermeersch035.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="450" data-original-width="675" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhOVgkjdQmPC-pO2IaqIFG83v3tVeASS-TNgu5t5ojgdlVRniqqbM4h8AukEHzoX4e5FQV4lp3Vf3rYw6Dg0kytnxcBLFZgpZcBFUwe029Ukmo58pM3kVpPvfj8dqxqndBTl7oDy5UdbFqV/s320/pietervermeersch035.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Une
des particularités de l'œuvre de Pieter Vermeersch est en effet de
s'inscrire aussi dans une continuité des pratiques d'exposition
minimalistes et postminimalistes, par l'effet de séries (dès la
première salle de l'exposition de Louvain, avec les huit petits
tableaux de 1999 et les cinq petites photographies ponctuées
d'essais picturaux de couleurs), par ses dimensions murales et
spatiales, par la création de dispositifs architecturaux, par sa
sensibilité aux espaces d'exposition — en créant à Louvain des
dialogues dialectiques entre les fenêtres ouvertes sur la ville et
les plans abstraits dans lesquels les références extérieures
s'effacent au profit de l'expression strictement picturale —, par
ses dimensions didactiques aussi. Ce dernier aspect à ses qualités,
notamment de médiation et d'inclusion, par les œuvres et la
scénographie, des visiteurs et visiteuses, allumant potentiellement
en elles et eux le désir d'y voir mieux, c'est-à-dire d'engager la
totalité de leurs corps sensibles. Le didactique peut aussi, par
moments, réduire le regard et l'expérience à une démonstration.
Comme lorsque l'association récente entre marbre et peinture
s'expose en deux éléments distincts, assemblés, ou quand il y a
quelque redondance dans la proximité entre un tableau avec fragment
cassé de marbre et une peinture murale raclée, dégradée.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4qcNjaOze2XENYZTrYPwApshM0ugYrw8-N5DbKS7AFlWzw8urvKHFufM0iJzOGXC5U3mY2qhrj8bQkYX0yGRMVD7mfc2bQ9RTKNBttqRtljp6fb9667uvxruRs10XAm9PxWgcn47GDDWM/s1600/pietervermeersch040.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="450" data-original-width="675" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh4qcNjaOze2XENYZTrYPwApshM0ugYrw8-N5DbKS7AFlWzw8urvKHFufM0iJzOGXC5U3mY2qhrj8bQkYX0yGRMVD7mfc2bQ9RTKNBttqRtljp6fb9667uvxruRs10XAm9PxWgcn47GDDWM/s320/pietervermeersch040.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRqFX80Q8nbi8R-VLFo7XLghUoFMBvbGcAG2cyTNILnFHWrGqkx4jQqlMmP0kgwhweQNh0LI1VqccyzhY35wiHAwnhbybLKglAo2c1tgl1EbwKGInUNSFbKJk4SZLBRuabDWye9f6-AkOf/s1600/4026a63af062853bf799402d5ce8de9e_XL.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" data-original-height="568" data-original-width="900" height="125" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjRqFX80Q8nbi8R-VLFo7XLghUoFMBvbGcAG2cyTNILnFHWrGqkx4jQqlMmP0kgwhweQNh0LI1VqccyzhY35wiHAwnhbybLKglAo2c1tgl1EbwKGInUNSFbKJk4SZLBRuabDWye9f6-AkOf/s200/4026a63af062853bf799402d5ce8de9e_XL.jpg" width="200" /></a><span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Au
total, cette exposition est une réussite, elle appelle à s'y
installer, à y vivre une expérience sensible exceptionnelle, à y
vibrer de tous ses sens, y compris auditif, puisqu'on y a la surprise
découvrir et d'y écouter au casque une production musicale noise
de Spasm (<i>Sonderweg</i>, 2005), trio dont fit partie Pieter
Vermeersch. C'était donc ça la raison de la présence de la guitare
basse dans son atelier...</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Tristan
Trémeau</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Pieter
Vermeersch</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Museum M, Louvain</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 0; widows: 0;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">15
mars-11 août 2019</span></span></span></div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-18856619979168892692019-05-15T05:37:00.002-07:002019-05-15T05:37:34.835-07:00Benoît Platéus au Wiels, Bruxelles et à la Kunstverein à Bonn (L'art même n°78, 2019)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<style type="text/css">
<!--
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</style>
<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b>Voici mon compte-rendu critique de l'exposition rétrospective de Benoît Platéus au Wiels à Bruxelles, qui aura lieu cet été à la Kunstverein à Bonn. L'article a paru dans le n°78 de la revue <i>L'art même</i>. </b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div style="animation-iteration-count: 0 !important; background-color: white; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin: 0px 0px 0cm; outline: none; padding: 0px; text-align: justify; transition: none 0s ease 0s !important;">
<b style="animation-iteration-count: 0 !important; transition: none 0s ease 0s !important;">Le n°78 est téléchargeable en entier en format PDF sur le site de la revue : </b></div>
<div style="animation-iteration-count: 0 !important; background-color: white; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin: 0px 0px 0cm; outline: none; padding: 0px; text-align: justify; transition: none 0s ease 0s !important;">
<b style="animation-iteration-count: 0 !important; transition: none 0s ease 0s !important;"><a href="http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf" style="animation-iteration-count: 0 !important; color: #009eb8; display: inline; outline: none; text-decoration-line: none; transition: none 0s ease 0s !important;">http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf</a></b></div>
<br />
<div style="animation-iteration-count: 0 !important; background-color: white; color: #333333; font-family: "Helvetica Neue Light", HelveticaNeue-Light, "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; margin: 0px 0px 0cm; outline: none; padding: 0px; text-align: justify; transition: none 0s ease 0s !important;">
<br /></div>
<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>L'ART RAFFINÉ DE
BENOÎT PLATÉUS</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b>Première
rétrospective de Benoît Platéus, l'exposition inaugurée le 1er
février au Wiels à Bruxelles sous le commissariat de Devrim Bayar,
sera reprise au Kunstverein de Bonn du 20 juin au 11 août 2019.
L'occasion de prendre la mesure de l'ampleur et de la qualité d'une
œuvre picturale précise et ouverte, où raffinement esthétique et
chimique se combinent.</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Déployée généreusement
sur deux niveaux du Wiels, l'exposition de Benoît Platéus est
l'occasion d'avoir un regard articulé et sensible sur son œuvre et
sa démarche depuis une vingtaine d'années. Si l'ensemble ne se
présente pas suivant un parcours chronologique, privilégiant les
dialogues entre séries de tableaux, de sculptures, de photographies,
de fanzines et de collages de différentes périodes (auxquelles
s'ajoute un film), une dimension rétrospective est néanmoins au
travail dans l'accrochage, permettant de saisir les fonds de
provenance photographiques et pop (bandes dessinées, affiches de
cinéma populaire) d'un parcours principalement pictural, à la fois
inscrit dans certaines lignées de l'abstraction moderniste et dans
une réflexion sur les incidences de la reproduction technique, à
travers les évolutions technologiques analogiques et numériques.
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Né en 1973 à Liège,
formé à l'ESA Saint-Luc de sa ville natale puis à l'ERG à
Bruxelles dans les années 1990, Benoît Platéus semble inscrire et
développer son travail dans un double héritage européen et
états-unien, où dominent la question des effets de la
reproductibilité technique sur l'impact et la consistance des
images, leurs usages, leurs diffusions et transformations par
différents médiums interposés, comme sur leur appréhension, leurs
appropriations, leurs traductions et leurs montages. Héritage
européen, lorsque des dimensions liées historiquement à Dada et au
surréalisme, c'est-à-dire à l'impact du travail du rêve et du
hasard, viennent hanter notre regard sur ses <i>Appareils psychiques</i><span style="font-style: normal;">
de 2006 (acrylique et gouache sur papier) où les mots inscrits sont
caviardés et éparpillés, par des procédés d'incises, de découpes
et de prélèvements, qui les étendent à la totalité de la surface
rectangulaire du support. Il en va de même face aux plus récents
tableaux réalisés aux pastels à l'huile, de la série </span><i>Telephone
Poles </i><span style="font-style: normal;">(2017). De prime abord
abstraits, ils dévoilent peu à peu, en s'en approchant, leur
provenance : des indices visuels de texture de bois et d'agrafes
renvoient à des procédés de dessin par frottage de supports (à
l'instar de Max Ernst) — en l'occurrence de surfaces de poteaux en
bois qui supportent des câbles téléphoniques, sur lesquels sont
traditionnellement présentes, aux USA, des affichettes d'annonces de
services, de ventes de garages ou d'animaux et objets perdus) —,
ces dessins ayant été ensuite transférés sur transparents pour
être projetés, agrandis, sur les toiles, où ils sont l'objet de
reprises. À l'instar du Britannique Nigel Henderson (1917-1985), qui
dans les années 1950 opérait des prélèvements photographiques
puis des transferts et collages de graffiti et autres événements
texturels de surfaces murales, ces procédés mis en œuvre par
Benoît Platéus produisent des déplacements et traductions subtiles
du vernaculaire vers les « beaux-arts ». </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgx73l9R9yntDufzA_WdtZdpSm_9FgBSyvAnY1Wcq_YR-aoqwqGwrBVcqFw8HIJGf-BnPwDaNRN-O-2kvkMsfj6MDGi6z1J300uMXB6mN35TUell5bm5MlGTYBeUddsLC3zUM_EokpHFzP8/s1600/Benoi%25CC%2582t-Plate%25CC%2581us--One-Inch-Off.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="424" data-original-width="636" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgx73l9R9yntDufzA_WdtZdpSm_9FgBSyvAnY1Wcq_YR-aoqwqGwrBVcqFw8HIJGf-BnPwDaNRN-O-2kvkMsfj6MDGi6z1J300uMXB6mN35TUell5bm5MlGTYBeUddsLC3zUM_EokpHFzP8/s320/Benoi%25CC%2582t-Plate%25CC%2581us--One-Inch-Off.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">En
effet, ces tableaux peuvent être considérés comme très raffinés,
tant au sens esthétique (ils sont délicats, élégants et cultivés)
que chimique (le raffinage d'une matière la rend plus fine en la
débarrassant de ses impuretés). La chimie, comme la raffinerie,
sont d'ailleurs récurrentes dans son travail, particulièrement dans
ses sculptures qui incluent depuis 2010, dans des bidons auparavant
destinés à contenir des produits chimiques nécessaires au
développement de la photographie argentique, des mélanges de
pigments et et de résine liquide (uréthane). Disposés au sol, ces
bidons révèlent leurs précipités chromatiques au pied de tableaux
composés de collages d'affiches publicitaires et d'œuvres
inabouties de l'artiste (</span><i>Backpage</i><span style="font-style: normal;">,
2012) qui, porteurs de dimensions abstraites autant que figuratives,
peuvent renvoyer à la « peinture sans peinture » des
affichistes nouveaux réalistes <b>(1)</b>.
De même, ces sculptures chromatiques où l'image est absente mais
allégoriquement potentielle (si l'on sait les références aux
produits chimiques liés à la photographie argentique, nommés dans
les titres des sculptures — </span><i>Kodak Flexicolor</i><span style="font-style: normal;">,
2015, </span><i>Fuji Hunt</i><span style="font-style: normal;">, 2015
et 2016) résonnent avec les premières photographies de la fin des
années 1990 de Benoît Platéus dans lesquelles reflets, voiles,
projections, taches et surexpositions lumineuses étendent l'impact
chromatique des motifs (par exemple de chaises en plastique rouge),
comme avec les plus récentes impressions en Digital C-Print ou en
Pigment Print Wall Paper des années 2000-2010 (</span><i>Stereo </i><span style="font-style: normal;">V,
2008, </span><i>Snoqualmie (Yellow)</i><span style="font-style: normal;">,
2012, </span><i>Dry Duck</i><span style="font-style: normal;">, 2013).
</span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijlOyvKs6kDrYtNOpBYvRW7WjaY9XRfyb8HR3DpAXl0njZqyJUob-7LWIariaFTAo2godaQsF2yzIO8c0HFw6fn08Z0ubQYdm-xCBMCUlwb82Rv15F2U35e_e3FA6c_jfpijm02_YFR3kf/s1600/Benoi%25CC%2582t-Plate%25CC%2581us--One-Inch-Off-1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="424" data-original-width="636" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijlOyvKs6kDrYtNOpBYvRW7WjaY9XRfyb8HR3DpAXl0njZqyJUob-7LWIariaFTAo2godaQsF2yzIO8c0HFw6fn08Z0ubQYdm-xCBMCUlwb82Rv15F2U35e_e3FA6c_jfpijm02_YFR3kf/s320/Benoi%25CC%2582t-Plate%25CC%2581us--One-Inch-Off-1.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">L'héritage
états-unien se lit dans d'autres ensembles d'œuvres, telles celles
réalisées en 2008 à partir de planches de bandes dessinées (</span><i>UAD
3, </i><span style="font-style: normal;">ou</span><i> Spectrum III</i><span style="font-style: normal;">),
où l'usage de photocopies et de transferts de planches décadrées
et déformées conduit les motifs aux frontières de l'abstraction et
du grotesque, notamment par l'extension chromatique au-delà des
cases et les effets de dégradation volontaire des images. Le
souvenir de Warhol et de la Factory, de ses procédés mécaniques de
reproduction, de reproduction de reproduction, de reproduction de
reproduction de reproduction, etc, et de dégradation consécutive
des images originales hante ces œuvres de Benoît Platéus, à
l'instar de Christopher Wool et de ses contemporains Wade Guyton,
Kelley Walker ou Seth Price <b>(2)</b>.
Mais encore une fois, la plupart des œuvres de Platéus se
distinguent par un raffinement dans leur facture et leur tenue, y
compris dans ses très récentes impressions Xerox combinée à de la
peinture à l'huile sur panneaux de bois (</span><i>Azad</i><span style="font-style: normal;">
et </span><i>Selçuk</i><span style="font-style: normal;">, 2016,
</span><i>Herminia</i><span style="font-style: normal;">, 2018) quand
ses contemporains états-uniens insistent plus sur la dégradation,
voire l'effondrement des images par exténuation des processus
mécaniques de reproduction et d'impression. Il en va de même dans
les « fantômes » d'affiches de films populaires que
Platéus retourne et rend illisibles par l'ajout de couleurs
(</span><i>Cousins</i><span style="font-style: normal;">, 2015,
</span><i>L'étincelle</i><span style="font-style: normal;">, 2016,
</span><i>Les pirates du Mississippi</i><span style="font-style: normal;">,
2016), qui renvoient aux affiches retournées aux couleurs fondues
dans la colle de François Dufrêne (1930-1982) et à certaines
planches caviardées ou arrachées de bandes dessinées et
d'illustrés de Thomas <b>(3)</b>.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi1MO7rsTBcaGJDGU_7Znx8-UjW6VBDJaj6WeEOw2CjdjqhXp7wkzYaN4JbK-K9wKNwdDV5krIOL3LGYcexRk8n7h5MjAgT6uADbaj6TK84UHMpcml_2vP6SStOnWwVzHOyZXyqzg2CABof/s1600/51066396_356723738500495_2488769779348318561_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="455" data-original-width="683" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi1MO7rsTBcaGJDGU_7Znx8-UjW6VBDJaj6WeEOw2CjdjqhXp7wkzYaN4JbK-K9wKNwdDV5krIOL3LGYcexRk8n7h5MjAgT6uADbaj6TK84UHMpcml_2vP6SStOnWwVzHOyZXyqzg2CABof/s320/51066396_356723738500495_2488769779348318561_n.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">À
ce titre, il serait intéressant qu'une confrontation ait lieu un
jour entre « scènes » ou situations européennes et
états-uniennes quant aux traductions picturales des effets de la
reproductibilité technique et de ses mutations à travers les
différentes nouvelles technologies apparues depuis l'après Deuxième
Guerre mondiale (photographiques comme filmiques, comme
sérigraphiques, comme numériques). Face à la puissance insistante
et l'efficacité commerciale des images Pop, l'option de la
dégradation et du </span><i>fading</i><span style="font-style: normal;">
(que l'on peut traduire aussi bien par évanouissement, atténuation,
estompage, affaiblissement que détérioration) peut traduire une
position partagée, entre fascination et distanciation critique pour
ces images, où se combinent des opérations destructrices de
l'unicité des signes commerciaux par épuisement, exténuation,
caviardage, retournement, enfouissement, voilements, déstabilisations
d'échelles, déformations, retraits, décollages et montages (la
liste d'opérations est infinie et non exclusive). </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfQCk38kFQeFan__TRDRkYdPV56aayDAcmir4n4JOw7xf1G77zZlKLb6-ckH4V2izLgYqZGrDDQ3LKiU_PyVYlZx-gZSm8Tbm2-gMx1iJO3D_eDKSlh87VnoxBjgCDDCIeulXQ_v7UBX2I/s1600/bp02.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1024" data-original-width="741" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhfQCk38kFQeFan__TRDRkYdPV56aayDAcmir4n4JOw7xf1G77zZlKLb6-ckH4V2izLgYqZGrDDQ3LKiU_PyVYlZx-gZSm8Tbm2-gMx1iJO3D_eDKSlh87VnoxBjgCDDCIeulXQ_v7UBX2I/s320/bp02.jpg" width="231" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Ces
problématiques ne sont pas dénuées d'enjeux esthétiques autant
que politiques. Néanmoins, les enjeux politiques apparaissent en
retrait dans l'œuvre et la démarche de Benoît Platéus, comme en
témoignent les textes de Devrim Bayar, Jill Gasparina et Virginie
Devillez, publiés en anglais et en français dans le catalogue, qui
font à juste titre la part belle aux questions du hasard et de
l'intuition poétiques, des fantômes de l'image et du cinéma, du
travail du rêve (notamment dans le film </span><i>W.o.w</i><span style="font-style: normal;">,
2015), de l'obsolescence des techniques et de la mélancolie.
Sourdement, la question d'une politique du regard se dégage
cependant du catalogue qui, dans son agencement subtile de
reproductions d'œuvres (détachées des ensembles dont elles font,
chacune, partie) et de vues d'expositions, suscite une gymnastique
mentale de traduction des échos et écarts dialectiques entre chaque
groupe d'œuvres. Ce catalogue est une réussite en tant
qu'exposition lui aussi, lui-même, de ce qui est au travail dans le
travail de Benoît Platéus, d'une façon différente et
complémentaire de l'exposition au Wiels où les ensembles d'œuvres
sont préservés dans leur intégrité malgré les dialogues
orchestrés par moments, dans de mêmes espaces physiques. À ce
titre, cette édition remplit pleinement et remarquablement le rôle
d'exposition de ce qui est à l'œuvre dans l'œuvre d'un.e artiste,
soit ce que l'on aimerait rencontrer et avoir dans tout catalogue.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Tristan
Trémeau</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Benoît
Platéus</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Wiels,
Bruxelles</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
du 2
février au 28 avril 2019</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Kunstverein,
Bonn</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
du 20
juin au 11 août 2019</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="sdfootnote">
<b>(1) </b>Cf
le catalogue de l'exposition <i>La peinture après l'abstraction
1955-1975</i><span style="font-style: normal;">, sous le commissariat
d'Alain Cueff, au Musée d'art moderne de la Ville de Paris, 1999,
où les affiches décollées, lacérées et collées sur toiles de
Raymond Hains et Jacques Villeglé traduisaient une nouvelle
situation de la peinture abstraite, « ready made »,
nourrie par le regard photographique urbain et la culture
vernaculaire, en confrontation avec les tableaux de Martin Barré,
Jean Degottex et Simon Hantaï qui par leurs procédés de
transferts, de bombage ou d'empreintes traduisaient d'autres
processus de distanciation/division/déplacement du geste pictural.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote">
<b>(2) </b>Cf.
le catalogue de l'exposition <i>The Painting Factory :
Abstraction after Warhol</i><span style="font-style: normal;">, sous
le commissariat de Jeffrey Deitch, Museum of Contemporary Art, Los
Angeles, 2012.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<div class="sdfootnote">
<b>(3) </b>Thomas
(Jean-Michel Lourdelle, dit, 1941-2000) fut de son vivant un artiste
volontairement en retrait des visibilités. Cf. mon texte « Artiste
pour artistes », dans le catalogue de l'exposition <i>Thomas.
Les années 50/60</i><span style="font-style: normal;">, Galerie
Michael Hasenclever, Münich, 2010.
</span><a href="https://www.hasencleverart.com/PDF/Download_Thomas_2010.pdf"><span style="color: black;"><span style="font-style: normal;">https://www.hasencleverart.com/PDF/Download_Thomas_2010.pdf</span></span></a></div>
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-56880761567515892692019-05-15T05:25:00.002-07:002019-05-15T05:26:27.753-07:00La gentrification des esprits (L'art même n°78, 2019)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt }
P { margin-bottom: 0.21cm }
A.sdfootnoteanc { font-size: 57% }
</style>
</div>
-->
<br />
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b>Voici mon compte-rendu critique du livre <i>La gentrification des esprits</i> de Sarah Schulman (éd. B42, 2018), paru dans le n°78 de la revue <i>L'art même</i> (Bruxelles). </b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b>Le n°78 est téléchargeable en entier en format PDF sur le site de la revue : </b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<b><a href="http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf">http://www.lartmeme.cfwb.be/no078/documents/AM78.pdf</a></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>LA GENTRIFICATION DES
ESPRITS</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
La gentrification est
devenue une préoccupation majeure des politiques et des vies dans
les centralités urbaines, à l'échelle planétaire. Il ne s'agit
plus aujourd'hui d'une problématique anglo-saxonne (le terme a été
créé dès 1964 par la sociologue britannique Ruth Glass à partir
de <i>gentry</i><span style="font-style: normal;">, signifiant petite
noblesse, et à propos des effets sociaux-économiques de
l'implantation de nouveaux arrivants économiquement confortables
dans les quartiers populaires londoniens <b>(1)</b>),
ou états-unienne (New-York ayant été l'objet dès la fin des
années 1970 d'études sociologiques, urbanistiques et géographiques
relatives à des politiques planifiées de gentrification de
quartiers centraux de Manhattan, associant acteurs politiques et
investisseurs immobiliers <b>(2)</b>).
Pour ne s'en tenir qu'à l'Europe, les habitants des classes
populaires et moyennes de Paris, Berlin, Bruxelles, Prague, Lisbonne
et d'autres capitales, comme des métropoles régionales jusqu'à
récemment identifiées comme populaires (Barcelone, Lille,
Marseille, Bilbao, Bristol...) subissent aussi l'augmentation
croissante, voire explosive des coûts du logement et de la vie en
général, avec l'afflux de nouveaux habitants issus des classes
aisées, à travers ce que les sociologues appellent « l'immigration
dorée », soutenue par des politiques publiques de détaxation
des investissements privés et d'attractivité culturelle (création
d'équipements culturels, rénovation-embellissement-réenchantement
des centralités urbaines...). </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNX3o1VSgi5aaxnSWQA07ymUrVVBiF_qtkAkUASViLYwTlLxe35UrHY2l_UvLOH73ZWriQjPfQZD2A4AcR2WbStRLmmRgUwrpD82vOxfclw1sKtSBGvCYam1GOCvs0vD5QQ2usmbqhxuV6/s1600/b42-104-gentrification-1-1024x683.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="683" data-original-width="1024" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhNX3o1VSgi5aaxnSWQA07ymUrVVBiF_qtkAkUASViLYwTlLxe35UrHY2l_UvLOH73ZWriQjPfQZD2A4AcR2WbStRLmmRgUwrpD82vOxfclw1sKtSBGvCYam1GOCvs0vD5QQ2usmbqhxuV6/s320/b42-104-gentrification-1-1024x683.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">En
découle, comme le rappelle Sarah Schulman dans </span><i>La
gentrification des esprit</i><span style="font-style: normal;">
(publié aux États-Unis en 2012, traduit et édité fin 2018 en
France), une homogénéisation sociale et culturelle par l'exclusion
progressive des populations mixtes originelles, mais aussi des modes
et des formes de vies par le remplacement des commerces et des lieux
de vies jusqu'alors hétérogènes par des franchises de compagnies
dans les domaines de la restauration rapide, de l'habillement, du
cosmétique, de la décoration d'intérieur, de la consommation
culturelle, etc. La « gentrification des esprits »
apparaît à ce stade d'une colonisation culturelle après
qu'économique des quartiers populaires. Elle en est la conséquence
visible et sensible, dans l'homogénéisation constatable des grandes
villes dès nos premiers pas de touristes ou de visiteurs, de New
York à Prague, de Londres à Paris. De façon plus radicale qu'un
chercheur, Sarah Schulman (écrivaine, dramaturge, activiste et
professeure new-yorkaise) en vient à affirmer que la gentrification
est une « domination blanche ». </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Si
elle rappelle cette évidence, déjà nommée par nombre d'auteurs,
en se basant notamment sur l'évocation des processus de
gentrification à New-York (la mise en place dès les années 1970 de
politiques fiscales d'attractivité de Manhattan à l'adresse des
enfants des classes moyennes et supérieures blanches, qui avaient
grandi dans les banlieues cossues), son livre amène un autre élément
jusqu'alors impensé à ma connaissance, la coïncidence de
l'épidémie de Sida dans les années 1980 à New-York et du
déploiement d'un nouveau stade conséquent de gentrification :
</span><i>« dans mon quartier, East Village à Manhattan, la
conversion immobilière était déjà dramatiquement enclenchée
lorsque le pic d'épidémie fut atteint. Mes voisin.e.s commençaient
à décéder les un.e.s après les autres, renversant</i><span style="font-style: normal;">
littéralement</span><i> le taux du marché à une vitesse
contre-nature »</i><span style="font-style: normal;">. Le drame
des décès dus au Sida produisit un effet d'aubaine pour les
investisseurs, conduisant au remplacement et à l'exclusion des
</span><i>« Portoricain.e.s, Dominicain.e.s, Européen.ne.s de
l'Est, immigrant.e.s italien.nes, lesbiennes, artistes non
institutionnel.le.s, gays, et autres réfugié.e.s sexuellement
aventureux.ses et socialement marginalisé.e.s </i><span style="font-style: normal;">(…)
</span><i>et vivant en marge de l'économie »</i><span style="font-style: normal;">.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Ce
livre est précieux à cet endroit, car il défait en grande partie
le cliché du « bobo gay gentrifieur » et
l'identification des artistes et des acteurs de la vie « bohème »
comme principaux agents de la gentrification. Il l'est aussi car
Schulman y fait valoir une histoire alternative, celle des victimes
de Sida, à travers des témoignages — dont le sien, de militante
LGBT — et des archives d'ACT UP, mais aussi au regard d'une
nécessité de maintenir l'éveil critique dans un contexte actuel de
</span><i>« gentrification politique des homosexuel.le.s »</i><span style="font-style: normal;">
et de concevoir des alternatives « dégentrifiantes »
face à la </span><i>« diminution de la prise de conscience de
la manière d'opérer des changements politiques et artistiques »</i><span style="font-style: normal;">.
Au-delà, ce livre, traduit sous une forme semblable à un collage,
les intuitions et réactions de l'autrice au fil de sa pensée,
mobilisée à la fois par sa conscience historique et par ses
engagements d'activiste, d'autrice et d'enseignante. Ce qui rend sa
lecture excitante et, souvent, réjouissante.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Tristan
Trémeau</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Sarah
Schulman, </span><i>La gentrification des esprit</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, éd. B42, coll. « Culture », 2018. Traduit par
Émilie Notéris, postface de Vanina Géré. 140 pages. 20 euros.
ISBN 9782490077045</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="sdfootnote">
<b>(1)</b> Ruth
Glass, <i>London : Aspects of Change</i><span style="font-style: normal;">,
Londres, Center of Urban Studies, 1964.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote">
<b>(2) </b>Le
livre séminal étant <i>Loft Living:Culture and Capital in Urban
Changes</i><span style="font-style: normal;"> de Sharon Zukin,
Rutgers University Press, 1982 (plusieurs rééditions augmentées
de préfaces de l'autrice depuis).</span></div>
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-41830768161063142422018-10-28T10:18:00.001-07:002018-10-28T10:18:54.862-07:00Joan Miró. L'artificier en arlequin (2013)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
En 2013, je fus invité par Olivier Kaeppelin, alors directeur de la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence et commissaire de l'exposition Joan Miró au Fonds Hélène & Edouard Leclerc à Landerneau, à écrire un essai sur l'œuvre de l'artiste d'avant-garde espagnol pour le catalogue publié à cette occasion aux éditions Textuel, <i>Joan Miró. L'arlequin artificier</i>.<br />
Voici cet essai, que je publie sur mon blog en résonances avec l'actuelle rétrospective qui lui est consacrée aux Galeries nationales du Grand Palais à Paris.<br />
<br />
<br />
<style type="text/css">
<!--
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-->
</style>
<br />
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><b>L'artificier
en arlequin</b></span></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Joan Miró occupe une place très singulière dans l'histoire de la
modernité et des avant-gardes. S'il côtoya des pairs engagés ou
reconnus dans des courants esthétiques majeurs des années 1910-1930
(Pablo Picasso et le Cubisme, Tristan Tzara et Dada, André Masson et
le Surréalisme), et s'il fut associé au Surréalisme dès 1924 à
travers des dialogues réguliers avec des peintres et des poètes
ainsi que lors d'expositions manifestes du mouvement, son œuvre
apparaît dès ses débuts comme une succession de synthèses
distanciées et critiques de ces partis esthétiques influents par
rapport auxquels il décida toujours d'élaborer un langage plastique
autonome, pictural comme sculptural. Du Fauvisme, du Cubisme et de
l'Abstraction il retint l'esprit de synthèse des formes, de l'espace
et des couleurs, tout en ouvrant ses processus de création et ses
représentations à des dimensions hasardeuses, expérimentales et
oniriques inspirées par le Surréalisme. Il se reconnut aussi dans
le caractère destructeur et séditieux de Dada, lui-même anticipé
par l'esprit renversant, potache et pataphysique <b>(1)</b> du théâtre et des romans d'Alfred Jarry, auquel Miró emprunta à
plusieurs reprises les figures du Père et de la Mère Ubu. Au total,
son œuvre ne peut être réductible à aucun des courants et
mouvements de l'époque. Ceci n'empêcha pas sa reconnaissance
unanime par ses pairs, contemporains et plus jeunes, notamment par
les artistes américains qui émergèrent à la fin de la Deuxième
Guerre mondiale — Jackson Pollock, Robert Motherwell, Mark Rothko,
Adolph Gottlieb... — et les Européens de Cobra : Christian
Dotremont — qui posséda des œuvres de Miro —, Pierre
Alechinsky, Asger Jorn... À l'instar d'autres grands singuliers
comme Paul Klee et Hans Arp, et peut-être plus encore qu'eux en
raison de l'extrême diversité de ses pratiques, de la peinture à
la céramique, de la sculpture à l'estampe et à l'édition, du
collage et de l'assemblage au bronze, Joan Miró apparaît comme un
modèle d'émancipation esthétique non dénuée d'enjeux politiques
qui traduit l'esprit moderniste et avant-gardiste dans ses dimensions
les plus vitales.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Si
ses premiers tableaux de 1916-1922 entretenaient des liens formels et
structurants indéniables avec le Cubisme de Pablo Picasso, Georges
Braque et Juan Gris, notamment dans les paysages et natures mortes,
l'en distinguait d'emblée son souci « détailliste » —
pour reprendre le terme inventé par son ami Josep Francesc Rafols,
architecte, peintre et historien de l'art catalan. S'il procéda, en
1922-1923 à un dépouillement des motifs et des compositions dans <i>La
lampe à carbure</i><span style="font-style: normal;"> et </span><i>L'épi
de blé</i>, tous deux conservés au
MoMA à New York, dans une parenté possible avec le Purisme de Le
Corbusier et Amédée Ozenfant <b>(2)</b></span><span style="font-size: medium;">,
il n'en conçut pas un esprit de système ni ne souscrit à une
volonté de « retour à l'ordre » que traduisaient ce
courant comme, déjà, certaines issues du Cubisme qui voulaient
édifier de nouvelles règles ou lois pour la peinture (dans les
œuvres et écrits d'Albert Gleizes par exemple <b>(3)</b></span><span style="font-size: medium;">).
Joan Miró s'évertua en effet dès le début des années 1920 à sans
cesse ouvrir sa pratique picturale puis sculpturale à des
expérimentations qui remettaient en cause à la fois la tradition
esthétique occidentale — ses codes de représentation, ses canons
mimétiques et moraux — et ce qui pouvait s'imposer comme nouveaux
canons au sein des avant-gardes, que celles-ci maintiennent des liens
avec la représentation du monde perçu et vécu ou qu'elles
installent l'exercice de l'art dans des préoccupations strictement
picturales ou constructives, conduisant à l'abstraction.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">S'il
n'adhéra jamais à Dada et s'il est absent des publications
consacrées à ce mouvement qui naquit à Zurich durant la Première
Guerre mondiale et se développa ensuite de Berlin à New York en
passant par Paris, sa rencontre avec Tristan Tzara et d'autres
acteurs de Dada à Paris en 1920 fut sans doute déterminante pour
conforter Miró dans son désir de ne jamais trouver de solutions
mais, au contraire, de toujours remettre en cause ce qui, dans son
œuvre aussi bien que dans celles de ses contemporains, pouvait
obstruer les perspectives et réifier les possibles. L'esprit Dada se
caractérisait en effet par une absence de souci de faire école et
d'imposer un style à ses acteurs comme à l'ensemble du monde de
l'art et de la société (à la différence du Suprématisme et du
groupe De Sijl par exemple <b>(4)</b>),
à tel point qu'il est <i>a priori</i>
impossible de percevoir et de concevoir une quelconque unité
stylistique entre les tableaux mécaniques de Francis Picabia, les
photomontages de Raoul Hausman et ceux de John Heartfield, les
visions caricaturales corrosives de Georges Grosz, l'objectivité
picturale d'Otto Dix, les ready mades de Marcel Duchamp et les
collages « selon les lois du hasard » d'Hans Arp. Seuls
l'esprit de sédition anarchiste, plus ou moins marqué à Gauche
selon les personnalités, et la volonté de transgression et de
destruction permanentes des codes établis ou en cours
d'établissement (du Cubisme au Constructivisme, en passant par le
Suprématisme, De Stijl ou le Purisme), reliaient les artistes Dada.
Et c'est cet esprit d'artificier de l'art et en particulier de la
peinture qui anima Miró à partir du milieu des années 1920,
lorsqu'il déclara vouloir briser la guitare des cubistes puis
procéder à l'assassinat de la peinture.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCmk9P3jxI86rP-PLDAvxrdtWJ8JDU1K7nkMOUQH8jD_LzRyrw_YScQuG-oTyV6BrasxytH4BbaWOSyF2Q5SXUGRd7WvCeQ2MjnEK3Qp3IcoYgZV4NsrbH8utOHYFPKhPRsHu9SlCndpGW/s1600/3A21678.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1000" data-original-width="757" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgCmk9P3jxI86rP-PLDAvxrdtWJ8JDU1K7nkMOUQH8jD_LzRyrw_YScQuG-oTyV6BrasxytH4BbaWOSyF2Q5SXUGRd7WvCeQ2MjnEK3Qp3IcoYgZV4NsrbH8utOHYFPKhPRsHu9SlCndpGW/s320/3A21678.jpg" width="242" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Joan Miro, <i>Peinture</i>, 1927, huile sur toile,<br />129 x 97 cm, coll. LAM, Villeneuve-d'Ascq. </td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal;">Deux
expositions récentes, </span><i>Joan Miró. La naissance du Monde,
1917-1934</i><span style="font-style: normal;"> au centre Georges
Pompidou à Paris (2004) et </span><i>Joan Miró. Painting and
Anti-Painting, 1927-1937</i><span style="font-style: normal;"> au
Museum of Modern Art à New York (2008-2009), rendirent compte de ce
moment où l'artiste, établi à la fois en Catalogne à Montroig et
à Paris, opéra un changement radical dans son approche de la
peinture. Ce, tant du point de vue du motif — </span><i>exit</i>
la ruralité et les figures catalanes de la période « détailliste »
qui lui avaient apporté un début de reconnaissance critique auprès
de ses pairs, notamment Picasso qui acquit de Miró un autoportrait de
1919 et la<i> Danseuse espagnole</i><span style="font-style: normal;">
</span><i>sur fond noir </i><span style="font-style: normal;">de 1921,
et d'amateurs tel Ernest Hemingway qui acheta </span><i>La ferme</i><span style="font-style: normal;">
(1921), aujourd'hui à la National Gallery of Art à Washington —
que du point de vue du geste et de la composition. À partir de
1924, les tableaux s'allègent, atteignent une dimension aérienne
dans l'inscription de tracés et de formes qui ne relèvent plus
d'aucun naturalisme ni détaillisme mais du hasard et de
l'arbitraire. Miro sélectionne des</span> formes géométriques,
végétales ou anthropomorphiques réduites à des signes à valeur
symbolique et onirique (<i>Maternité</i><span style="font-style: normal;">,
1924, </span><i>La sieste</i><span style="font-style: normal;">,
1925), quand ces formes ne semblent pas totalement détachées de
toutes références et ouvrir l'espace mental à une rêverie
abstraite, entre terre et ciel (</span><i>Peinture</i><span style="font-style: normal;">,
1927, coll. LAM, Villeneuve d'Ascq). La palette chromatique se réduit
aux couleurs primaires, au noir et au blanc, ainsi qu'à des teintes
terreuses et verdâtres qui, à l'instar des bleus, accaparent les
fonds des tableaux, certains monochromes, parfois vite badigeonnés,
voire tachés ou souillés. Les grandes compositions comme </span><i>Le
carnaval d'arlequin</i><span style="font-style: normal;"> (1924-1925,
coll. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo) et les deux </span><i>Intérieurs
hollandais</i> de 1928 (coll. MoMA,
New York et Peggy Guggenheim Collection, Venise), font alors la
synthèse entre la première période détailliste et ce nouveau
moment marqué par la confrontation de Miró avec Dada et le
Surréalisme à Paris. Des formes grotesques déduites de figures
humaines et animales, inspirées pour certaines par des objets inuits
(notamment la figure d'arlequin), tourbillonnent ou semblent
suspendues, aériennes, dans des intérieurs d'habitations réduits à
leur plus simples composants spatiaux (mur, sol, fenêtre, table). </span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">L'influence
du contexte surréaliste parisien est régulièrement nommée par les
auteurs qui se sont intéressés aux évolutions de l'œuvre de Miro
dans les années 1920-1930. Il voisinait et fréquentait en effet
régulièrement André Masson, l'un des pionniers du Surréalisme et
particulièrement du dessin automatique, pratique que s'appropria Miró sous hypnose ou les yeux fermés pour créer une centaine de
tableaux. Les dimensions oniriques de ses œuvres témoignent aussi
de ces liens, à travers les figures de la maternité, de la
déclaration d'amour, de l'oiseau, de la lune et des étoiles. De
même, l'intégration de lettres, de phrases poétiques et de
mots-clés dans les tableaux, comme éléments de signification
autant que comme formes plastiques, renvoient aux recherches
d'accords entre poésie et peinture dans le Surréalisme, dans la
continuité de certaines pratiques de Dada, notamment d'Hans Arp,
Francis Picabia et Tristan Tzara. Il n'est dès lors pas étonnant
que ce dernier, propagandiste de Dada à Paris, acquit des œuvres de Miró, à l'instar de Raymond Queneau, lequel adhéra au Surréalisme
en 1924. </span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgT-HX0A9P-RTnlML7Q2cNIjpf6dRa4eioRlgva47Ku97fxgyOuRrPjuS_wtRmwJg6sBSrzAo4no9dxzd-GH-gQgAe8PY48elZTc3CdbOkowVU-_hQQePjQ7sPQXNxIdmHnFLzhgeGG1j6p/s1600/blue-star.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="791" data-original-width="600" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgT-HX0A9P-RTnlML7Q2cNIjpf6dRa4eioRlgva47Ku97fxgyOuRrPjuS_wtRmwJg6sBSrzAo4no9dxzd-GH-gQgAe8PY48elZTc3CdbOkowVU-_hQQePjQ7sPQXNxIdmHnFLzhgeGG1j6p/s320/blue-star.jpg" width="242" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Joan Miro, Peinture (l'étoile bleue), 1927<br />huile sur toile, 33 x 24 cm, coll. part.</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg3GhKv2K3-EnQWR0RTRhB9OTpk76qaaKg4kSw2GiNVed0V3ukemRRcQUCTJ278xM5Bhp2PqA-zskMrpE6YmvIM_ZgSp8BB09WZgVsVYkBlCrK91HgkYyz357KbFOhDqIvE1vwvff9InXDF/s1600/2003_PAR_05052_0032_000%2528%2529.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="326" data-original-width="750" height="139" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg3GhKv2K3-EnQWR0RTRhB9OTpk76qaaKg4kSw2GiNVed0V3ukemRRcQUCTJ278xM5Bhp2PqA-zskMrpE6YmvIM_ZgSp8BB09WZgVsVYkBlCrK91HgkYyz357KbFOhDqIvE1vwvff9InXDF/s320/2003_PAR_05052_0032_000%2528%2529.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Olga Rozanova, <i>La guerre universelle</i>, 1916</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Il
est cependant remarquable que les œuvres de Miró des années
1920-1930 traduisent cette influence déterminante du Surréalisme
dans des formes très distinctes des principaux acteurs de ce
mouvement (André Masson, Salvador Dali, Max Ernst, René
Magritte...). À l'exception des grands tableaux de synthèse des
années 1920 (<i>Carnaval d'arlequin</i><span style="font-style: normal;">
et </span><i>Intérieurs hollandais</i><span style="font-style: normal;">)
qui rendent compte de proximités avec le foisonnement baroque des
compositions surréalistes, le dépouillement de toutes les autres
compositions de Miro dans les années 1920-1930 le rapproche bien
plus alors d'Henri Matisse — l'acquisition de </span><i>Lasso</i>
de 1927 par Georges Duthuit, gendre de Matisse et spécialiste de son
œuvre peut-être un indice de cette proximité <b>(5) </b>— et de l'abstraction. Si Miró a réduit sa palette chromatique en
s'astreignant à des formes et des tracés synthétiques, les
couleurs se déploient dans une plénitude et une intensité rares,
notamment dans les contrastes opérés entre des fonds monochromes —
parfois semblables aux bleus de Matisse dans ses grandes compositions
comme <i>La danse</i> de 1909
qui se trouve au MoMA à New York — et des formes volantes ou
ponctuantes, elles aussi intenses dans leur identité chromatique
même lorsque réduites à un simple point, à une tache ou à un
signe plus ou moins géométrique, anthropomorphique, animal, végétal
ou cosmique. Comme l'a pointé Jean-Louis Prat, ancien directeur de
la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, cette qualité et cette
intensité chromatique remarquables de l'œuvre picturale de Miró,
qui sera déterminante jusqu'à la fin de sa vie, tient bien à
l'influence du Fauvisme de Matisse, Derain et Vlaminck en Catalogne
dans les années 1910, sous l'impulsion de la revue <i>Nord-Sud</i><span style="font-style: normal;">
créée par le poète Pierre Reverdy et que lisaient et commentaient
artistes et poètes barcelonais pendant et après la Première Guerre
mondiale <b>(6)</b>.
</span>Ainsi, certains tableaux de 1927 comme <i>Peinture (L'Étoile
bleue)</i> apparaissent-ils
rétrospectivement aussi bien en résonance avec le Fauvisme d'Henri
Matisse, qu'avec l'abstraction de Vassily Kandinsky que Miró admirait, certains aspects du Suprématisme — notamment les
collages d'Olga Rozanova illustrant <i>La guerre universelle</i><span style="font-style: normal;">
du poète futuriste russe Alexis Kroutchonykh en 1916 — et les
collages abstraits « selon les lois du hasard du dadaïste Hans
Arp (1916-1917).</span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Cette
dimension abstraite de l'œuvre de Miró, qui se manifeste d'abord
dans la déclaration de l'espace du tableau qui semble coïncider
avec l'espace mental, imaginaire que l'artiste convoque demeurera un
élément déterminant et récurrent de son travail pictural jusqu'à
sa mort, à travers le développement de motifs symboliques comme
l'oiseau, l'étoile, la constellation ou le Cosmos. De très nombreux
liens pourraient être établis entre les <i style="font-style: normal;">Constellations </i>que Miró peignit durant la Deuxième Guerre mondiale, de par leur
caractère quasi <i style="font-style: normal;">all over</i> — c'est-à-dire le traitement de
la surface du tableau comme un champ uni par l'étoilement des lignes
des formes aux contrastes spatiaux réduits —, avec l'émergence,
précisément, du <i style="font-style: normal;">all over</i> dans la peinture de Pollock en
1944-1945. En retour, frappé par la spatialisation de la peinture
chez les jeunes expressionnistes abstraits américains qu'il a pu
apprécier lors de séjours à New York, Joan Miro radicalisa au
début des années 1960 son rapport pictural à l'espace dans
certains tableaux, tels <i style="font-style: normal;">Bleu I</i>, <i style="font-style: normal;">Bleu II</i> et <i style="font-style: normal;">Bleu III</i>
de 1961, conservés au Musée National d'Art Moderne, centre Pompidou
à Paris. Le vocabulaire formel de ses tableaux les plus dépouillés
des années 1920-1930 se déploie alors dans de vastes formats
jusqu'alors inédits dans son œuvre. De même, la liberté graphique
de sa peinture, à la fois destructrice des canons académiques et
des codifications rigoureuses de la peinture abstraite
constructiviste, concrète ou géométrique, inspirée tant par les
apports de l'écriture automatique surréaliste, les dessins
d'enfants, les « primitismes » non occidentaux (Afrique,
Océanie, Inuit...) et occidentaux (l'art roman catalan, l'art
pariétal préhistorique...), et par ce que Jean Dubuffet nomma Art
Brut <b>(7)</b>,
inspira grandement le développement de l'abstraction tachiste,
informelle ou matiériste après la Deuxième Guerre mondiale tant en
Europe (Antoni Tapies, Hans Hartung, Wols...) qu'aux États-Unis
(Jackson Pollock, Mark Rothko, Robert Motherwell, Adolph
Gottlieb...) <b>(8)</b></span><span style="font-size: medium;">.
Et cette liberté guidera Miró jusqu'à la fin de sa vie, comme en
témoigne par exemple son dessin au fusain, à la gouache et à
l'aquarelle de 1976, </span><i style="font-size: large; font-style: normal;">Personnages, étoiles</i><span style="font-size: medium;"> (coll. Fondation
Maeght, Saint-Paul de Vence).</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNuKJprPBMAdDvPAKpPKaqcLelOizTgGKU2fCa22gg3isVDSVUnAZAgi93cfROi2NaK351hn80tO1y0rBDXeptxJJTix-JscyLp29JDOroAywy0m0wqkR5fn5zK3K899HMdjvZHi8akhb8/s1600/R-6969156-1443854031-4265.jpeg.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="600" data-original-width="600" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgNuKJprPBMAdDvPAKpPKaqcLelOizTgGKU2fCa22gg3isVDSVUnAZAgi93cfROi2NaK351hn80tO1y0rBDXeptxJJTix-JscyLp29JDOroAywy0m0wqkR5fn5zK3K899HMdjvZHi8akhb8/s320/R-6969156-1443854031-4265.jpeg.jpg" width="320" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Cette
dimension abstraite de l'œuvre de Miró a aussi à voir avec son
approche poétique et musicale de la peinture et de son espace,
l'application de la couleur dans ses tableaux s'apparentant,
disait-il, à la mise en forme du poème par les mots et celle de la
musique par les notes, sur un mode intuitif et expérimental. Amateur
de musique traditionnelle autant qu'avant-gardiste (notamment la
musique dodécaphonique), Miró fut aussi une source d'inspiration
pour des musiciens et compositeurs de jazz parmi les plus
déterminants de la modernité (Dave Brubeck qui lui dédia Miró</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">'s
Reflections</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;"> dans son album de 1961, </span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Time Out, Time Further
Out's</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">, illustré en couverture d'une reproduction d'un tableau de
l'artiste catalan, et Duke Ellington qu'il rencontra à la Fondation
Maeght à Saint-Paul-de-Vence et qui lui dédia un morceau, </span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;"><i>Blues
for </i></span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;"><i>Miró</i>, en 1966 </span><b style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: large; text-align: left;">(9)</b><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">).
Plus récemment, deux figures importantes du jazz contemporain, le
saxophoniste Steve Lacy et le batteur Bobby Previte, ont composé des
hommages à Miró. Avec la chanteuse Irene Aebi, Steve Lacy a conçu
en 1999 pour la Fondation Joan Miró à Barcelone un concert et un
album intitulé </span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">The Joan Miro Fondation Concert</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;"> (1999), dans
lequel des compositions incluent des fragments de textes du
surréaliste Philippe Soupault et des dadaïstes Kurt Schwitters et
Francis Picabia, ainsi que des reprises et réinterprétations de
morceaux de Thelonious Monk (</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Misterioso</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">, </span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Evidence</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">,
</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Reflections</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">...), lesquels peuvent apparaître en effet comme
les plus proches de l'esprit à la fois enfantin, ludique, sériel et
expérimental de la peinture de Joan Miró. Quant à Bobby Previte, il
composa en 2001 une suite de vingt-trois courtes pièces musicales
pour onze musiciens, inspirées par les vingt-trois </span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">Constellations</span><span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;">
que Miró peignit durant la Deuxième Guerre mondiale, et marquées
tant par Stravinsky que par le dodécaphonisme de Schönberg.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626; font-family: Georgia, serif; font-size: medium; text-align: left;"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiLQvTSygKqK0ogkws5yaXP7yFRRMgjbX9Xctf07A_b5IP9vTJv57Jc6ox7kzm6N9Dh7PhQSEYGgl6E3qaGw10bK7lcYfqETxEJKIzqzfdU86AOY732kZvCsl9dotjX-1mRIqMdSxQkj0XN/s1600/hqdefault.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="360" data-original-width="480" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiLQvTSygKqK0ogkws5yaXP7yFRRMgjbX9Xctf07A_b5IP9vTJv57Jc6ox7kzm6N9Dh7PhQSEYGgl6E3qaGw10bK7lcYfqETxEJKIzqzfdU86AOY732kZvCsl9dotjX-1mRIqMdSxQkj0XN/s320/hqdefault.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Duke Ellington, <i>Blues for Miro</i>, Fondation Maeght,<br />Saint-Paul-de-Vence, 1966.</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Comme
le jazz et la musique contemporaine, la peinture de Miró intégra
très vite des éléments dissonants et destructeurs des harmonies
classiques en faisant place à sources rythmiques, des intervalles
qui ouvrent le temps et l'espace de la composition et des rapports
entre les notes et les instruments ou entre les formes et les
matériaux, libérant de nouvelles appréhension sensibles et saisies
qualitatives du temps et de l'espace, attentives à ce qui advient
dans l'accident et l'improvisation : « <i style="font-style: normal;">Jamais, jamais</i>,
dit Miró à Georges Charbonnier lors d'un entretien radiophonique de
1951, <i style="font-style: normal;">je n'utilise telle quelle une toile qui sort de chez le
marchand de couleurs. Je provoque des accidents, une forme, une tache
de couleur. N'importe quel accident est bon... C'est la matière qui
décide. Je prépare un fond en nettoyant par exemple mes brosses sur
la toile. Renverser un peu d'essence conviendrait tout aussi bien.
S'il s'agit d'un dessin, je froisse la feuille ; je la mouille.
L'eau qui coule trace une forme... Le tracé imposerait une suite...
Le peintre travaille comme le poète : le mot d'abord, la pensée
ensuite... J'attache beaucoup d'importance au choc initial » <b>(10)</b>.</i> À tout ceci s'ajoute l'usage de matériaux bruts par collages et
assemblages, dès les tableaux de la seconde moitié des années
1920, dans un contexte où, selon les mots d'Aragon, la peinture
était mise au défi par l'introduction d'objets, de fragments
d'objets ou d'images dans la peinture — voire par la substitution
de la peinture par les objets <b>(11)</b>.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicKhccvS5GJxrHPp1q_i3mS44MTHk03jQjlIgDnWBUl9m5joJuVQMiTeR0bnFCXFN4a8E29lVERRzf4jTsRD9uA3cbAcnSdMq1f4FRsdE2kWliLew21-1obVfV3dReCnF8d9_0KuLxniIL/s1600/joan-miro%25CC%2581-ubu-roi_-le-banquet.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="411" data-original-width="640" height="205" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEicKhccvS5GJxrHPp1q_i3mS44MTHk03jQjlIgDnWBUl9m5joJuVQMiTeR0bnFCXFN4a8E29lVERRzf4jTsRD9uA3cbAcnSdMq1f4FRsdE2kWliLew21-1obVfV3dReCnF8d9_0KuLxniIL/s320/joan-miro%25CC%2581-ubu-roi_-le-banquet.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Joan Miro, <i>Ubu Roi</i>. <i>Le banquet</i>, 1966</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Les
nombreuses sculptures que Miró réalisa après la Deuxième Guerre
mondiale sont quasiment toutes réalisées à partir d'assemblages de
matériaux recueillis par l'artiste. Même lorsque réalisées en
céramique ou en terre ou éditées en bronze, l'on perçoit les
objets qui ont présidé à leurs fabriques. C'est sans doute dans
les sculptures de Miró que l'on voit le plus l'influence qu'exerça
sur lui le Surréalisme et peut-être plus encore Alfred Jarry et la
Pataphysique. <i>L'équilibriste</i> de 1970, <i>L'échelle de
l'évasion</i> de 1973 et <i>Femme</i> de 1974 (toutes coll.
Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence) renvoient au traitement
onirique surréaliste des thèmes de la femme et de l'évasion,
tandis que son <i>Grand personnage</i> de 1956, <i>Tête et oiseau</i>
de 1967, <i>L'oiseau lunaire</i> de 1968, <i>Personnage </i>de 1972,
<i>Femme chien</i> de 1972 et plus explicitement sa <i>Mère Ubu</i>
de 1975 (toutes coll. Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence), font
subir aux figures un traitement grotesque digne des inventions des
figures et de l'univers ubuesque. Dès 1948, Miró a eu le projet avec
l'éditeur d'art Tériade de produire une édition illustrée d'<i><span style="text-decoration: none;">Ubu
Roi</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;">, pièce de théâtre
écrite par Jarry, représentée pour la première fois à Paris en
1896 et distinguée par Guillaume Apollinaire comme l'une des
meilleures pièces comiques de l'histoire du théâtre. Ce projet ne
vit finalement le jour qu'en 1966, avec treize lithographies au
chromatisme intense, suivi d'</span><i><span style="text-decoration: none;">Ubu
aux Baléares</span></i>, une
appropriation par Miró de la figure d'Ubu, propre à dénoncer de
façon grotesque et sarcastique les <i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">« Ubus
qui se vautrent l'été sur les plages »</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;">
à travers une écriture graphique simplifiée, combinant formes,
chiffres, signes et taches <b>(12)</b>.
La figure d'Ubu, dessinée et gravée initialement par Jarry, se
propose comme une forme très plastique, ouverte à toutes les
appropriations et tous les déplacements, d'autant que Jarry associa
cette figure à celle de la Pataphysique, pseudo science ou science
parodique qu'il inventa et présenta ainsi : </span><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">« La
pataphysique, qui s'étend aussi loin au-delà de la métaphysique
que la métaphysique au-delà de la physique, est la science des
solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les
propriétés des objets décrits par leur virtualité »<b> (13)</b>.</span></i></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;"><br /></span></i></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;"><br /></span></i></span></span></span></div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhm3qq_zrL0QU6M-iukXlx2VLMjccr5noxNrfcp1ycBI_dssySH1LwpQrDP_r6YgNjVwQ-Npbfyk_Fj-VJvjJKIl_92SqEyhmIFExuWtyv_Yd8n7L4u2Ao3LokKWMPuRH9xOJfJQxrGjpCQ/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2018-10-28+a%25CC%2580+18.16.21.png" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="600" data-original-width="774" height="155" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhm3qq_zrL0QU6M-iukXlx2VLMjccr5noxNrfcp1ycBI_dssySH1LwpQrDP_r6YgNjVwQ-Npbfyk_Fj-VJvjJKIl_92SqEyhmIFExuWtyv_Yd8n7L4u2Ao3LokKWMPuRH9xOJfJQxrGjpCQ/s200/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2018-10-28+a%25CC%2580+18.16.21.png" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Jacques Rouxel, <i>Les Shadoks</i>, 1968</td></tr>
</tbody></table>
<br /><table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuvefcx2NIDCNJLwZPtlxd5qZtA2pv1HVUd0PiMQcXmNtWzZlTV2J6u2zFpyR7XentoLEj9LGEu7zRYjo1lBkeEOzo3bx7wEyJWOAhkPzzzhW4S6jPY-1AewLVUqC7LjX92KZoD69Xf1nA/s1600/1000011124320008.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="788" data-original-width="1200" height="131" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhuvefcx2NIDCNJLwZPtlxd5qZtA2pv1HVUd0PiMQcXmNtWzZlTV2J6u2zFpyR7XentoLEj9LGEu7zRYjo1lBkeEOzo3bx7wEyJWOAhkPzzzhW4S6jPY-1AewLVUqC7LjX92KZoD69Xf1nA/s200/1000011124320008.jpg" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Joan Miro, <i>Ubu Roi. Les nobles à la trappe</i>, 1966</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"><br /></span></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; text-decoration: none;">Si
l'on ajoute que la Pataphysique se réfère au </span><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">« principe
d'équivalence »</span></i>
de tout et de son contraire, il apparaît alors que tout est possible
et concevable au-delà même de la métaphysique et, pour Miró dans
ses sculptures, que toute association d'objets et de formes <i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">a
priori</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"> sans rapport
peut prendre un certain sens dans le processus même d'assemblage et
d'ouverture de l'œuvre à son propre devenir, sur un mode tout de
même marqué principalement par l'esprit du grotesque, de la figure
qui cloche. Ainsi l'</span><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">Ubu</span></i>
en céramique que Miró réalisa pour le jardin de la Villa Natasha de
Tériade à Saint-Jean-Cap-Ferrat (aujourd'hui au musée Matisse, Le
Cateau-Cambrésis) s'apparente-t-il pour José Pierre à un
<i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">« rhinocéros de
poche, l'œil aux aguets » <b>(14)</b>,</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;"> et sa </span><i style="font-style: normal;"><span style="text-decoration: none;">Mère Ubu</span></i>
à une singulière otarie à chignon. Il est par ailleurs frappant de
constater que cette dimension plastique et grotesque de la forme
figurale inspirée par l'Ubu de Jarry ait beaucoup frappé des
artistes, et particulièrement des sculpteurs car outre Miró, Barry
Flanagan (<i><span style="text-decoration: none;">Ubu of
Arabia</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;">, 1976) ou Erik
Dietman (</span><i><span style="text-decoration: none;">L'ami de
personne</span></i><span style="font-style: normal; text-decoration: none;">, 1992-1999,
Jardin des Tuileries, Paris) en déclinèrent aussi des métamorphoses
possibles. </span></span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-decoration: none;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Cette
liberté prise avec les constituants de la peinture et de la
sculpture autant qu'avec l'esprit de sérieux et de système dans la
création renvoie à un mouvement profond de la modernité — un
certain anarchisme qui remit en cause les canons académiques mais
qui se défiait aussi des projections universalistes et utopistes,
nécessairement réifiantes et contraignantes, que portaient des
mouvements d'avant-gardes tel De Stijl ou le constructivisme. Ce
mouvement, et l'œuvre de Miro en particulier, imprégna non
seulement le monde des arts plastiques et de la musique mais la
culture Pop comme le manifesta en avril 1968 la diffusion du premier
épisode des <i>Shadoks</i> à la télévision française <b>(15)</b>.
Les Shadoks et Gibis, leurs planètes, mythologies, machines et
aventures absurdes, déconcertantes et formidablement drôles,
fondées sur des représentations pataphysiques du monde,
s'inspiraient directement dans leurs dessins des tableaux de Joan Miró. Et c'est ainsi que ces nouveaux « arlequins artificiers »
étendirent l'action émancipatrice des esprits de l'œuvre de Miro.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-decoration: none;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-decoration: none;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;">Tristan
Trémeau</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-decoration: none;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-decoration: none;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Georgia, serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTHIAPkQVzgGr-quVuD6CTjdQWowm4i6bOpoVoaYJqE72tMYHF8IK2ec7Qh8ei8cP9vvlsP63Ex3hJy23oZpdyOUvpkQoSNivF89K88qavE2Wlxo_oycjLdmOA1fIvkZcvTGxluCC_7TKR/s1600/catalogue___Fonds_He%25CC%2581le%25CC%2580ne___E%25CC%2581douard_Leclerc.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="379" data-original-width="679" height="178" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjTHIAPkQVzgGr-quVuD6CTjdQWowm4i6bOpoVoaYJqE72tMYHF8IK2ec7Qh8ei8cP9vvlsP63Ex3hJy23oZpdyOUvpkQoSNivF89K88qavE2Wlxo_oycjLdmOA1fIvkZcvTGxluCC_7TKR/s320/catalogue___Fonds_He%25CC%2581le%25CC%2580ne___E%25CC%2581douard_Leclerc.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><br /></span></div>
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><br /></span></div>
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><b>(1) </b>La
pataphysique est présentée par Alfred Jarry comme la « science
des solutions imaginaires » dans <i>Gestes et opinions du
docteur Faustroll, pataphysicien</i><span style="font-style: normal;">,
roman achevé en 1898, qui fut dès sa parution en 1911 un livre
fétiche pour de nombreux artistes et poètes d'avant-garde en
France.</span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><b>(2) </b>Cf.
le livre de Ozenfant et Jeanneret (Le Corbusier), <i>Après le
cubisme</i><span style="font-style: normal;"> (éd. des Commentaires,
Paris, 1918), où apparaît pour la première fois la notion de
Purisme. Ils préciseront leurs positions dans un article, « Le
purisme », paru dans le numéro 4 de </span><i>L'esprit
Nouveau</i><span style="font-style: normal;"> en 1920 à Paris
(pp.369-386).</span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><b>(3) </b>Cf.
Albert Gleizes et Jean Metzinger, <i>Du Cubisme</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, Figuière, 1912 ; Albert Gleizes,</span> <i>La Peinture
et ses lois, ce qui devait sortir du Cubisme</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, 1924.</span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote4">
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><b>(4)<i> </i></b><span style="font-style: normal;">Le
Suprématisme est né à Saint-Petersbourg en 1915 lors de
l'exposition </span><i>0,10. Dernière exposition </i><span style="font-style: normal;">futuriste,
à l'initiative de Kazimir Malévitch qui publia à cette occasion
un essai manifeste, </span><i>Du Cubisme et du Futurisme au
Suprématisme</i><span style="font-style: normal;">. De ce manifeste
à la création du groupe Ounovis (« Pour le Nouveau dans
l'Art ») à Vitebsk en 1919, Malévitch réunit autour de lui
des artistes porteurs d'un projet de transformation du Monde uni par
le style suprématiste. De</span><i> Stijl</i><span style="font-style: normal;">
(Le Style, en néerlandais) fut d'abord une revue d'architecture et
d'arts plastiques, éditée de 1917 à 1928, laquelle réunit des
peintres et des architectes belges, hollandais et français
promoteurs d'une conception « néo-plastique » de l'art,
de l'habitat et de l'urbanisme, développant une conception
esthétique et sociale utopique à ambition universelle. Piet
Mondrian, Theo van Doesburg, Gerrit Rietveld, Georges Vantongerloo,
Bart van der Leck, Felix del Marle en furent les principaux acteurs.</span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote5">
<div class="sdfootnote">
<span style="font-size: x-small;"><b>(5) </b>Par
ailleurs, Joan Miro fut représenté dès les années 1930 aux
États-Unis par la Pierre Matisse Gallery à New-York, créée par
le plus jeune fils d'Henri Matisse.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote6">
<div align="LEFT" class="sdfootnote" style="margin-bottom: 0.04cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: x-small;"><span style="color: black;"><b>(6) </b>Jean-
Louis Prat, </span><span style="color: black;"><i>Joan Miró,
rétrospective de l'œuvre peint</i></span><span style="color: black;"><span style="font-style: normal;">,
Saint-Paul-de-Vence, Fondation Maeght, 1990.</span></span></span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote7">
<div class="sdfootnote">
<b>(7) </b>La
Compagnie de l'art brut fut créée par Jean Dubuffet en 1948 à
Paris. André Breton en fit partie, de même que Jean Paulhan,
écrivain et éditeur proche des cubistes.</div>
</div>
<div id="sdfootnote8">
<div class="sdfootnote">
<b>(8) </b>Cf
le catalogue de l'exposition <i>Blast : Foyer et Explosion :
Surréalisme Européen, Expressionnisme Abstrait Américain</i><span style="font-style: normal;">,
Villeneuve d'Ascq, Musée d'art moderne, 1989.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote9">
<div class="sdfootnote">
<b>(9) </b>Une
vidéo de la rencontre de Joan Miró et Duke Ellington à la
Fondation Maeght en 1966 et de l'hommage musicale du premier au
second est visible sur le site Youtube sous le titre <i>Duke
Ellington — The Shepherd (Who Watches Over The Night Flock)</i><span style="font-style: normal;">.
Il est à ce titre important de se souvenir qu'à la Fondation
Maeght, dans laquelle Miro fut si impliqué dès le début, des
concerts exceptionnels et déterminants dans l'histoire du free
jazz, édités en albums, eurent lieu au début des années 1970
(Albert Ayler et Sun Ra).</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote10">
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: #262626;"><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: x-small;"><b>(10) </b>Cité dans Jacques Lassaigne, <i>Miró</i>, Lausanne, Skira, coll.
« Le goût de notre temps », 1963, pp.46-48.</span></span></span></div>
</div>
<div id="sdfootnote11">
<div class="sdfootnote">
<b>(11) </b>Louis
Aragon, « La peinture au défi », essai publié dans le
catalogue d'une exposition de collages à la Galerie Goemans à
Paris en 1930. Repris dans Louis Aragon, <i>Les collages</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, Hermann, 1965, pp.35-71.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote12">
<div class="sdfootnote">
<b>(12)<i> </i></b><i>L'enfance
d'Ubu</i><span style="font-style: normal;"> fut en 1975 le troisième
volume édité par Tériade sur la geste d'Ubu selon Miro.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote13">
<div class="sdfootnote">
<b>(13) </b>Alfred
Jarry, <i>Gestes et opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien</i><span style="font-style: normal;">
(1898), Paris, La Découverte, 2010.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote14">
<div class="sdfootnote">
<b>(14) </b>In
catalogue de l'exposition <i><span style="font-size: 13.3333px;">Miró</span> & Tériade. L'aventure d'Ubu</i><span style="font-style: normal;">,
Musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis, 2009.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote15">
<div class="sdfootnote">
<b>(15) </b>Créée
par Jacques Rouxel pour la télévision publique française, la
série des Shadoks connut 208 épisodes en quatre saisons, de 1968 à
1973 puis en 2000.</div>
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-38894469730797160382018-07-31T13:59:00.001-07:002018-07-31T13:59:59.723-07:00Herzl. Une histoire européenne (L'art même, 2018)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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</style>
<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Mon dernier article, paru dans </span><i>L'art même </i>n°76, été 2018, à propos du roman graphique <i>Herzl. Une histoire européenne</i>, de Camille de Toledo et Alexandre Pavlenko.</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiz9w6FeyyUzlMVlW51CwOxVioZIHa1GZSiHawMUjsASyq-xS6FIYuDnTvpGgNeOXjFdwdOac8-Bl-f_SsCQ_rF7dxV0YZ_S57eHnDuQ-b0TwDwDFaH6ZAXE-asDi106GQnZtAkSLtvLgsK/s1600/Nume%25CC%2581riser.jpeg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1147" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiz9w6FeyyUzlMVlW51CwOxVioZIHa1GZSiHawMUjsASyq-xS6FIYuDnTvpGgNeOXjFdwdOac8-Bl-f_SsCQ_rF7dxV0YZ_S57eHnDuQ-b0TwDwDFaH6ZAXE-asDi106GQnZtAkSLtvLgsK/s320/Nume%25CC%2581riser.jpeg" width="229" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b>UNE
HISTOIRE EUROPÉENNE</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<i>« Faut-il que je
me résigne, moi, à ce destin-là, celui de la fierté et de la
force ? Faut-il que je m'en remette à lui et à l'héritage
qu'il a laissé ? Dois-je à mon tour me rendre à ce mythe, à
ce vieux récit de la foi et de l'appartenance, de la rédemption et
de l'avenir ? Devrais-je dire, ma sœur, que j'habite ici ou là
et que tel est le nom de ma ville, de ma terre, de ma nation ?
N'est-ce pas le voyage et le sens de l'exil et l'inquiétude, et le
fragile de la vie qui font de nous des Juifs ? »</i><span style="font-style: normal;">.
</span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Ainsi
s'interroge dans son testament, vers la fin du long et beau roman
graphique </span><i>Herzl, une histoire européenne</i><span style="font-style: normal;">,
le narrateur, Ilia Brodsky, né enfant des shtetls russes et des
pogroms de la zone de résidence qui s'étendait de la Baltique à la
Mer Noire. Orphelin longtemps muet, couvé par sa grande sœur lors
de leur exil à Vienne puis à Londres, fuyant les persécutions,
l'antisémitisme systémique (l'élection de l'antisémite </span><span style="color: black;"><span style="font-family: Georgia;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Karl
Lueger à la mairie de Vienne en 1897 sonna comme une alerte pour
tous les juifs, y compris « intégrés » comme le
journaliste et dramaturge Theodor Herzl, fondateur du mouvement
sioniste lors du Congrès de Bâle la même année), Brodsky incarne
ici les « invisibilisés », pour reprendre les termes de
Camille de Toledo </span><b>(1)</b>,
c'est-à-dire celles et ceux qui ont subi, mais fait aussi de l'exil,
de l'apatridie, leur lieu d'existence, sans céder à la promesse
d'une terre et au mythe de l'appartenance nationale, qu'elle soit
laïque ou unie par la foi, tel qu'Herzl en porta le projet jusqu'à
sa mort en 1904, et tel qu'il fut poursuivi par ses proches comme le
médecin et écrivain Max Nordau, autre personnage important du
roman, jusqu'à la création de l'état d'Israël en 1948. </span></span></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">À
travers le personnage d'Ilia Brodsky, devenu photographe et dans
lequel il est difficile de ne pas entendre et voir Camille de Toledo
quand le connaît (les traits qu'Alexander Pavlenko dessine d'Ilia
enfant renvoient à ceux de Camille enfant, de même que sa
casquette), quand on a lu ses autres livres (</span><i>Le hêtre et
le bouleau. Essai sur la tristesse européenne</i><span style="font-style: normal;">,
</span><i>Oublier trahir puis disparaître</i><span style="font-style: normal;">
et les premiers chapitres du </span><i>Livre de la faim et de la
soif <b>(2)</b></i><span style="font-style: normal;">),
quand on partage avec lui une même empathie, voire un même mythe et
modèle d'existence exilée, apatride et métèque, inspiré par les
vécus de juifs mittleuropéens au cœur de la modernité européenne,
l'auteur oppose cette « petite vie » à celle du « grand
homme ». Mais cette opposition ne sert pas ici une dénonciation
du projet sioniste, plutôt une tentative de compréhension de ce qui
a pu motiver celui-ci, de la part d'un bourgeois inquiet et inquiété
par le fait que même lui et ses semblables de classe puissent être
sujets, encore et toujours, de discrimination et de stigmatisation.
Au-delà, Camille de Toledo interroge pour hier comme pour
aujourd'hui la puissance des motifs de l'appel à la nation, au foyer
et à l'appartenance communautaire. Empruntant à la forme classique
du </span><i>Bildungsroman</i><span style="font-style: normal;"> (le
roman de formation), il essaie de traduire ce qui, dans le vécu
particulier d'Herzl, le conduisit à la production de ce projet de
terre pour les juifs, de la même façon qu'il traduit les raisons
pour lesquelles Brodsky n'y céda pas. Le testament du narrateur, qui
ponctue le roman graphique, porte quant à lui toutes les
interrogations de l'auteur sur la nécessité de penser et de vivre
l'Europe sur un mode archipélique (au sens d'Édouard Glissant),
transnational, depuis l'exil et la fragilité des existences, comme
positivités et puissances d'émancipation face aux velléités de
replis nationaux et aux rejets de la mixité, en prenant pour modèle
les mondes juifs européens de l'époque moderne, avant que ne se
réalise le projet d'Herzl, 44 ans après sa mort. De nouveau, ce
roman graphique renvoie à d'autres démarches de Camille de Toledo
comme son projet artistique </span><i>EUROPA/EUTOPIA</i><span style="font-style: normal;">
à la Spinnerei à Leipzig (2015) et la plateforme Mittleuropa <b>(3)</b>,
où l'exil et l'archipel sont des motifs récurrents à éprouver
comme à penser et à discuter. Surtout au moment où de nouveaux
exilés et réfugiés traversent les mêmes territoires, les mêmes
forêts, les mêmes champs, et sont confrontés à de semblables
discriminations et coercitions que les exilés juifs de la modernité.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Le
tout est porté dans </span><i>Herzl</i><span style="font-style: normal;">
par le dessin et la dramaturgie graphique d'Alexander Pavlenko,
artiste et historien russe vivant en Allemagne, inspiré par
l'histoire de l'illustration mittleuropéenne (je pense notamment aux
dessins d'avant 1914 de Marc Chagall, qui par ailleurs nourrit les
visions oniriques des premiers chapitres du </span><i>Livre de la
faim et de la soif</i><span style="font-style: normal;">) et
traduisant de façon juste les ambiances et lieux traversés. En plus
d'un </span><i>Bildungsroman,</i><span style="font-style: normal;">
cette « histoire européenne » fait œuvre de production
d'histoire, laquelle devrait nourrir une traduction plus complexe et
précise de la modernité européenne, et de transmission ouverte,
singulière et nécessaire de cette traduction à toutes générations,
renforcée par les qualités propres au roman graphique.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b>Tristan
Trémeau</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b>(1) </b><a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20180418.OBS5408/70-ans-d-israel-que-reste-t-il-de-l-ideal-d-herzl-le-pere-du-sionisme.html" style="font-size: small; font-weight: normal; text-align: left;">https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20180418.OBS5408/70-ans-d-israel-que-reste-t-il-de-l-ideal-d-herzl-le-pere-du-sionisme.html</a></div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote">
<b>(2) </b>Respectivement
paru en 2009 (Seuil), 2014 (Seuil) et 2017 (Gallimard).</div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<div class="sdfootnote">
<b>(3)<a href="http://www.mitteleuropa.me/"> http://www.mitteleuropa.me/</a></b></div>
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-74253988593261582392018-07-31T13:47:00.002-07:002018-08-01T00:56:09.927-07:00Mai 68. Quel héritage ? (L'art même, 2018)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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<!--
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</style>
</div>
Voici un de mes derniers articles, paru dans <i>L'art même</i> n°76, été 2018, au sujet d'héritages de Mai 68 dans le champ de l'art contemporain et en résonance avec les mouvements sociaux actuels. Ce numéro de l'art même est téléchargeable en pdf à ce lien :<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="http://www.lartmeme.cfwb.be/no076/documents/AM76.pdf">http://www.lartmeme.cfwb.be/no076/documents/AM76.pdf</a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>MAI 68. QUEL
HÉRITAGE ?</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b>Au-delà des
commémorations, se pose la question de l'héritage, de ce que l'on
peut identifier comme héritage de Mai 68 dans le champ de l'art
contemporain et en résonance avec les mouvements sociaux récents.</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Un héritage, cela peut
se refuser ou être trahi. Celui de Mai 68 n'a rien d'évident si
l'on en croit, dès les années 1980 (ce qui correspondait peu ou
prou à l'écart d'une génération), l'irritation qu'ont pu
provoquer des trahisons d'idéaux de Mai par certains de leurs
acteurs. Cela est particulièrement frappant en France<span style="font-style: normal;">,
le pays où les « événements de mai » furent les plus
puissants et impressionnants quantitativement à travers les grèves
étudiantes et ouvrières, mais aussi dans de nombreux domaines
d'activités parfois inattendus (il y eut même une grève de
footballeurs professionnels). Les reniements et repentances d'anciens
soixante-huitards, qu'ils furent réellement actifs ou non durant les
« événements de mai »<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(1)</b></span>,
alimentèrent un rejet critique de mai 68 et de ses héritages. Était
d'abord dénoncé le sectarisme autoritaire, voire totalitaire, des
groupuscules maoïstes (UJC-ml, Gauche prolétarienne, NRP, VLR...<span style="font-size: 13.3333px;"><b>(2)</b></span>)
et des mouvements trotskystes (LCR et OCI<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(3)</b></span>).
Stigmatisés dès 1986 par Guy Hocquenghem, un des fondateurs du
Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR), dans sa </span><i>Lettre
ouverte à ceux qui sont passés du col mao au </i><span style="font-style: normal;">rotary,
les parcours d'André Glucksmann (de la défense de la Révolution
culturelle chinoise à l'anti totalitarisme des nouveaux
philosophes), de Serge July et du quotidien </span><i>Libération</i><span style="font-style: normal;">
(qui publia en 1984 un supplément « Vive la crise ! »
consacré à une éloge de l'austérité et du libéralisme
économique), de Bernard Kouchner (du Comité Vietnam national à un
ministère sous Nicolas Sarkozy, lequel avait appelé à « liquider
l'héritage de mai 68 »), de Roland Castro (de </span><i>La
cause du peuple</i><span style="font-style: normal;"> au soutien à
Emmanuel Macron), ou encore de Romain Goupil (des comités d'action
lycéens au néo-conservateur Cercle de l'Oratoire), accaparent
depuis presque quarante ans l'attention médiatique sur les
reniements et repentirs de ces personnages. Au point d'assimiler pour
beaucoup les héritages de Mai 68 à ces trahisons guidées par
l'opportunisme et </span><i>« l'exhibitionnisme médiatique »<span style="font-size: 13.3333px;"><b> (4)</b></span></i><span style="font-style: normal;">,
et de nourrir du ressentiment vis-à-vis des </span><i>baby-boomers </i><span style="font-style: normal;">à
qui tout aurait profité<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(5)</b></span>.
Les soixante-huitards prendraient trop de place et n'en laisseraient
pas aux plus jeunes, privant et déshéritant leurs enfants de tout
accès à la reconnaissance sociale, enfonçant le clou pour la
« génération X » (la génération née dans les années
1960-70), destinée à vivre de nouvelles formes de précarité. </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgKqYWnjbmVlF1ZmMcePRqey7hBcz0dCjGItLxoq9Df-vWo3Fym-MxaRwGpdaIj36_cXfdx_RZYjCgKqObKOkw6QwlTeCfcH-CqLd4oEwBb_o7fOPMVN6V_OB6cSSBqXQEdaCTcXe-5YjJG/s1600/expo+Beaux-arts+Paris.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="640" data-original-width="1279" height="198" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgKqYWnjbmVlF1ZmMcePRqey7hBcz0dCjGItLxoq9Df-vWo3Fym-MxaRwGpdaIj36_cXfdx_RZYjCgKqObKOkw6QwlTeCfcH-CqLd4oEwBb_o7fOPMVN6V_OB6cSSBqXQEdaCTcXe-5YjJG/s400/expo+Beaux-arts+Paris.jpg" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Affiches produites par l'Atelier populaire aux Beaux-Arts<br />
de Paris en 1968. Vue de l'exposition <i>Images en lutte. La<br />culture visuelle de l'extrême-gauche en France (1968-1974)</i>,<br />
Palais des Beaux-Arts, Paris, 21 février-20 mai 2018.</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">Cette
perception négative des héritages de Mai 68 se renforça aussi des
mémoires désabusées d'acteurs médiatiques ou non de cette
génération qui, la révolution rêvée ayant échoué, se sont
finalement soumis au capitalisme par fatalisme et réalisme, cédant
dans les années 1980 au </span><i style="text-align: left;">« rire cynique »</i><span style="text-align: left;">
et faisant de </span><i style="text-align: left;">La société du Spectacle</i><span style="text-align: left;">
de Guy Debord, non plus un manuel de contestation mais un guide
d'orientation dans les flux du capitalisme globalisé, comme a pu
l'écrire Camille de Toledo dans son premier livre paru en 2002,
</span><i style="text-align: left;">Archimondain jolipunk<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(6)</b></span></i><span style="text-align: left;">.
Dès lors, dans les téléfilms, films comiques, romans de société
et bandes dessinées, pouvait se mettre en place des représentations
récurrentes d'ex-soixante-huitards devenus publicitaires,
lobbyistes, manageurs, producteurs de télé ou animateurs de
talk-shows, déjà bourgeois et bohèmes, libéraux et libertaires,
confondants de conformisme, de snobisme et d'opportunisme. Et quand
des soixante-huitards perduraient dans leurs convictions et modes de
vie, ils étaient renvoyés à à une position de </span><i style="text-align: left;">has been</i><span style="text-align: left;">,
moches et attardés dans leurs frusques sans distinction (« on
en est revenu », « vous n'êtes plus adaptés aux
mutations de la société ») par leurs fils devenus cadres
supérieurs ou traders, tous bâtis sur le modèle de Tom Cruise ou
de Jeff Koons, acteur et artiste émergents et significatifs d'un
changement d'époque<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(7)</b></span>.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhVR85lFzGLsoBviu3wdIP8j2cBdPwsZvTBtzNQFzbK1ODiBsU5nN0z80PnDg0diayoQuaB6yRoGHI9IVjgqIAjvWwjCduGUcLz4AIXRVxXBSwwI4aU4WhS7czqjgnVA1WU9Kv5-wugpuxY/s1600/KristinRoss.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1363" data-original-width="1000" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhVR85lFzGLsoBviu3wdIP8j2cBdPwsZvTBtzNQFzbK1ODiBsU5nN0z80PnDg0diayoQuaB6yRoGHI9IVjgqIAjvWwjCduGUcLz4AIXRVxXBSwwI4aU4WhS7czqjgnVA1WU9Kv5-wugpuxY/s320/KristinRoss.jpg" width="234" /></a>Les années 1980 furent
un moment déterminant du traitement de l'héritage de Mai 68, au
point que l'interprétation désormais dominante des effets des
« événements de Mai » est celle d'une « révolution
culturelle » qui aurait permis aux sociétés occidentales de
s'adapter aux évolutions du capitalisme en prônant la liberté et
le bonheur individuels comme valeur, en favorisant la liberté
créative et entrepreneuriale, propre à satisfaire les attentes de
flexibilité, d'adaptabilité, de consommation et de flux. Cette
appropriation de Mai 68 par le libéralisme ne peut s'opérer qu'à
condition de valoriser les libertés individuelles, sur la base de la
récurrence du mot liberté et des appels à la libération des
individus et des modes de vie dans des slogans de 68, et de négliger,
voire d'occulter « l'aspiration à l'égalité » et les
pratiques associatives et coopératives (comités d'action et autres
formes) qui se développèrent dans le même temps dans les
mouvements sociaux, que ce soit dans les universités, les usines,
les écoles, les hôpitaux, les quartiers, les villages, des
pratiques qui associaient des acteurs et actrices de différents
groupes, domaines, classes et situations afin de combiner toutes les
luttes possibles et de les porter collectivement. Cet aspect
fondamental de Mai 68, que Kristin Ross a mis en avant dans <i>Mai 68
et ses vies ultérieures<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(8)</b></span></i><span style="font-style: normal;">,
résiste évidemment à l'appropriation libérale, qui d'ailleurs
l'évacue complètement, et elle est aussi occultée des
représentations médiatiques les plus diffusées, car moins
spectaculaire et photogénique que les moments de manifestations et
de confrontations entre manifestants et forces de l'ordre. Pour se
faire une idée de ces comités d'actions, de ces discussions et de
ces pratiques, il faut trouver les moyens de voir des films militants
réalisés à l'époque, sur le terrain, par différents collectifs
(notamment </span><i>Ce n'est qu'un début</i><span style="font-style: normal;">,
</span><i>Mikono</i><span style="font-style: normal;">, </span><i>Le
droit à la grève et CA13, Comité d'action du treizième</i><span style="font-style: normal;">
du Collectif ARC, ou </span><i>Un film comme les autres</i><span style="font-style: normal;">
du Groupe Dziga Vertov), ce qu'Internet permet désormais en partie. </span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi5SdJO6cuVnyhTXCGfx8t_kgugOlRz6-y8WCHhlsun_fhHkB1sC1s7jkU-Q56vQcAJrv9YP1l5fWzYwSyc5QzVivkbUdEJQy3E8ZQnR3YrYdO6kF7SIizEDeZOknk4R1R0C1-jaffDO6Kq/s1600/Roussopoulos-photogramme-Y%2527a+qu%2527a%25CC%2580+pas+baiser1973.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1114" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEi5SdJO6cuVnyhTXCGfx8t_kgugOlRz6-y8WCHhlsun_fhHkB1sC1s7jkU-Q56vQcAJrv9YP1l5fWzYwSyc5QzVivkbUdEJQy3E8ZQnR3YrYdO6kF7SIizEDeZOknk4R1R0C1-jaffDO6Kq/s320/Roussopoulos-photogramme-Y%2527a+qu%2527a%25CC%2580+pas+baiser1973.jpg" width="222" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Photogramme extrait du film<br />
<i>Y'à qu'à pas baiser</i> de Carole<br />
Roussopoulos, 1973.</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">Reconsidérer
cela aujourd'hui est nécessaire, notamment parce que des événements
récents comme le Printemps arabe en 2010-2011 (Tunisie, Égypte,
Lybie...), le Mouvement espagnol des indignés parti de la Puerta del
Sol à Madrid en mai 2011, </span><i style="text-align: left;">Occupy Wall Street</i><span style="text-align: left;">
parti de New York en septembre 2011 et s'étendant à 70 grandes
métropoles, les manifestations Place Syntagma à Athènes en 2014,
ou encore Nuit Debout commencé Place de la République à Paris en
2016, ont réactivé des pratiques de démocratie directe et
participative, et développé des réunions inclusives comme non
mixtes comme intersectionnelles, le tout pour lutter contre des
régimes totalitaires dans les pays arabes, et contre les politiques
d'austérité, l'ultra-libéralisme économique et les répressions
policières dans les pays occidentaux. Il fut frappant de percevoir
les effets de résonances et d'empathie entre ces différents
mouvements arabes et occidentaux depuis 2010, à une échelle
relativement semblable à celle de 68 dans le Monde. En effet,
souvenons-nous qu'en 1968 manifester à Paris n'était pas seulement
un enjeu local mais faisait écho et complétait d'autres
manifestations : mouvements de contestation en Allemagne de
l'Ouest (avec la tentative d'assassinat d'un de ses leaders, Rudi
Dutschke), répression soviétique du Printemps de Prague, émeutes
suite à l'assassinat de Martin Luther King à Memphis,
manifestations contre la guerre au Viêt Nam, mouvement des Black
Panthers, manifestations réprimées dans la violence à Mexico...</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Dans
les cas des Indignés, d'Occupy et de Nuit Debout, il fut aussi
frappant de constater l'importance accordée au principe
d'intersectionnalité des luttes (des travailleurs, des étudiants,
des femmes, des personnes racisées, des LGBTQI, pour le droit au
logement et l'accueil des réfugiés...), comme à ce que les prises
de paroles dans les groupes de discussions soient faites de la façon
la plus respectueuse de la diversité des participant.e.s, et en
premier lieu des femmes — ce qui permit à celles et ceux qui se
souvenaient que Mai 68 avait principalement vu des hommes prendre la
parole publique et que les femmes étaient souvent reléguées au
rang de subalternes dans les luttes, de saluer cette avancée dans
les générations plus jeunes, de même que celle de la visibilité
des personnes racisées. Enfin, il était remarquable de constater
qu'à l'instar des assemblées générales et comités d'action de
Mai 68, ces réunions des années 2010 témoignaient d'apports
théoriques considérables nécessaires à la clairvoyance politique,
de Noam Chomsky et Naomi Klein à Judith Butler, Jacques Rancière et
Donna Haraway. Un remède à la mélancolie de gauche, comme a pu
l'écrire la critique d'art anglaise Claire Bishop à propos du livre
</span><i>Strike Art. Contemporary Art and the Post-Occupy Condition</i><span style="font-style: normal;">
de l'historien de l'art états-unien Yates McKee, qui participa
activement au mouvement Occupy et qui tente dans cet essai d'en tirer
des leçons pour le retrait nécessaire des artistes du système
marchand de l'art contemporain considéré comme désormais
totalement inféodé aux 1% qui détiennent toutes les richesses du
Monde, et pour des formes renouvelées d'art engagé dans les luttes,
d'Occupy à Black Lives Matter<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(9)</b></span>.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">La
place de l'art dans ces mouvements s'avéra principalement assez
semblable à celle qu'il occupa en 68, notamment à travers des
affiches produites par des artistes pour rendre public slogans et
revendications des manifestants, entre art contemporain, citation
d'affiches d'agit'prop et culture pop détournée, aux côtés de
formes inspirées par ce qui fut appelé esthétique relationnelle
dans les années 1990 ou encore par Thomas Hirschhorn (espaces de
discussions, de partages de documents et d'informations...), mais
cette fois inscrits non pas dans des galeries, des centres d'art, des
biennales ou des musées mais dans les espaces mêmes des
rassemblements. La nouveauté réside dans les préoccupations
économiques manifestées par des jeunes artistes au sein du
mouvement Occupy, au regard de leurs propres situations d'endettés.
C'est le cas du groupe Occupy Museums, issu du mouvement Occupy et
qui lors de la Biennale du Whitney de 2016, a appelé les artistes à
partager leurs expériences de la dette due à des études d'art très
onéreuses dans les universités états-uniennes (on sait que c'est
un problème endémiques aux USA, plombant les finances de nombreux
citoyens jusqu'à leurs pensions et produisant une série entropique
d'endettements). Comme l'a montré Maurizio Lazzarato dans </span><i>Gouverner
par la dette</i><span style="font-style: normal;">, dans le système
capitaliste, la dette « n'est pas d'abord une affaire
comptable, une relation économique, mais un rapport politique
d'assujettissement et d'asservissement. Elle devient infinie,
inexpiable, impayable, et sert à discipliner les populations, à
imposer des réformes structurelles, à justifier des tours de vis
autoritaires, voire à suspendre la démocratie au profit de
« gouvernements techniques » subordonnés aux intérêts
du capital »<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(10)</b></span>.
Dans le cas des artistes, soulève Occupy Museums, l'horizon est
d'entrer dans le marché hyper compétitif de l'art contemporain,
soutenu par des logiques d'investissement de la part d'acteurs qui
monopolisent les richesses dans tous les domaines, donc à craindre
ou refuser une servilité, un assujettissement à l'efficacité
productive et esthétique. D'où l'idée soutenue par Yates McKee
d'une grève, et celle d'Occupy Museums de manifester publiquement
les conditions économiques des artistes endettés.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgSqnnWy5IlFubX4-yLJwry22cCiIgfoysoo7QV74K4h9gyrLNL8SoqJF8_GYLM9klRgZjp9oZAfnD3YIap4A8f3N8t3LDp7YgiYjCzBqQQ9Tf4_Nbbo5J-pONalByY99JiRO4jg1GgbIs8/s1600/debtfair1.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="717" data-original-width="1600" height="179" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgSqnnWy5IlFubX4-yLJwry22cCiIgfoysoo7QV74K4h9gyrLNL8SoqJF8_GYLM9klRgZjp9oZAfnD3YIap4A8f3N8t3LDp7YgiYjCzBqQQ9Tf4_Nbbo5J-pONalByY99JiRO4jg1GgbIs8/s400/debtfair1.png" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Vue de l'exposition <i>Debt Fair</i> d'Occupy Museum,<br />
Art League, Houston, 2015.</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;">Ces
positions sont intéressantes à souligner, au-delà des éventuelles
ambiguïtés récurrentes dès que se manifestent des positions
contestataires au sein des institutions légitimantes (ici la
Biennale du Whitney), si on les met en confrontation avec l'idée
selon laquelle les artistes et l'art seraient des postes avancés des
évolutions du capitalisme. Ceci est un autre aspect important des
interprétations dominantes des effets de Mai 68. Pour reprendre les
termes de Luc Boltanski et Ève Chiapello dans </span><i style="text-align: left;">Le nouvel
esprit du capitalisme</i><span style="text-align: left;">, la
« critique artiste », que les sociologues identifient à
Mai 68 comme moment de condensation de pratiques et intensités en
germes dans les néo-avant-gardes des années 1950-60, aurait été
récupérée par les nouvelles générations de managers afin de
promouvoir des formes nouvelles de travail, plus créatives et
flexibles, dans les entreprises. Cette vision n'est pas très
éloignée de ce qu'avait pu déjà constater un des fondateurs des
Cultural Studies, Raymond Williams, quand il expliquait que les
cultures contestataires (l'avant-garde) faisaient bouger les formes
et les modes de vies des classes dominantes, depuis le XIXème siècle
et ce à tout point de vue. Non seulement des formes nouvelles de
l'art mais des formes de vie : les artistes comme les écrivains
modernistes et d'avant-garde étaient bien plus libéraux au niveau
des mœurs et des rythmes de vie et l'assumaient bien plus que la
bourgeoisie d'où ils provenaient pour la plupart<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(11)</b></span>.
Selon Williams, au regard des évolutions des sociétés
occidentales, les classes dominantes intégrèrent progressivement ce
qui était désirable, car plus libre, dans les formes de vie
artistes. De même, quand la sociologue états-unienne Sharon Zukin
inventa la notion de « mode de production artiste » en
1982 pour comprendre l'appropriation par les classes dominantes des
modes de vie artistes (en l'occurrence le loft), elle conforta cette
vision<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(12)</b></span>.
Il y aurait donc quelque chose de l'ordre d'une fatalité à ce que
les artistes, y compris dans leurs implications contestataires voire
révolutionnaires, inspirent des ajustements et déplacements de ce
qu'ils et elles contestent, voire aspirent à renverser. De fait,
c'est une des puissances remarquables du capitalisme que de récupérer
et de limiter ce qui le conteste, et comme les artistes ont des vies
aventureuses et délicates financièrement (n'oublions pas qu'ils
travaillent en majorité à perte et dans des conditions frugales,
comme le rappelle Gregory Sholette dans </span><i style="text-align: left;">Dark Matter<span style="font-size: 13.3333px;"> <b>(13)</b></span></i><span style="text-align: left;">)
il seraient potentiellement plus corruptibles par les puissances de
l'argent autant que modèles de la précarité endettée libérale
pour les nouvelles formes de management par la mise en concurrence
des sujets, au détriment des solidarités.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
Or,
c'est sur ce point que le bât blesse aujourd'hui vivement, au-delà
de ce dont témoignent le livre de Yates McKee et le <i>Debtfair
Project</i> d'Occupy Museums : pèse aujourd'hui sur beaucoup
d'artistes un sentiment de culpabilité sociale au regard de leur
position d'agents doubles récupérés par les puissants, toutefois
modéré en raison de leurs situations de plus en plus précaires et
soumises, comme tout un chacun non détenteur de capital et
n'appartenant pas aux 1% qui détiennent les richesses planétaires,
aux pressions de la dette et de la production rentable et efficace.
Inventer de nouvelles formes de collectifs, solidaires et
coopératifs, ouverts aux mouvements sociaux et aux recherches
d'alternatives, inclusifs et intersectionnels, pourrait bien être
une perspective à explorer aujourd'hui, au-delà des pratiques déjà
existantes de collectifs et de réseaux artistiques dévolus à
s'assurer une subsistance frugale.</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b>Tristan
Trémeau</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="text-align: left;"><b>(1) </b>Cf.
François Cusset, </span><i style="font-weight: normal; text-align: left;">Contre-discours de Mai : ce qu'embaumeurs
et fossoyeurs de 68 ne disent pas à ses héritiers</i><span style="font-weight: normal; text-align: left;">,
Paris, Actes Sud, 2008.</span></div>
<div id="sdfootnote2">
<div class="sdfootnote">
<b>(2) </b>UJC
(ml) : Union des Jeunesses Communistes (marxiste léniniste) ;
NRP : Nouvelle Résistance Populaire, « branche militaire »
de la Gauche Prolétarienne ; VLR : Vive la Révolution.</div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<div class="sdfootnote">
<b>(3) </b>LCR :
Ligue Communiste Révolutionnaire ; OCI : Organisation
Communiste Internationaliste.</div>
</div>
<div id="sdfootnote4">
<div class="sdfootnote">
<b>(4) </b>Serge
Halimi, préface à la réédition du livre de Guy Hocquenghem,
<i>Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col mao au rotary</i><span style="font-style: normal;">,
Marseille, Agone, 2014 (1ère éd., 1986).</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote5">
<div class="sdfootnote">
<b>(5) </b>« Tout
m'a profité », résuma Serge July, cité par Serge Halimi
(ibid.).</div>
</div>
<div id="sdfootnote6">
<div class="sdfootnote">
<b>(6) </b>Cf.
Camille de Toledo, <i>Archimondain, jolipunk</i><span style="font-style: normal;">,
</span><i>Confessions d'un jeune homme à contretemps</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, Calmann-Lévy, 2002. </span>
</div>
</div>
<div id="sdfootnote7">
<div class="sdfootnote">
<b>(7) </b>Pour
les filles de soixante-huitards, les représentations médiatiques
s'avéraient plus complexes. La figure de l'«executive woman »,
puissante et autonome était alors interprétée comme un effet des
luttes émancipatrices des femmes durant Mai 68, outre le poncif
selon lequel elles ne tueraient pas le père (elles pouvaient
conserver un père soixante-huitard moche et attardé qu'elles
couvaient ou auprès duquel elles se ressourçaient). Quant aux
mères, elles étaient régulièrement accusées par leurs filles
d'avoir abandonné le père, fragile et en déchéance sociale...</div>
</div>
<div id="sdfootnote8">
<div class="sdfootnote">
<b>(8) </b>Kristin
Ross, <i>Mai 68 et ses vies ultérieures</i><span style="font-style: normal;">,
Marseille, Agone, 2005.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote9">
<div class="sdfootnote">
<b>(9) </b>Yates
McKee, <i>Strike Art</i><span style="font-style: normal;">, Verso,
2017.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote10">
<div class="sdfootnote">
<b>(10) </b>Maurizio
Lazzarato, <i>Gouverner par la dette</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, Les prairies ordinaires, 2014.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote11">
<div class="sdfootnote">
<b>(11) </b>Raymond
Williams, <i>Culture & matérialisme</i><span style="font-style: normal;">,
Paris, Les prairies ordinaires, 2010.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote12">
<div class="sdfootnote">
<b>(12) </b>Sharon
Zukin, <i>Loft Living : Culture and Capital in Urban Changes</i><span style="font-style: normal;">,
Johsn Hopkins University Press, 1982.</span></div>
</div>
<div id="sdfootnote13">
<div class="sdfootnote">
<b>(13) </b>Gregory
Sholette, <i>Dark Matter.Art and Politics in the Age of Enterprise
Culture</i><span style="font-style: normal;">, Pluto Press, 2006.</span></div>
</div>
<br /></div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-88521622967094851292018-06-05T03:50:00.001-07:002018-06-05T03:50:48.207-07:00Sex was on everyone's lips. Conférence le 10 juillet à Paris. Festival off Érosphère<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">À vos agendas ! Mardi 10 juillet à 15h je donnerai une conférence dans le cadre du off du festival Érosphère à Paris. Ce sera au café de Paris, rue Oberkampf, métro Ménilmontant.</span><br style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;" /><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">Le titre : "Sex was on everyone's lips" (emprunté à une œuvre d'</span><a class="profileLink" data-hovercard-prefer-more-content-show="1" data-hovercard="/ajax/hovercard/user.php?id=1556611068&extragetparams=%7B%22fref%22%3A%22mentions%22%7D" href="https://www.facebook.com/edouard.prulhiere?fref=mentions" style="background-color: white; color: #365899; cursor: pointer; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px; text-decoration-line: none;">Edouard Prulhiere</a><span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">). </span><br />
<br />
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">Le propos : Beaucoup d'œuvres intriguent et troublent sensoriellement, sensuellement, érotiquement, sexuellement, bie</span><span class="text_exposed_show" style="background-color: white; color: #1d2129; display: inline; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">n qu'elles ne représentent aucune figure ni situation explicites. Cette conférence proposera un parcours d'œuvres des XXème et XXIème siècles (peintures, sculptures, dessins, estampes, photographies, films, performances, installations), à travers le prisme des éveils sensoriels et des imaginaires érotiques qu'elles suscitent, du plus tactile au plus allégorique, du plus organique au plus spirituel. Les œuvres choisies ouvrent à des perceptions, à des intuitions et à des explorations à la fois mentales et sensuelles, parfois inattendues et souvent aventureuses, suscitent des projections érotiques et éveillent des fantasmes, provoquent plaisirs et malaises, explorent des zones interlopes ou paraphiliques, troublent les identités sexuelles et de genre.</span><br />
<span class="text_exposed_show" style="background-color: white; color: #1d2129; display: inline; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;"><br />Venez ! La conférence sera suivie d'une discussion, en présence d'artistes.</span><br />
<span class="text_exposed_show" style="background-color: white; color: #1d2129; display: inline; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;"><br /></span>
<span class="text_exposed_show" style="background-color: white; color: #1d2129; display: inline; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;"></span><br />
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "Helvetica Neue", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 14px;">Pré-inscription privilégiée : <a href="https://www.helloasso.com/associations/erosticratie/evenements/erosphere-2018-le-off-conference-q-r-sex-is-on-everyone-s-lips">https://www.helloasso.com/associations/erosticratie/evenements/erosphere-2018-le-off-conference-q-r-sex-is-on-everyone-s-lips</a></span><br />
<div>
<br /></div>
<div>
Le festival off Érosphère : <a href="http://www.erosticratie.fr/erosphere-off-2018">http://www.erosticratie.fr/erosphere-off-2018</a></div>
<div>
<br /></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhE-uIWIqDJDRtcP1nIm8LGJ0BYritWGiOoei90D2rJRpJsNAUJUuwtFuqcBpoBrNA5FimbVd-cuDyPnkX2oVK7yyv6kwPA7y6pMQuTPs73z7e_PUxIS5nw9gYEt49hYy5k8qIqWdwOUDf_/s1600/Screen+shot+2011-08-09+at+5.43.49+AM.png" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" data-original-height="494" data-original-width="446" height="400" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhE-uIWIqDJDRtcP1nIm8LGJ0BYritWGiOoei90D2rJRpJsNAUJUuwtFuqcBpoBrNA5FimbVd-cuDyPnkX2oVK7yyv6kwPA7y6pMQuTPs73z7e_PUxIS5nw9gYEt49hYy5k8qIqWdwOUDf_/s400/Screen+shot+2011-08-09+at+5.43.49+AM.png" width="360" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Paul Thek, <i>Sans Titre</i>, 1966-67, coll. Watermill Center collection</td></tr>
</tbody></table>
<div>
<br /></div>
</div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-59551560910348836992017-08-31T04:37:00.000-07:002017-08-31T04:37:41.045-07:00L'enseignement artistique au risque de la réification (Artpress, 2011)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;">Cet article a paru dans l'<i>artpress 2</i> n°22 en 2011. Il fait suite à un premier article paru en 2010 sur le sujet, dans <i>L'art même</i>, et à l'invitation consécutive de Christophe Kihm à participer à un colloque à l'École des beaux-arts de Nantes en 2011, au moment du congrès de l'ELIA.</span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdZGxTqgKaHcF7JPf3JXf4skVvrUSjRK0PzNPRDbn8Bd5gV8FhtfVTgOunZZbJ_1nrhSvR0pA8u0Asf3BEi_8_bANneUijJed6e24fihlXtohZGaOgQSH395hDbh8CWC_XfvJgwXsAfxZZ/s1600/306088_2339750818856_3733626_n.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="900" data-original-width="658" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhdZGxTqgKaHcF7JPf3JXf4skVvrUSjRK0PzNPRDbn8Bd5gV8FhtfVTgOunZZbJ_1nrhSvR0pA8u0Asf3BEi_8_bANneUijJed6e24fihlXtohZGaOgQSH395hDbh8CWC_XfvJgwXsAfxZZ/s320/306088_2339750818856_3733626_n.jpg" width="233" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b>L'ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE AU RISQUE DE LA RÉIFICATION</b></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><b><br /></b></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Depuis
trois ans, les annonces d'ouverture à concours des postes de
professeur de culture générale dans les écoles supérieures d'art
françaises incluent systématiquement, dans le profil recherché, la
détention d'un diplôme de docteur en sciences humaines, voire de
HDR (habilitation à diriger des recherches). Ceci est dû à
l'application du décret dit de Bologne (1999) à l'ensemble des
établissements d'enseignement supérieur de la cinquantaine de pays
signataires, à l'échelle européenne. À l’instar des universités
et des grandes écoles, les écoles supérieures d'art, doivent
désormais intégrer dans leur pédagogie la production de mémoire
de recherche et, dans leurs projets, des programmes de recherche, si
elles veulent que leurs diplômes soient reconnus aux grades
universitaires harmonisés (Bachelor, Master, Doctorat, ou LMD pour
la France). Relayant « l’ordre de Bologne »<b> (1)</b>, le rapport
de l’AERES (agence d’évaluation de la recherche et de
l’enseignement supérieur) en date du 30 janvier 2009, consistant
en une « évaluation prescriptive portant sur la possibilité
d’attribution du grade de Master aux titulaires du DNSEP par
les écoles d’art », fut une préfiguration de la mise en
place des critères qui présidèrent aux évaluations des diplômes
de DNSEP <b>(2)</b> en options art, communication et design des écoles
françaises, menées en 2010 par cette même agence : qualités
du projet d’établissement, du projet pédagogique et de l’équipe
enseignante, clarté du déroulé des études, spécificité du
projet dans le paysage régional, national et international,
adossement à la recherche, mutualisations et partenariats avec des
universités, relations internationales, stages et
professionnalisation des étudiants.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Ces
évaluations, appelées à se renouveler régulièrement, exercent
une pression conséquente sur les directions et les équipes
enseignantes et administratives des écoles, qui s’ajoute à celle
de devoir se constituer en établissements autonomes, en solo ou en
association — autre condition à remplir si les écoles veulent que
leurs diplômes valent grade Licence et Master —, ce qui implique
des négociations avec les élus municipaux et les préfets de
région, comme avec les responsables d’autres écoles d’une même
région ou de régions limitrophes. D’un point de vue général
comme pratique, théorique comme pragmatique, ce processus européen
d’« harmonisation » des diplômes et des parcours
d’études ne va pas sans poser des problèmes d’identité et de
statut, tant des écoles d’art que des enseignants et des
étudiants, de la pédagogie que de la place de ces institutions et
de l’art dans la société. </span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Premier
problème, il ne « suffit pas » d’être docteur et
professeur en école d’art, même titulaire, pour avoir le statut
d’enseignant chercheur, lequel ne vaut toujours que pour les
maîtres de conférences et professeurs d’universités. Certaines
écoles, plus royalistes que le Roi — c’est une tradition
nationale —, l’ont compris en embauchant des enseignants
chercheurs, titulaires de postes en histoire de l’art ou en
philosophie à la Sorbonne ou à l’EHESS pour mieux répondre
encore aux critères. Cette différence de statut est aussi
économique. Les professeurs en écoles d’art, territoriales ou
nationales, sont soumis à une grille salariale de la fonction
publique inférieure à celle des enseignants chercheurs en
universités, et cette grille ne risque pas de bouger en ce temps de
réduction des dépenses publiques. Or, désormais, les professeurs
d’écoles d’art doivent fournir une somme équivalente de travail
de suivis de mémoires (parfois une vingtaine en cinquième année),
de séminaires de recherches et de mise en place de projets de
recherche, en plus de leurs seize heures d’enseignement par semaine
(contre neuf dans l’université). Le passage des agents des
municipalités aux EPCC ne risque pas de faciliter les négociations
à l’échelle nationale en termes de revalorisation des salaires
et/ou de réduction du temps obligatoire d’enseignement au prorata
des heures de recherches.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Or,
cette augmentation du temps de travail dans les écoles implique une
réduction du temps de travail « personnel » pour les
enseignants qui, tous, ont été recrutés en fonction de leurs
qualités pédagogiques, mais aussi parce qu’ils sont d’abord des
professionnels de l’art. Artistes comme théoriciens, ils ont tous
une vie d’artiste, au sens économique, indépendante et libérale.
Leurs créations et recherches, rémunérées ou rémunérables —
leurs œuvres peuvent être vendues, leurs écrits payés en droits
d’auteur) sont destinées à des expositions sans public préétabli
— galeries, musées, centres d’art, livres, magazines, catalogues
— qui ont peu à voir avec les dispositifs de diffusion de la
recherche universitaire auprès d’une communauté de pairs —
laboratoires de recherche, revues scientifiques avec comités de
lecture, colloques… — qui impliquent très rarement une
rémunération (travaux et publications font partie de la charge des
enseignants chercheurs). </span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Le
statut d’artiste et de théoricien ou de critique se proclame
d’autorité et est soumis à la reconnaissance d’une grande
diversité d’évaluateurs : artistes, critiques, galeristes,
conservateurs, élus, collectionneurs, curateurs, amateurs,
chercheurs, etc. Ce qui contribue à la diversité des parcours, des
identités et des positions des enseignants en écoles d’art
(certains artistes professeurs n’ont pas fait d’école d’art),
y compris des théoriciens puisque jusqu’à très récemment
ceux-ci n’étaient pas recrutés sur critère doctoral.
L’enrichissement supposé, fort symbolique et académique (bac +
8), des profils des théoriciens risque bien de provoquer un
appauvrissement en termes de diversité des approches, des
méthodologies et d’ouverture des esprits, ce qui dans le champ de
l’art est d’emblée problématique au regard de l’idéologie
qui sous-tend, par tradition, la pédagogie dans les écoles d’art.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Cette
idéologie se manifeste dans la forte propension des écoles d’art
à inciter chaque étudiant à développer un rapport individué à
la création par la définition progressive d’un territoire de
recherche et de problématisation, en confrontation avec l’histoire
et l’actualité de l’art, dès les premières années d’étude.
Ceci implique non seulement que, à la différence des universités,
la recherche en écoles d’art intervient avant la phase Master car
elle est une dimension inhérente à la pédagogie dès les années
de Licence, mais que cette position définisse aussi idéalement la
position des étudiants, des artistes et des théoriciens, à la fois
chercheurs et créateurs. Quand on vient de l’enseignement
universitaire, on ne peut qu’être frappé par les sollicitations
permanentes des étudiants par les enseignants à exprimer, dès les
premières années d’étude, « d’où ils parlent »,
avec quels moyens, quelles méthodes, à quelles fins et par rapport
à quels contextes (artistique, littéraire, politique, économique,
philosophique…). Même aux stades Master et Doctorat, de telles
sollicitations sont très rares dans les universités où règne un
esprit de reproduction qui asphyxie la dimension créatrice de la
recherche — ce sont d’ailleurs en général les « meilleurs
reproducteurs », celles et ceux qui auront su intelligemment
réorganiser des savoirs réifiés en une somme bien articulée, qui
décrochent les bourses doctorales et les rares postes <b>(3)</b>. </span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Par
ailleurs, cette conception individuée de la création comme de la
recherche s’oppose à la relative harmonisation des axes de
recherche des équipes que suppose le modèle des laboratoires de
recherche universitaires. À moins de considérer que la
reconfiguration institutionnelle des écoles d’art sur le modèle
de l’université — à l’exemple des départements arts dans les
universités scandinaves — ne les conduise à se spécialiser,
c’est-à-dire à définir des axes de recherche qui les
distingueraient chacune des autres, sur un plan régional, national
et international. C’est par exemple le cas en Suisse : la HEAD
de Genève développe un Laboratoire des Mondes Possibles, l’ECAL
de Lausanne se spécialise dans le design, la communication visuelle
et les nouvelles technologies, l’ECAV de Sierre se concentre sur
les problématiques du local et du global. Ces nouveaux impératifs
institutionnels sont indissociables de la question de la survie des
écoles : il faut que les écoles démontrent la légitimité de
leur existence, à savoir qu’elles forment leurs étudiants à
intégrer professionnellement le marché en définissant des axes de
recherche propres à augmenter celui-ci de nouveaux produits ou
services. Ainsi l’agence suisse de promotion pour l’innovation
(CTI) soutient-elle les activités de recherche « dans le cadre
d’une application des résultats pour des produits commerciaux
innovants » et encourage-t-elle les collaborations entre les
écoles et l’économie dans les « domaines de la gestion
d’entreprise, de la planification de l’espace, du tourisme, des
technologies de l’information et de la communication, de
l’artchitecture et du design » <b>(4)</b>.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Sous
couvert d’ambitions pragmatiques — assurer l’avenir
professionnel des étudiants dans un secteur artistique dominé par
l’économie à perte <b>(5)</b> —, cette exigence de professionnalisation
traduit une vision libérale de l’art comme source d’inspiration
d’outils entrepreneuriaux en matière de créativité et de
management comme le proclame le </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>Manifeste</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
de l’ELIA (European Ligue of Institutes of the Arts), qui regroupe
environ 350 Hautes Écoles d’art en Europe <b>(6)</b>. Les intitulés des
symposiums qui ont rythmé le dernier congrès de l’ELIA, à Nantes
en octobre 2010 (</span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>L’art
au cœur du territoire</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">),
ont valeur de symptôme de cette vision instrumentale de l’art à
l’échelle des politiques des villes et des entreprises :
« Les écoles d’art en relation avec les entreprises
créatives », « La régénération des villes et le rôle
des écoles d’art », « L’art appliqué au service du
bien-être global ou de la compétitivité européenne ? »…
—, le tout introduit par un questionnement sur « L’impact
de l’évaluation et du classement des hautes écoles d’art en
Europe ». Au-delà, c’est à l’influence idéologique
déterminante, depuis une trentaine d’années, des théories de
l’économie de la connaissance que l’on doit ces évolutions :
toute production de savoir, en sciences exactes comme en sciences
humaines et en technologies, peut être réduite à une
« marchandise informationnelle » <b>(7)</b>, à de purs processus de
réification. D’où la multiplication des procédures d’évaluation
des établissements d’enseignement supérieurs, essentiellement
basées sur des critères quantitatifs et des études d’impact
(pour le champ artistique : nombre de publications et
d’expositions, impact sur la communauté scientifique et
artistique, coopérations transdisciplinaires, qualité de la
contribution à l’augmentation du savoir) <b>(8)</b>.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Un
autre risque de réification touche à l’organisation des études,
en raison de la mobilité croissante des étudiants et de la
semestrialisation des cours, ces deux aspects étant liés par la
mise en place du système européen de transfert de crédits (ECTS).
Les programmes se fragmentent en unités de temps de plus en plus
courts, ce qui implique que « les intensités de travail sont
certes différentes, mais que l’exigence d’un résultat est
beaucoup plus forte » <b>(9)</b>. Cette hyper fragmentation du temps de
travail ne favorise guère l’expérimentation — et donc
l’apprentissage nécessaire du ratage —, ni la distance critique.
Elle peut au contraire favoriser les « travaux efficaces » en lesquels on reconnaît immédiatement les compétences d’un
étudiant à « jouer » de façon maligne avec des
« références » formelles et conceptuelles jugées
adéquates à la demande et au contexte. Les enseignants eux-mêmes
peuvent se transformer en </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>coaches</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
en stratégies de problématisation, de production, de transmission
discursive et de visibilité des travaux et des démarches. Dans un
contexte où les écoles sont désormais évaluées, aussi, selon des
critères de visibilité publique et d’impact professionnel des
travaux produits en leur sein, le risque n’est-il pas de « ne
plus envisager l’enseignement que comme production de
visibilité » </span></span><b style="font-family: "Times New Roman", serif;">(10)</b><span style="font-family: "Times New Roman", serif;"> </span><span style="font-family: "Times New Roman", serif; text-align: left;"> ?</span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Cette
soumission de la pédagogie et de l’étude à l’utile, à la
perspective d’une rentabilisation professionnelle et économique à
court ou moyen terme, à laquelle s’ajoute la pression
bureaucratique des procédures d’évaluation des établissements,
des diplômes et de la recherche, peut de surcroît aller tout à
fait à l’encontre des objectifs d’augmentation des potentiels
créatifs et intellectuels des sociétés européennes (le Décret de
Bologne affirme en effet la nécessité pour l’Europe de se placer
sur le marché des concurrences internationales en faisant valoir ces
potentialités). Si l’on regarde un peu en arrière l’histoire de
l’art depuis la modernité et les avant-gardes, sans nostalgie mais
avec l’attention pour ce qui a constitué un moment brillant
d’augmentation des possibles en matière de création et d’aventure
intellectuelle, il est manifeste que ce ne fut pas en répondant à
l’attente immédiate de rentabilisation économique qu’ont eu
lieu les avancées les plus expérimentales ouvrant à de nouveaux
modes d’interprétations, de mises en formes et de vécus du monde.
Comme le rappelle Antonia Birnbaum à l’appui de Walter Benjamin,
être étudiant c’est idéalement mettre en œuvre une « discipline
aventureuse (qui) rapproche la vie des étudiants des combats
menés dans l’art, des efforts des écrivains et des poètes, des
nouveaux questionnements et des idées qui surgissent peut-être plus
inexactement et moins clairement, mais plus intensément dans la vie
de l’art et dans la vie sociale que dans le giron de la science » <b>(11)</b>. Oublier cela reviendrait à frustrer non seulement les facultés et
volontés d’émancipation individuelle des étudiants, comme à
grever toute velléité d’augmentation de la recherche et de la
création au sein de nos sociétés. Ce qui n’est pas sans
conséquence non seulement esthétique mais politique sur les visions
du monde.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">Trsitan
Trémeau</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(1) </b>Titre
du très bon article de Bruno Goosse consacré à l’application du
décret de Bologne dans les écoles supérieurs d’art de Belgique,
paru dans </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>L’art
même</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">,
n°45, 4</span></span><sup><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">ème</span></span></sup><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">
trimestre 2009, pp.8-10.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(2) </b>Le
Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique (DNSEP)
intervient en cinquième année d’étude en écoles des beaux-arts.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(3) </b>Ce
phénomène s’est accru à partir du moment où a été considéré
qu’un bon doctorant était celle ou celui qui réalisait sa thèse
en trois ou quatre ans maximum, tout en contribuant à la recherche
en publiant des articles scientifiques et en participant à des
colloques (le tout gracieusement), en rédigeant les dossiers de
recherche pour les demandes de bourses ANR, CNRS et autres (le tout
en se retrouvant en bas de l’organigramme du laboratoire), en étant
enseignant vacataire (rémunéré à la fin de chaque semestre par la
grâce de la semestrialisation des enseignements) ou, au mieux, ATER
(attaché temporaire d’enseignement et de recherche). </span></span>
</div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(4) </b>http://www.kfh.ch/index.cfm?nav=1&pg=27&lang=f</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(5) </b>La
grande majorité des artistes travaillent à perte. En France, ils
peuvent notamment déclarer, année après année et sans risque de
dépôt de bilan, des exercices déficitaires auprès des impôts.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(6) </b>« Artists
and art graduates are invaluable, not only to the arts, but to alla
activities in sociaety by providing a workforce with a more
sophisticated range of creative, interactive, negotiating,
presentation, team-building, decision-making and entrepreneurial
skills » (http://www.elia-artschools.org/ELIA/Manifesto</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(7) </b>Jean-François
Lyotard, </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>La
condition postmoderne : rapport sur le savoir</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">,
Paris, Minuit, 1979.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(8) </b>Ces
critères prévalent à l’attribution de bourses de recherches et
de financements de laboratoires dans les écoles d’art en
Grande-Bretagne, comme le précise le guide de la recherche publié
par l’Arts and Humanities Research Council (AHRC).</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(9) </b>B.
Goosse, op. cit.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(10) </b>Ibid.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><b>(11)</b>Antonia
Birnbaum, « La vie des étudiants est un grand
transformateur », in </span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;"><i>Retour
d’y voir</i></span></span><span style="font-family: Times New Roman, serif;"><span style="font-size: small;">,
n°3-4, Genève, Mamco/Les presses du réel, 2009-2010.</span></span></div>
<div lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
-->
</style>
<br />
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm;">
<br />
</div>
</div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-60636225885715482912017-08-02T01:10:00.000-07:002017-08-02T01:18:56.898-07:00Enrichissement. Une critique de la marchandise (recension critique, L'art Même, 2017)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Dernier article paru, dans le n°73 de <i>L'art même</i>, une recension critique d'<i>Enrichissement. Une critique de la marchandise</i> de Luc Boltanski et Arnaud Esquerre (Gallimard, nrf essai, 2017). Le voici en entier.</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>ENRICHISSEMENT</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b>UNE
CRITIQUE DE LA MARCHANDISE</b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<b><br /></b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<b>Dix-huit ans après <i>Le
nouvel esprit du </i><span style="font-style: normal;">capitalisme, le</span>
sociologue français Luc Boltanski publie avec Arnaud Esquerre un
nouvel ouvrage dense et âpre à la lecture, mais éclairant sur les
nouveaux processus d'enrichissement à l'œuvre au XXIème siècle, à
travers une analyse des usages de l'art, du patrimoine, de
l'industrie du luxe et du tourisme par les plus riches et les
entreprises monopolistiques multinationales. À lire en complément
du <i>Capital au XXIème siècle</i><span style="font-style: normal;">
de Thomas Piketty et de </span><i>La violence des riches</i><span style="font-style: normal;">
de Michel et Monique Pinçon.</span></b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Paru en 1999 chez
Gallimard, <i>Le nouvel esprit du capitalisme</i><span style="font-style: normal;">
des sociologues Luc Boltanski (grand frère de Christian) et Ève
Chiapello fait partie des livres</span> qui ont le plus frappé et
fait cogiter artistes, critiques d'art, curateurs et autres acteurs
de l'art au début des années 2000. Ce livre pointait la
récupération, au cours des années 1980-1990, par nombre de
consultants en management et de dirigeants d'entreprises, de ce que
les auteurs appelaient la « critique artiste » des années
1960-1970. Cette critique, fondée sur des valeurs de solidarité,
d'autonomie, de liberté et d'égalité, avait développé une
critique de l'inauthenticité de la société marchande aussi bien
que du peu de considération pour les capacités créatives des
individus dans les sociétés industrielles occidentales (dans les
institutions scolaires, les universités et les entreprises), en
résonance avec les cultures contestataires issues des avant-gardes
artistiques et sociales qui débouchèrent sur les mouvements de
contestation culturelle et sociale des années 1960-1970. Tout comme
peu après un autre sociologue, Pierre-Michel Menger, dans un petit
ouvrage intitulé <i>Portrait de l'artiste en travailleur.
Métamorphoses du capitalisme</i><span style="font-style: normal;">
(Seuil, 2003), qui fut aussi l'objet d'une réception attentive dans
le monde l'art comme dans celui du management, Boltanski et Chiapello
figuraient désormais l'artiste comme un possible modèle du
travailleur contemporain, valorisé comme un professionnel créatif,
inventif, flexible, enthousiaste et convivial, qui s'adapte à tout
contexte et condition de travail et de production. À la fin du XXème
siècle, la récupération de la « critique artiste » par
les nouveaux managers, couplée à l'émergence d'une représentation
de l'artiste comme modèle du travailleur à l'âge du « capitalisme
tardif » (théorisé dès 1972 par l'économiste trotskyste
Ernest Mandel), fluide, déterritorialisé et déterritorialisant,
semblait parachever toutes les logiques de récupération à l'œuvre
dès les années 1960 dans les sociétés libérales-démocrates
occidentales à l'égard des cultures contestataires et donc étouffer
toute critique oppositionnelle possible vis-à-vis du capitalisme et
de la culture marchande hégémoniques. D'où l'importance de la
réception de ces livres de sociologie dans les champs de la création
contemporaine, réputés de Gauche, ou du moins susceptibles d'être
critiques ou s'affirmant en résistance. D'où, aussi,
l'accroissement des difficultés à penser et pratiquer un art
critique toujours susceptible d'être récupéré.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">Le
nouveau livre de Luc Boltanski, co-écrit avec un autre sociologue,
Arnaud Esquerre, </span><i>Enrichissement. Une critique de la
marchandise</i><span style="font-style: normal;">, ne peut que nous
parler aussi, puisqu'il intègre de nouveau, dans une vaste et dense
étude des nouveaux processus de production de la valeur marchande,
la place des arts plastiques et de la culture dans les développements
contemporains du capitalisme, aux côtés de, et en lien avec la
création de fondations et de musées privés par des trust
d'entreprises multinationales, la patrimonialisation et le commerce
d'objets anciens, l'industrie du luxe et le tourisme haut de gamme. À
l'heure où Louis Vuitton sort une collection de sacs conçus par
Jeff Koons en hommage kitsch aux « grands maîtres »
(Vinci, Fragonard, Rubens, Titien...), et où est annoncé la
transformation du Musée des arts et traditions populaires de Paris
(fermé depuis douze ans) en une « Maison LVMH — Arts,
Talents, Patrimoine » consacrée aux métiers d'artisanat
d'art, non loin de la Fondation Vuitton ouverte en 2014, une telle
étude est nécessaire. Parce qu'elle prend notamment pour objet des
éléments institutionnels désormais saillants et des mécanismes
relativement nouveaux de production de richesse qui pèsent désormais
sur les vécus, les pratiques et les économies de l'art, des
artistes et des acteurs intermédiaires de l'art. Ces éléments,
nous les connaissons bien aujourd'hui, ils dessinent les nouveaux
territoires de l'enrichissement étudiés par Boltanski et Esquerre
: les processus de concentration monopolistique portés par des
grands groupes multinationaux (par exemple, LVMH et Kerin — ex PPR,
Pinault-Printemps-La Redoute) conduisent à de nouvelles orientations
de leurs politiques sectorielles via l'acquisition ou la création
d'entreprises dans les secteurs de l'art, de la culture, du luxe, du
patrimoine et du tourisme, ouvrant à des liens croissants entre
intérêts financiers privés et politiques de villes (telle Paris,
tant avec LVMH qu'avec Pinault), et questionnant la place et les
usages de l'art dans les processus d'enrichissement des plus riches.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhwF2Sg2-SvyfIABgw8umMMMdgro4Z7ilOwd1bAPow8LmF-q0izkm1BXrdWv7QqhesagncYBbZCW1ciIiSXG_Ms8Zrc_O6hjKf58mV0veFhOqnm4jeeOMdm0VozMTvgdJAsDpQ4J3nK1M5k/s1600/Boltanski-Enrichissement.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="1600" data-original-width="1013" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhwF2Sg2-SvyfIABgw8umMMMdgro4Z7ilOwd1bAPow8LmF-q0izkm1BXrdWv7QqhesagncYBbZCW1ciIiSXG_Ms8Zrc_O6hjKf58mV0veFhOqnm4jeeOMdm0VozMTvgdJAsDpQ4J3nK1M5k/s320/Boltanski-Enrichissement.jpg" width="202" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-style: normal;">L'apport
principal de ce livre dense et massif, parfois âpre à la lecture
(il n'échappe pas toujours à un jargon socio-économique
potentiellement pénible et s'achève sur une « esquisse de
formalisation des structures de la marchandise » traduite en
« langage mathématique » par Guillaume Couffignal)</span>,
réside dans sa thèse d'une nouvelle économie dite de
l'enrichissement. Celle-ci désigne le fait que les marchandises
évoquées (artistiques, patrimoniales, viticoles, artisanales, des
secteurs de la haute couture...) sont d'abord et exclusivement
destinées aux riches et, surtout, que ces marchandises sont
elles-mêmes enrichies par des récits vantant les vies des créateurs
(Coco Chanel, Yves Saint Laurent...) comme des territoires où
s'enracinent des produits distingués et de luxe (les couteaux
Laguiole de l'Aubrac, un grand vignoble en Champagne ou dans le
Bordelais, des châteaux et des villes porteuses d'aura). On peut dès
lors envisager toute sorte de rencontres et de récits enrichissants
créés à partir de la mise en relation d'une œuvre contemporaine
monumentale, pop et spectaculaire (sculpturale à la Koons ou
architecturale à la Gehry), d'un « écrin somptuaire »
(palais, château, musée, ville-musée), d'un « passé
glorieux » (un « Roi Soleil », des « grands
maîtres », des « ors » de la République ou de
l'Église, un patrimoine industriel prestigieux). Ces récits
d'enrichissement des marchandises bénéficient aux plus riches,
qu'ils soient producteurs, opérateurs du commerce ou consommateurs.</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
À travers moult détails,
récits et statistiques, Boltanski et Esquerre tracent les <i>« contours
de la société de l'enrichissement »</i><span style="font-style: normal;">,
caractérisée par l'accroissement considérable de la part des
intérêts privés d'une minorité de riches dans le domaine du
patrimoine, comme l'analyse aussi Thomas Piketty dans </span><i>Le
Capital au XXIème siècle</i><span style="font-style: normal;">
(Seuil, 2013). Ce dernier évoque ainsi, sur la base des évolutions
statistiques des évolutions du </span><i>« flux successoral »</i><span style="font-style: normal;">
(c'est-à-dire la </span><i>« valeur totale des successions et
donations transmises au cours d'une année, exprimée en pourcentage
du revenu national »</i><span style="font-style: normal;">), la
formation d'une </span><i>« société d'héritiers caractérisée
à la fois par une très grande concentration patrimoniale et une
grande pérennité dans le temps et à travers les générations de
ces patrimoines élevés »</i><span style="font-style: normal;">.
À tel point que l'héritage a </span><i>« déjà pratiquement
retrouvé l'importance qui était la sienne pour les générations du
XIXème siècle »</i><span style="font-style: normal;">, a
contrario du XXème qui en avait vu la réduction (ce flux était
tombé au plus bas autour de 1950). Ce « retour au XIXème
siècle », à l'accroissement des disparités économiques
entre les plus riches qui ne cessent de s'enrichir et demeurent
évidemment une minorité en nombre, et l'immense majorité des
populations, n'est pas seulement perceptible à une échelle
« macro », mais « micro », puisque ces effets
de concentration des richesses et des pouvoirs se jouent aussi dans
le champ de l'art, distinguant les artistes et acteurs de l'art au
service somptuaire des plus riches, et les autres — de nouveau la
très grande majorité d'entre nous. Mais de cela le livre de
Boltanski et Esquerre ne parle pas, nous laissant sur notre faim.</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<b>Tristan
Trémeau</b></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
Luc Boltanski, Arnaud
Esquerre, <i>Enrichissement. Une critique de la marchandise</i><span style="font-style: normal;">,
Gallimard, nrf essais, 2017, 663 pages. 29 euros. ISBN
978-2-07-014787-8</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
<br />
-->
<br />
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
</div>
Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-55278807025436508342017-03-17T08:50:00.000-07:002017-03-18T02:19:12.896-07:00Pastoralisme 2.0, à propos du street art (2017)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div style="margin-bottom: 0px;">
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "helvetica" , "arial" , sans-serif; font-size: 14px;">"Pastoralisme 2.0", mon premier article à propos du street art, vient de paraître dans le n°72 de la revue belge L'art même. Attention, ça pique (les yeux aussi et d'abord) !</span></div>
<div style="margin-bottom: 0px;">
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "helvetica" , "arial" , sans-serif; font-size: 14px;"><br /></span></div>
<div style="margin-bottom: 0px;">
<span style="background-color: white; color: #1d2129; font-family: "helvetica" , "arial" , sans-serif; font-size: 14px;">Extrait : "Une forme d'usurpation d'une identité populaire et banlieusarde a lieu dans ce processus, de la part d'artistes street (qui prétendent venir de la rue et des marges en s'appropriant ou revendiquant leurs langages et apparences mythifiées), et ceci facilite d'autant mieux l'appropriation par leurs clients d'une vision pastorale des marges urbaines. Ce processus est le plus frappant dans le cas d'expositions telles <i>Graffiti Art, tableaux de légende 1970-1990</i>, prenant place dans l'Institut Bernard Magrez à Bordeaux, c'est-à-dire dans "l'écrin somptueux" du Château Labottière. Là où les scènes pastorales rurales rappelaient la "vraie vie" aux aristocrates et grands bourgeois du XVIIIème siècle, désormais des fragments de pastorales urbaines évoquent une vision enchantée des banlieues via le graffiti sur toile".</span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b><br /></b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
</div>
</div>
-->
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: center;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>PASTORALISME
2.0 (À PROPOS DU STREET ART)</b></span></span></div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
</div>
-->
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>Le
street art ou art urbain est l'objet d'une valorisation, d'une
diffusion et d'une réception exponentielles depuis le début des
années 2000, des réseaux sociaux aux musées et institutions
patrimoniales qui lui ouvrent leurs programmations, de films et
livres promotionnels en ouverture de galeries commerciales
spécifiques, de créations de musées et résidences d'art urbain en
développement de politiques artistiques de villes et de quartiers.
Comment comprendre ce phénomène et ce succès ? Que disent-ils
d'évolutions des représentations des champs culturels et des
mécanismes de distinction ? Quels enjeux esthétiques et politiques
soulèvent-ils ? En creux, la question des postures
oppositionnelles orchestrées par les acteurs et promoteurs du street
art vis-à-vis de l'art contemporain, ses mécanismes de
reconnaissance et ses institutions publiques et privées — qu'ils
convoitent et investissent par ailleurs —, sera importante pour y
voir clair. </b></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">En
2016, ont ouvert à Bruxelles et à Paris deux musées dévolus au
street art, avec la particularité pour l'un de ne pas engager cette
notion dans son nom afin de subsumer son projet et son identité en
la manifestation d'une « culture 2.0 » (le MIMA à
Bruxelles, ou Millenium International Museum of Art), et pour l'autre
d'être une collection privée intégrée aux locaux de l'École 42 à
Paris, laquelle se présente comme la « première formation en
informatique entièrement gratuite, ouverte à tous et accessible aux
18-30 ans », basée sur une pédagogie participative du
« peer-to-peer learning » qui permettrait aux étudiants
de « libérer leur créativité grâce à l'apprentissage par
projets » <b>(1)</b>.
D'emblée, cette conjonction entre street art, nouvelles technologies
et « classe créative » <b>(2) </b>s</span><span style="font-size: medium;">ignale l'importance des liens entre ces formes artistiques urbaines
au caractère a priori temporaire, si ce n'est éphémère, et les
nouvelles formes de médiatisation numérique. Si la forme magazine
et livresque de diffusion des images de ces productions perdure, et
permet à leurs auteurs tant de diffuser leur travail que d'engranger
des bénéfices financiers dérivés de leurs créations (quand
celles-ci sont auto-financées et s'excluent de fait, de par leur
caractère pirate et illégal, d'un quelconque commerce, à
l'exception désormais des productions rémunérées, commandées par
des acteurs privés ou publics), le développement des réseaux
sociaux a été un facteur déterminant de la diffusion et de la
reconnaissance du street art. Sur Facebook, Tumblr, Pinterest,
Instagram et autres réseaux sociaux, en plus des sites et blogs
spécifiques, le street art s'expose et déploie sa puissance
médiatique. Certains artistes l'ont compris et étendent ce
dispositif d'extension du domaine du street art (graffiti, pochoir,
stickers, mosaïques, collages, tricot urbain...) à des pratiques
interactives avec leurs fans à l'échelle de la planète. C'est le
cas du Français Invader (né en 1969), connu pour ses mosaïques
reprenant la figure d'un jeu vidéo de la fin des années 1970, </span><i style="font-size: large; font-weight: normal;">Space
Invader</i><span style="font-size: medium;">, et disposées dans différents lieux urbains sur tous
les continents. Son site </span><i style="font-size: large; font-weight: normal;">Flash Invaders</i><span style="font-size: medium;"> s'inspire des sites
créés par ses fans et les incite à « </span><span style="font-size: medium; font-style: normal; font-weight: normal;">flasher »</span><i style="font-size: large; font-weight: normal;">
</i><span style="font-size: medium; font-style: normal; font-weight: normal;">ses mosaïques à travers le
monde. Grâce à une application pour Smartphones, les fans
participent au jeu et à la compétition (qui en flashera le plus?) </span><span style="font-size: medium; font-style: normal;"><b>(3)</b>.</span></span></div>
<div id="sdfootnote1" style="font-weight: normal;">
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
</div>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>Street
art vs art contemporain </b></span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
</div>
-->
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Ce
lien avec les nouvelles technologies, les nouveaux appareils en liens
directs avec les réseaux sociaux et les nouvelles formes de tourisme
et de navigation, renforce la puissance d'impact du street art à
l'adresse de publics de plus en plus larges. Ce d'autant plus
que, par ses formes immédiates (du décoratif au trompe-l'oeil en
passant par la signature visuelle), ses signes culturels (figues
célèbres de la musique chez le Français Jef Aérosol, de la
politique chez l'étatsunien Shepard Fairey ou de série télé avec
Invader, figures empruntées aux bandes dessinées, mangas et jeux
vidéos...) et sa photogénie (trompe-l'oeil et effet de surprise
couplés à du collage d'images contradictoires chez le Français
Blek le Rat et l'Anglais Banksy), le street art perpétue une idée
très pop de l'art au sens de l'artiste britannique Richard Hamilton,
qui pouvait déjà au début des années 1960 qualifier ainsi le Pop
Art : « populaire, provisoire, jetable, bon marché,
produit en série, jeune, drôle, sexy, astucieux, spectaculaire et
très rentable ». Soit une idée de la créativité décomplexée
et ludique, libérale dans ses modes de production et de diffusion,
dans ses usages de formes, de signes et de styles existants et
relevant en majorité de la culture commerciale et/ou kitsch, et
supposément libertaire dans ses formes revendiquées comme non
académiques et non « art contemporain ». Cette idéologie
fait écho avec une part considérable des pratiques et usages
numériques inspirés par une représentation dominante du Pop Art et
de ses héritages, à la fois conformiste (imprégnation et
célébration de la culture commerciale) et critique vis-à-vis des
représentations modernistes, avant-gardistes et aujourd'hui « art
contemporain » de l'art, bien plus que vis-à-vis de la culture
commerciale. </span></span>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><br /></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYmy6TFtr3XTtMYpJswqREK-8HyMMHjh59jnMmH6ysquwpWk6gp1tAp__un-VWczP8Ql2rO2yrQGVAdZ30CuUujrt78iVBU5u8mTKYK8XrUWP2H3e_GyGmg1Xi7pZnz8agMOzT1ZqjsTOC/s1600/document.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="170" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjYmy6TFtr3XTtMYpJswqREK-8HyMMHjh59jnMmH6ysquwpWk6gp1tAp__un-VWczP8Ql2rO2yrQGVAdZ30CuUujrt78iVBU5u8mTKYK8XrUWP2H3e_GyGmg1Xi7pZnz8agMOzT1ZqjsTOC/s400/document.jpg" width="400" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Shepard Fairey, aux côtés de Jérôme Coumet, maire du 13ème<br />
arrondissement, Marianne d'Or pour la "fresque" du premier</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"></span></span><br />
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"></span></span><br /></div>
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P.sdfootnote { margin-left: 0.5cm; text-indent: -0.5cm; margin-bottom: 0cm; font-size: 10pt }
P { margin-bottom: 0.21cm }
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</style>
<br />
-->
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Ceci
est un autre élément frappant concernant les positions des artistes
et des promoteurs du street art. Si est toujours rappelé un fond
mythique de piratage urbain par des artistes en marge de tout système
(et particulièrement de l'art contemporain), et de pratiques
contre-culturelles ou sauvages ou manifestant des situations et
revendications de populations minoritaires ou subalternes, il est
bien difficile aujourd'hui de reconnaître dans ce qui se présente
de façon dominante comme street art de quelconques dimensions
marginales, subalternes ou minoritaires. D'abord parce que
l'essentiel de son iconographie est pop, c'est-à-dire liée à la
culture commerciale hégémonique, et parce que beaucoup de ses
styles et techniques renvoient aussi à des représentations
réifiées, spectaculaires et kitsch de l'art, qui dominent les
affects et habitudes esthétiques de la majorité des individus en
Occident et au-delà (sous l'impact de la diffusion massive à
l'échelle planétaire des modèles commerciaux occidentaux). Aussi
peut-on comprendre l'idée d'une posture éventuellement marginale et
contestataire du street art uniquement par rapport aux oppositions
orchestrées par ses acteurs et promoteurs vis-à-vis de l'art
contemporain et de ce qui peut être perçu dans ce champ culturel
comme distinctif et élitiste, à travers ses institutions, des
écoles d'art (pas mal d'artistes street sont passés par ces écoles
et en ont conçu certain ressentiment vis-à-vis des modèles
artistiques transmis, jugés trop conceptuels, intellectuels ou
autoritaires) aux galeries, musées et centres d'art. Pour exemple,
au début d'un récent documentaire sur Bernard Buffet, diffusé sur
Arte <b>(4)</b></span><span style="font-size: medium;">,
le Français C215 (né en 1973) évoque sa passion pour l'artiste
« banni » de l'art contemporain, mais aussi pour Georges
Mathieu, tout en exécutant un vaste portrait au pochoir de Buffet et
en vantant les qualités populaires de ces deux artistes phares des
Trente Glorieuses, peu considérés ou rejetés par la majorité des
acteurs de l'art contemporain. De fait, Buffet et Mathieu incarnaient
en France, aux côtés de Jean Carzou, Pierre-Yves Trémois ou
Georges Moretti le plus haut degré de kitschification de l'idée de
« style » à l'époque De Gaulle-Pompidou. En France,
l'actuelle tentative de réhabilitation de Buffet va
symptomatiquement de pair avec son habilitation en tant que figure
pré-Pop (parce que médiatique, exemple de réussite commerciale et
artiste populaire) et avec la récente programmation télévisuelle
de l'émission </span><i style="font-size: large;">À vos pinceaux !</i><span style="font-size: medium;">,
dans laquelle les candidats rivalisent d'effets kitsch où se
combinent Place du Tertre et street art <b>(5)</b></span><span style="font-size: medium;">.
</span></span>
</div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
</div>
<div id="sdfootnote2">
</div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgubNVS32WkJAsF1zv9u86bAo4HfWjhyj3aR9VaILgHVY8HD-cFBqWOcyWn-vRVqCvokyb5V49S4GlKYi5BEyBTE3H0w3cAXgIIP-Gz5LR4MDFnq1U4WmYtul_QEtl2QLvg2mSJ_czEPet8/s1600/13886.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgubNVS32WkJAsF1zv9u86bAo4HfWjhyj3aR9VaILgHVY8HD-cFBqWOcyWn-vRVqCvokyb5V49S4GlKYi5BEyBTE3H0w3cAXgIIP-Gz5LR4MDFnq1U4WmYtul_QEtl2QLvg2mSJ_czEPet8/s200/13886.jpg" width="141" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Raymond Moretti,<br />
<i>Armstrong</i>, 1968</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6mfYN2VKJehPWYU292pX4ZL_r3banemAGhl7Tc-mHhuGRJRgTzzJMGyRwdkLUgojlpt0LDfXV-O19M8Z1JcwkYxiXpeQwlbNlAHL44GaAsZWOMAao363NT7kS8GJ7_1rnwkHztXiy8J5E/s1600/Fresque-de-C215-paris-13-Way-Of-Street-Art-WOSA-C125-I-m-not-vandal-1.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="141" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj6mfYN2VKJehPWYU292pX4ZL_r3banemAGhl7Tc-mHhuGRJRgTzzJMGyRwdkLUgojlpt0LDfXV-O19M8Z1JcwkYxiXpeQwlbNlAHL44GaAsZWOMAao363NT7kS8GJ7_1rnwkHztXiy8J5E/s200/Fresque-de-C215-paris-13-Way-Of-Street-Art-WOSA-C125-I-m-not-vandal-1.jpg" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">C215, à Paris</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
P { margin-bottom: 0.21cm }
</style>
</div>
-->
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Dans
le même temps, des acteurs et promoteurs du street art revendiquent
des liens avec l'art contemporain, depuis le Pop Art, le Nouveau
Réalisme et Fluxus jusqu'aux pratiques <i>in situ</i>
ou <i>site </i>specific, en
passant par les collages urbains d'Edouard Pignon-Ernest. Ainsi de
Swoon, artiste états-unienne née en 1978, qui, dans une vidéo
diffusée au MIMA, se réclame autant de Richard Serra et Gordon
Matta-Clark que de l'influence des marionnettes indonésiennes, quand
rien dans son installation dans l'espace du MIMA ne ressortit en une
quelconque mesure aux problématiques de <i>site specificity</i>,
ni sur le plan de la structure et des formes (découpes et collages
de formes et de figures ornementales sans considération ou
interaction avec les murs et espaces investis), ni sur le plan de
l'iconographie (exotique). Dans ce cas, la référence à l'art
contemporain engage uniquement la question de l'appropriation et de
la captation d'un double capital symbolique, d'un concept et d'un
champ culturels considérés comme distinctifs, afin de conférer au
travail une dimension plus élevée.</span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"> </span></span>
</div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh8N5SCRIyzY5I9Mt6-G7co8BrxLKa4yB9-xOVuXklze6tGBdjyK_iuOXF2KtQS6cfVad6lWiQsPsVoIKceJHrvLjGQBiUAiN995CXT3Rq9HjDIBg2bhT_erk1tFKFUwykb1dDsHAVXCb4d/s1600/SWOON_MIMA08_PHOTO-Credit_THEPICKLES-and-MIMAMUSEUL.EU_2016.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="213" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh8N5SCRIyzY5I9Mt6-G7co8BrxLKa4yB9-xOVuXklze6tGBdjyK_iuOXF2KtQS6cfVad6lWiQsPsVoIKceJHrvLjGQBiUAiN995CXT3Rq9HjDIBg2bhT_erk1tFKFUwykb1dDsHAVXCb4d/s320/SWOON_MIMA08_PHOTO-Credit_THEPICKLES-and-MIMAMUSEUL.EU_2016.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Swoon, au MIMA, Bruxelles, 2016</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>Pastorales
urbaines</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span style="font-style: normal; font-weight: normal;">Cette
appropriation du capital symbolique de l'art contemporain par des
artistes street pourrait être considérée comme un juste retour des
choses, à partir du moment où les artistes modernistes,
avant-gardistes et contemporains se sont pour beaucoup appropriés
des formes et des pratiques issues des cultures populaires,
minoritaires, subalternes ou vernaculaires depuis la fin du XIXème
siècle. Sauf que la majorité des artistes street aujourd'hui les
plus diffusés et reconnus ne proviennent pas de groupes, de
cultures, de communautés ou de classes sociales populaires,
minoritaires ou subalternes. Si l'on fait un trombinoscope de ces
artistes, on s'aperçoit qu'ils sont très majoritairement des hommes
blancs, et si l'on suit le fil de leurs biographies, rares sont ceux
qui proviennent de classes populaires. Néanmoins, tous revendiquent
un art populaire, un goût pour les formes populaires de l'art, voire
une contestation de l'art contemporain et des valeurs dominantes de
la société, née de pratiques ancrées dans les marges, le dégradé
et le dégradant. La recherche d'une authenticité et d'une
crédibilité de la marginalité de l'artiste s'entend chez certains,
comme par exemple le Belge Sozyone Gonzalez (né en 1972), représenté
par la galerie Alice à Bruxelles, lorsqu'il présente ainsi son
exposition </span><i style="font-weight: normal;">G.I.P.S.Y</i><span style="font-style: normal; font-weight: normal;">
(pour </span><i style="font-weight: normal;">Graffiti Is Probably Scaring You</i><span style="font-style: normal;">) :
« quand tu fais du graffiti, tu pars avec ton sac, tu vas faire
un train, un mur, un terrain vague, un pont, une autoroute, tu pars
en vêtement de warrior...T'es un gipsy, avec une bande de gipsys.
Les graffiti artistes, par rapport à l'art contemporain, sont vus
comme des gitans, les indésirables, les sales » <b>(6)</b>.</span></span></span></div>
</div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJ5kaYZfu4Swuc7dcYBzhJ8oBbaRqyk_DXyk6mraN-zbA28vg8Dp-Fid9peQKThNZFOlydJFxBJ4vJSC_QB61CwzHShdex2KbKBXS-1Nrcv-lwB7ky4OabA1yEVFynyRjJvg3emzllIBbJ/s1600/20160503Denis-31.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="133" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiJ5kaYZfu4Swuc7dcYBzhJ8oBbaRqyk_DXyk6mraN-zbA28vg8Dp-Fid9peQKThNZFOlydJFxBJ4vJSC_QB61CwzHShdex2KbKBXS-1Nrcv-lwB7ky4OabA1yEVFynyRjJvg3emzllIBbJ/s200/20160503Denis-31.jpg" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Denis Meyers, <i>Remember Souvenir</i>,<br />
Solvay, Ixelles, Bruxelles, 2016</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhgfqkO0I2Fs0Uxw70b91-bxbPUfuH5KlHPO_6f-4iPa4HKgtqV4-EGqsOjwqrWiAqcm9oNh6hory0xirDGC8AGLruCXkHuyL0vdRbOK2P0cHWY_Nr9LQmqsdJuh4YkiFnUqW8fLmkQUVK_/s1600/maxresdefault.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="112" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhgfqkO0I2Fs0Uxw70b91-bxbPUfuH5KlHPO_6f-4iPa4HKgtqV4-EGqsOjwqrWiAqcm9oNh6hory0xirDGC8AGLruCXkHuyL0vdRbOK2P0cHWY_Nr9LQmqsdJuh4YkiFnUqW8fLmkQUVK_/s200/maxresdefault.jpg" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Sozyone signant un de ses tableaux pour son <br />
exposition <i>G.I.P.S.Y</i>, Speestra Gallery, Suisse, 2012</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<style type="text/css">
<!--
@page { margin: 2cm }
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P { margin-bottom: 0.21cm }
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</style>
<br />
-->
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Comme
le pointe le graffitiste français Lokiss, l'encanaillement est un
motif évident de l'intérêt de populations bourgeoises pour le
street art</span><span style="font-size: 8.55px;"> </span><b style="font-size: large;">(7)</b><span style="font-size: medium;">. Via la production d'un artiste comme Sozyone ou d'un semblable, des
acquéreurs de ses œuvres de format domestique (tableaux, sculpture)
peuvent faire valoir une distinction canaille au sein de leur classe
sociale. Une forme d'usurpation d'une identité populaire et
banlieusarde a lieu dans ce processus, de la part d'artistes street
(qui prétendent venir de la rue et des marges en s'appropriant ou
revendiquant leurs langages et apparences mythifiées</span><span style="font-size: 15px;"> </span><span style="font-size: medium;"><b>(8)</b>),
et ceci facilite d'autant mieux l'appropriation par leurs clients
d'une vision pastorale des marges urbaines. Ce processus est le plus
frappant dans le cas d'expositions telles </span><i style="font-size: large;">Graffiti Art,
tableaux de légende 1970-1990</i><span style="font-size: medium;">
prenant place dans l'Institut Bernard Magrez à Bordeaux,
c'est-à-dire dans « l'écrin somptueux » du Château
Labottière. Là où les scènes de pastorales rurales rappelaient la
« vraie vie » aux aristocrates et grands bourgeois du
XVIIIème siècle, désormais des fragments de pastorales urbaines
évoquent une vision enchantée des banlieues via le graffiti sur
toile. Ce pastoralisme se déploie plus encore dans le goût bohème
pour les friches industrielles, depuis la promotion du « loft
living » (analysé par Sharon Zukin dès 1982) jusqu'aux
réhabilitations et gentrifications planifiées de quartiers
populaires (comme toute la façade de Molenbeek le long du canal,
incluant le MIMA), en passant par l'esthétique post-industrielle et
faux squat de lieux d'art contemporain, tel le Palais de Tokyo à
Paris, en plein cœur des quartiers les plus riches de la ville.
L'investissement en 2016, par le Belge Denis Meyers (né en 1979),
des 25000 m2 de l'ancien siège de la firme Solvay à Ixelles
(</span><i style="font-size: large;">Remember Souvenir</i><span style="font-size: medium;">)
synthétise ce double aspect, d'usurpation d'identité marginale et
de pastorale post-industrielle, tout en valorisant une esthétique et
une économie spectaculaires et médiatiques</span><span style="font-size: 15px;"> </span><span style="font-size: medium;"><b>(9)</b>.</span></span></div>
<div id="sdfootnote1">
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
</div>
<div id="sdfootnote3">
</div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: right; margin-left: 1em; text-align: right;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpnNLXvLRce1a4GxiHMBJIhFJEyAkdRaf2byG18qiJUvpvo0mIRPNbUBlfVYL_3Sp_Jo09ifJrTifGdQlSpyG8j4sFLllnH5ubaePJY7AnSEr2NL1ant-mnQoWu2XoBlzaePc98ZtZPCg3/s1600/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-02-16+a%25CC%2580+13.02.49.png" imageanchor="1" style="clear: right; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="214" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpnNLXvLRce1a4GxiHMBJIhFJEyAkdRaf2byG18qiJUvpvo0mIRPNbUBlfVYL_3Sp_Jo09ifJrTifGdQlSpyG8j4sFLllnH5ubaePJY7AnSEr2NL1ant-mnQoWu2XoBlzaePc98ZtZPCg3/s320/Capture+d%25E2%2580%2599e%25CC%2581cran+2017-02-16+a%25CC%2580+13.02.49.png" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Gilles Iniesta, mécène du projet <i>Street Art City</i>, dans l'Allier</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxnP0pO08xk-MxregpQSTwuzA73psOq4Qz5di-IlwtBbEUU3aYgNY19sC59kWq6xJ3S0F9El8GVi9Sz2DTfd7oexMuSgyrsnYO-qGFZiFe41VeCQmo0z_H_enV8_KvTpsi-Xdus37G-ANW/s1600/Institut-Bernard-Magrez-Jaguar-Graffiti-by-Jonone.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="127" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxnP0pO08xk-MxregpQSTwuzA73psOq4Qz5di-IlwtBbEUU3aYgNY19sC59kWq6xJ3S0F9El8GVi9Sz2DTfd7oexMuSgyrsnYO-qGFZiFe41VeCQmo0z_H_enV8_KvTpsi-Xdus37G-ANW/s200/Institut-Bernard-Magrez-Jaguar-Graffiti-by-Jonone.jpg" width="200" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">Jaguar graffitée par Jonone, Institut Bernard <br />
Magrez, Bordeaux, 2015</td></tr>
</tbody></table>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif; text-align: left;"><br /></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><span style="font-style: normal;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span>
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-style: normal;"><span style="font-size: medium;">La
combinaison de l'appropriation d'identités populaires et marginales
par des artistes street et du pastoralisme bourgeois produit une
situation idéologique compliquée et potentiellement perverse, car
elle porte et fige une idée du populaire gouvernée par des
projections et attentes exogènes (de la part des artistes comme des promoteurs et acquéreurs de leurs œuvres), et elle renvoie
toute critique du street art à des positions élitistes — ce qui
permet aux véritables élites, traditionnelles ou nouvelles,
uniquement intéressées par ce qui rapporte immédiatement sur un
plan économique et symbolique, de ne pas paraître pour telles en
passant pour proches du peuple, voire en être et le représenter.
Or, le street art rapporte, sur un mode économique hybride, entre
marché classique de l'art (de plus en plus de galeries spécialisées,
de ventes aux enchères dévolues) et opérations médiatiques (des
films de JR à la Tour 13 à Paris</span><b style="font-size: large;">(10)</b><span style="font-size: medium;">),
s'associant à la mode, au développement de boutiques de produits
dérivés</span><span style="font-size: 8.55px;"> </span><b style="font-size: large;">(11) </b><span style="font-size: medium;">et à diverses mondanités (le parcours du graffitiste André, dit Mr
A, est exemplaire, depuis son « concept-store » au Palais
de Tokyo jusqu'au club parisien Le Baron, décliné en différents
clubs et hôtels dans le monde). Loin d'être marginal, il est un des
visages de ce qui domine idéologiquement et culturellement les
rapports esthétiques, sociaux et politiques dans les développements
actuels du capitalisme, tout comme, dans le champ de l'art
contemporain, les productions de Jeff Koons, Damian Hirst, Wim
Delvoye ou Takashi Murakami. Au-delà des distinctions entre art
contemporain et street art, on peut considérer, avec le critique
anglais Julian Stallabrass, que Banksy autant que Hirst satisfont
l'attente des nouvelles élites et des médias </span><span style="font-size: medium;"><b>(12)</b>. Dès lors, il n'est pas un moindre enjeu aujourd'hui que de remettre
en cause les catégories et usages des termes du « populaire »
quand celui-ci est à ce point assimilé à ses appropriations
bourgeoises et commerciales.</span></span></span></div>
<div id="sdfootnote1" style="font-weight: normal;">
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
<div class="sdfootnote">
<br /></div>
</div>
<div id="sdfootnote3" style="font-weight: normal;">
</div>
</div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: small;"><b>Tristan Trémeau</b></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm;">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>1) </b><a href="http://art42.fr/fr/informations.html#building">http://art42.fr/fr/informations.html#building</a></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><br /></span></span></span></div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote2">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(2) </b>La
« classe créative » est selon un des principaux
promoteurs de cette notion, le géographe Richard Florida,
s'identifie à des secteurs d'activités tels la communication, les
médias, le design, les nouvelles technologies, la recherche et le
développement (<i>The Rise of the Creative Class. And How It's
Transforming Work, Leisure and Everyday Life</i>, 2002).</span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote3">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(3) </b><a href="http://space-invaders.com/flashinvaders/">http://space-invaders.com/flashinvaders/</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote4">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(4) </b><a href="http://www.eclecticprod.com/fr/module/99999720/278/bernard_buffet_le_grand_drangeur#.WKRX-RLhCRs">http://www.eclecticprod.com/fr/module/99999720/278/bernard_buffet_le_grand_drangeur#.WKRX-RLhCRs</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote5">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(5) </b>Un
des deux jurés est Fabrice Bousteau, rédacteur en chef
de <i>Beaux-arts </i>magazine, qui consacre chaque année
au moins un dossier sur le street art.
<a href="http://www.france4.fr/emissions/a-vos-pinceaux">http://www.france4.fr/emissions/a-vos-pinceaux</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote6">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>(6) </b> <a href="https://www.youtube.com/watch?v=KV2h3bAmQPI">https://www.youtube.com/watch?v=KV2h3bAmQPI</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote7">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(7) </b><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/le-street-art-est-il-en-voie-de-museification">https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/le-street-art-est-il-en-voie-de-museification</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote8">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>(8) </b>« J'adore
les sociétés marginales, les voleurs, les gitans. Je trouve ça
noble. » (Sozyone Gonzalez)</span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote9">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(9) </b><a href="http://www.remember-souvenir.me/">http://www.remember-souvenir.me/</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote10">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(10) </b><a href="http://www.tourparis13.fr/#/fr/teaser">http://www.tourparis13.fr/#/fr/teaser</a></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote11">
<div align="LEFT" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(11) </b><a href="http://strokar.be/">http://strokar.be/</a></span></span></span></div>
</div>
<style type="text/css">
<!--
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<div align="LEFT">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times";"><span style="font-size: medium;"><b>(12) </b><a href="https://iai.tv/video/banksy-and-the-media-barons">https://iai.tv/video/banksy-and-the-media-barons</a></span></span></span></div>
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<br />
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-->Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-8844530635297553366.post-8843859224551606412017-01-09T03:10:00.001-08:002017-01-09T03:24:36.360-08:00Michel Parmentier, in situ (2015)<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal;">
<div id="sdfootnote1">
<div id="sdfootnote1">
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; margin-bottom: 0.21cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>"Michel
Parmentier, in situ" a paru fin 2015 dans le livre collectif <i>Une
rose est une rose. Michel Parmentier & pratiques
contemporaines, </i>dirigé par Eric Suchère et Camille
Saint-Jacques, aux éditions Galerie Jean Fournier, collection
"Beautés".</b></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>Extrait
de mon propos : Comment situer l'œuvre et la radicalité de Michel
Parmentier au moment de son association avec Buren, Mosset et Toroni,
par rapport à l'état de l'art en France dans les années 1960, et
par rapport au soupçon d'une alliance entre certaines
néo-avant-gardes et la société du Spectacle ?</b></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjux38HesYyae5qHxmymApwIhG4nTr1cu7AuSd5a7XmI27jOvezSWiTn96vsgX7rXIH_aDgf_QQTjp6DqqcitIoPDJVnL-ypAobHInd06HuYp-XjCAGbwIdoK0OiBwmvFYY1n7zE3WKqvWd/s1600/72385.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjux38HesYyae5qHxmymApwIhG4nTr1cu7AuSd5a7XmI27jOvezSWiTn96vsgX7rXIH_aDgf_QQTjp6DqqcitIoPDJVnL-ypAobHInd06HuYp-XjCAGbwIdoK0OiBwmvFYY1n7zE3WKqvWd/s320/72385.jpg" width="203" /></a></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br />
<br /></div>
<div lang="fr-FR" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<div style="text-align: center;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>MICHEL
PARMENTIER, IN SITU</b></span></span></span></div>
</div>
<div style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">
<div style="text-align: center;">
<br /></div>
</div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Comment
comprendre la radicalité des œuvres, des manifestations et des
positions exposées et énoncées par Michel Parmentier et ses
compères Daniel Buren, Olivier Mosset et Niele Toroni en lors du
Salon de la Jeune Peinture à Paris en 1966 et sur la scène du
Centre expérimental du spectacle, auditorium du Musée des arts
décoratifs à Paris en 1967 ? Dans le contexte artistique et
institutionnel français de l’époque, adopter une pratique
picturale littérale et une posture d’énonciation tout aussi
littérale quant à « ce qu’il faut y voir » — « Une
toile de 2,50 m x 2,50 m divisée en 29 bandes égales et verticales,
rouges et blanches, dont les extrêmes sont recouvertes de blanc
(BUREN). Un cercle noir au centre d’une toile blanche (MOSSET). Sur
une toile de 2,50 m x 2,50 m des bandes horizontales alternées
grises et blanches de 0,38 m x 2,50 m. Partielle, la septième (et
dernière) bande mesure 0,22 m x 2,50 m (PARMENTIER). 85 empreintes
bleues d’un pinceau plat (n°50), à intervalle de 0,30 m, sur une
surface blanche de 2,50 m x 2,50 m (TORONI) » —, relève
d’abord d’un rejet des attendus alors dominants au sujet de la
peinture : rejet de toute composition graphique et de toute balance
chromatique, rejet de tout contraste de formes, de gestes et de
signes, rejet de toute expression d’une quelconque intériorité du
« sujet peignant » (pour reprendre une notion qui
apparaîtra une dizaine d’années plus tard lorsque des peintres de
cette génération vivront un « retour du refoulé » —
le corps, le sujet, l’inconscient…), rejet de toute
représentation quotidienne et de toute dénonciation explicite de
situations politiques conjoncturelles et conflictuelles. À ce
compte, Buren, Mosset, Parmentier et Toroni rejetaient à peu près
tout ce qui se présentait et se manifestait comme art moderne et
comme avant-garde à Paris durant leurs années de formation (les
années 1950) et ce qui, dans les années 1960, constituait
l’environnement immédiat de leurs premières manifestations
radicales : aussi bien la Nouvelle École de Paris et ses différentes
tendances qui pouvaient se confondre (art informel, tachisme,
abstraction lyrique, paysagiste abstrait, nuagisme…) que
l’abstraction géométrique issue des avant-gardes constructivistes
européennes et en relation avec les développements de
l’architecture et de l’urbanisme modernistes (la Salon des
Réalités Nouvelles en était le haut lieu), les tendances
néo-dadaïstes (Nouveau Réalisme et Fluxus) que la Figuration
Narrative.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Je
reviendrai sur cette accumulation de rejets et ses raisons. Avant
cela, il faut constater, comme l’ont pointé Philip Armstrong,
Laura Lisbon et Steven Melville, commissaires de l’exposition <i>As
Painting. Division and Displacement</i> qui se tint en 2001 au
Wexner Center for the Arts à Colombus dans l’Ohio aux États-Unis
(laquelle réunissait et confrontait, je crois, pour la première
fois et de façon très précise les pratiques dites de décontruction
de la peinture et du tableau aux États-Unis, en France et en
Allemagne depuis les années 1960), que la particularité de BMPT,
mais aussi et en d’autres mesures de Supports-Surfaces puis de Ja
Na Pa <b>(1)</b>, fut de critiquer la peinture par les
moyens de la peinture et de ne jamais évacuer ce médium et ses
dimensions ou caractéristiques idéologiques (le tableau comme
dispositif de représentation) au profit quasi exclusif d’autres
médiums, dimensions et dispositifs (volume, environnement,
installation, happening, photographie, film, textes…). Et ce,
malgré la déclaration de sécession de BMPT à l’égard du Salon
de la Jeune Peinture en janvier 1967 : « Aujourd’hui à 20h15
précise, nous avons quitté le Salon de la Jeune Peinture (…)
parce que, surtout, ces Salons montrent de la Peinture et que la
Peinture, jusqu’à preuve du contraire, est par vocation
objectivement réactionnaire ». Le rejet de la Peinture,
majusculée, c’est-à-dire les représentations dominantes déjà
évoquées, se fait donc par les moyens de la peinture, dans ses
dimensions et caractéristiques matérielles et <i>objectives</i>,
c’est-à-dire sa littéralité. Car l’autre particularité de
BMPT, selon Armstrong, Lisbon et Melville, fut de ne rien concéder
au modèle formaliste et essentialiste qui caractérisait la
compréhension moderniste états-unienne des évolutions et de
l’histoire de la peinture depuis le déploiement <i>all
over</i> des œuvres de Jackson Pollock, et qui, selon les
termes de l’historien et critique d’art Michael Fried, s’opposait
au littéralisme et se préservait de toute réduction de la peinture
et du tableau à l’ « objectité » <b>(2)</b>.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Il
pourrait pourtant être tentant de rabattre les pratiques
picturales littéralistes de Buren, Mosset, Parmentier et Toroni, en
1966-67, sur ce modèle formaliste et essentialiste puisque leurs
œuvres partagent <i>a priori</i> le souci de réduire la
peinture et le tableau à ses « dimensions constitutives ou
normes » <b>(3)</b>, pour reprendre les termes du
critique d’art états-unien Clement Greenberg, idéologue principal
de la tendance moderniste à la planéité comme visée essentialiste
et à l’autonomie spatiale du tableau. On pourrait même considérer
la double radicalité caractéristique des méthodes de Buren,
Mosset, Parmentier et Toroni — adoption d’un principe de
non-composition réitéré de tableau en tableau et retrait
consécutif des dimensions subjectives du geste au profit d’une
application mesurée et quasi mécanique de la peinture — comme un
écho de la radicalité de Frank Stella qui, dès le tournant des
années 1950-1960, acheva d’une certaine manière le programme
« greenbergien », formaliste et essentialiste, en
réduisant sa palette au noir, ses modes de composition à la
réitération interne des limites externes du tableau et son geste à
l’application sans bavure d’une peinture semblable à celle des
peintres en bâtiment. « What you see is what you see »
déclara Stella dans un entretien fameux de 1966 <b>(4)</b>,
essentiel pour interpréter une partie de ce qui était en jeu dans
le courant minimaliste états-unien. Cette déclaration tautologique
résonne fort avec celle du tract de Buren, Mosset, Parmentier et
Toroni, distribué lors de la <i>Manifestation 3</i> au
Musée des arts décoratifs à Paris en juin 1967 : « Il ne
s’agissait évidemment que de regarder des toiles de BUREN, MOSSET,
PARMENTIER, TORONI » dans lesquelles il ne fallait voir que ce
qui, <i>objectivement</i>, était à voir et à dire.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Je
pense qu’on aurait tord de rabattre complètement cette position
manifestée par B, M, P et T sur le projet esthétique de Stella et,
par extension, des artistes minimalistes états-uniens, quand bien
même, dans leurs entretiens postérieurs, Buren et Parmentier
surtout, reconnurent des liens avec, et des intérêts pour le
minimalisme. D’abord, parce que la connaissance immédiate des
œuvres minimalistes états-uniennes était extrêmement rare de la
part des artistes français dans les années 1960. Il faudra attendre
1968 et la grande exposition <i>L’art du réel</i> au
Grand Palais pour que soit garantie une visibilité et une
connaissance directes des productions esthétiques états-uniennes en
France. À ma connaissance, seul Daniel Dezeuze, avant la création
du groupe Supports-Surfaces, de par ses séjours prolongés au
Canada, avait pu visiter les galeries new-yorkaises et lire tant les
écrits des critiques d’art Clement Greenberg et Michael Fried,
défenseurs d’une vision moderniste mise à mal par le littéralisme
minimaliste, que ceux des artistes minimalistes ou dits
postminimalistes (de Frank Stella et Robert Morris à Robert
Smithson), dans les pages de revues telle <i>Artforum</i>. S’il
est envisageable que des transmissions, des connaissances non
immédiates des œuvres et débats de positions états-uniens ont
sans doute nourri au cours des années 1960 les approches liminaires
et les postures radicales de Buren, Mosset, Parmentier et Toroni, et
donc que leurs œuvres participèrent d’une « atmosphère »
esthétique-théorique-critique d’époque, je pense que c’est en
confrontant leurs positions au contexte français (comme en
témoignent quasiment tous leurs propos d’époque et postérieurs)
que l’on pourra comprendre les principaux motifs de leur
radicalité et de leur rejet aussi bien de « la Peinture »
que de ce que Buren et Parmentier disqualifieront ensuite comme
« avant-gardisme ».</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Pour
cela, il faut se souvenir d’abord que deux formes esthétiques
radicales avaient jusqu’à récemment connu des fortunes critiques
négatives au sein même de la « scène artistique française »
(qui comprenait de nombreux artistes étrangers « nationalisés »
sous l’appellation large d’École de Paris, venant d’Europe
mais aussi des continents américain, africain et asiatique) : le
monochrome et le ready-made. Ainsi Yves Klein avait-il vu ses
tableaux monochromes rejetés par le comité artistique du Salon des
Réalités Nouvelles en 1954, car jugés insuffisamment picturaux et
composés. Un tracé, un signe, un geste eussent suffit et renvoyé
le monochrome à son rôle de <i>fond</i> et non d’œuvre.
À Paris, au milieu des années 1950, un monochrome ne pouvait donc
être reconnu comme une œuvre, car insuffisamment ouvragé. Ce rejet
peut rétrospectivement surprendre, car le Salon des Réalités
Nouvelles s’inscrivait dans la continuité des recherches
constructivistes européennes de l’entre-deux-guerre. Or, ce fut
bien un constructiviste, Alexandre Rodtchenko, qui peignit et exposa
en 1921 à Moscou les trois premiers monochromes de l’histoire des
avant-gardes, signifiant par ce geste la « fin du tableau de
chevalet », d’autant plus que ces trois monochromes (un
jaune, un rouge, un bleu), étaient combinés à l’exposition
de sculptures suspendues dans l’espace qui, pour l’artiste
russe, déterminaient et engageaient un dépassement de la
peinture au profit d’une exploration de l’espace et de nouveaux
moyens technologiques en lien avec l’industrie. À la suite de
cette exposition intitulée <i>5x5=</i>25, le critique d’art
russe Nicolas Taraboukine a ainsi traduit cet adieu à la peinture
: <i>« Je pense à un tableau de Rodtchenko proposé cette
saison à l</i>’<i>attention des spectateurs étonnés.
C</i>’<i>est un petit tableau presque carré, peint entièrement en
rouge. Ce tableau est très significatif de l’évolution des formes
que l’art a connue au cours de la dernière décennie. Il ne
représente pas une étape qui pourrait être suivie d’autres
nouvelles étapes, mais le dernier pas sur une longue route, le
dernier mot après lequel la parole du peintre doit se taire, le
dernier « tableau »</i> <i>cr</i><span lang="nl-NL"><i>éé </i></span><i>par
un peintre. Ce tableau montre éloquemment que la peinture en
tant qu’art de la représentativité, et ce qu’elle fut toujours,
s’est éliminée elle-même</i> <i>» </i><b>(5)</b>.
Dans la mémoire des avant-gardes européennes, le monochrome avait
donc pour fonction de signifier la fin de la peinture, y compris de
« la peinture en tant que telle » qu’avait promue
Kazimir Malévitch et le suprématisme, sans doute le mouvement qui
incarna au plus haut point le projet moderniste pictural, formaliste
et essentialiste, bien avant que Greenberg n’en redéfinisse
l’objet et les objectifs après la Deuxième Guerre mondiale <b>(6)</b>.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Or,
ce qui porta Rodtchenko en 1921, dans le contexte
post-révolutionnaire bolchévique, à en finir avec la peinture par
les moyens du monochrome et à déployer son travail dans le sens du
constructivisme et du productivisme, pour participer aux ambitions de
transformer la société russe notamment par les moyens de l’art,
n’avait pas d’actualité à Paris après la Deuxième Guerre
mondiale. Si le Salon des Réalités Nouvelles et une revue comme <i>Art
et architecture d’aujourd’hui</i> témoignaient de volontés
d’artistes, peintres et sculpteurs, de concourir à la
transformation et à la modernisation des espaces et des modes de
vies par le développement de « formes nouvelles », il
n’en allait pas d’un abandon ou d’un rejet du tableau et de la
sculpture. Il n’en allait pas non plus d’une fusion entre les
principes architecturaux, picturaux et sculpturaux, mais de projets
d’intégration de la peinture et de la sculpture dans des projets
architecturaux et urbains, où la peinture et la sculpture
conservaient leurs statuts d’art relativement autonomes, et où les
formes développées dans ces arts renvoyaient à celles déployées
dans l’architecture, l’urbanisme et le design. Certes, des
peintres et des sculpteurs pouvaient ponctuellement devenir
concepteurs d’espaces architecturaux, souvent privés (leur propre
demeure, leur propre atelier), mais des architectes, des
constructeurs s’affirmaient aussi comme peintres (tel Le Corbusier)
et reconnaissaient à la peinture comme à la sculpture une autonomie
d’existence et de pertinence esthétique. Le projet avant-gardiste
de fusion constructiviste de tous les arts n’avait pour ainsi dire
plus cours, en tout cas en France, après la Deuxième Guerre
mondiale et, pour revenir à la question du monochrome, celui-ci ne
jouissait alors d’aucune considération esthétique car soupçonné
de relever d’une attitude anti-artistique et du non-art.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Ces
notions d’anti-art et/ou de non-art, récurrentes dans les années
1950-1960 aussi bien en France qu’aux États-Unis, sont complexes,
car elles désignent alors des objets, des pratiques qui, à
l’intérieur de l’art, semblent en remettre en cause les limites,
les conventions. Il n’y a d’anti-art et de non-art qu’artistique,
motivé par, et depuis l’intérieur de l’art. Le monochrome ne
fut pas le seul type d’objet considéré comme anti-art. Le
ready-made le fut aussi. Il est important de relever que l’œuvre
de Marcel Duchamp n’était alors principalement acceptée et
reconnue dans le milieu de l’art parisien que, d’une part, pour
ses liens premiers avec le fauvisme, le cubisme et le futurisme, et
d’autre part dans ses dimensions surréalistes et pataphysiques (à
travers la question de la machine célibataire, ses dimensions
érotiques et ésotériques, son symbolisme qui culminèrent dans
le <i>Grand Verre</i>). Le ready-made résistait encore à la
reconnaissance, car identifié à un geste purement anti-art, aussi
bien potache que destructeur des conventions esthétiques
traditionnelles, mais aussi des conventions modernistes (l’aspiration
à l’essence et à la vérité de l’art et de chaque médium
particulier) et des aspirations esthétiques et politiques
avant-gardistes. En effet, historiquement et idéologiquement,
l’avant-garde se définit en trois temps : 1. destruction d’un
régime esthétique dominant, assimilé à l’académisme et
identifié à une société bourgeoise jugée décadente et
oppressive, 2. quête et révélation d’une nouvelle vérité de
l’art qui s’opposerait à toutes les « illusions » et
aux « simulacres » de cet académisme prisé par cette
même société qui domine les représentation et le peuple, 3. désir
de totalité, c’est-à-dire de transformation du monde et des modes
de vie par l’art, par l’action directe et expansive de « l’art
nouveau » au bénéfice d’un « monde nouveau » et
d’un « homme nouveau », complètement refondés selon
une vision révolutionnaire.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Au
regard de cette définition de l’avant-garde, le ready-made peut
apparaître comme n’en ressortissant pas, ou à peine. Parce qu’il
ne serait que destructeur et non porteur de projet positif et
progressiste pour l’avenir de l’art et de la société, le
ready-made relèverait du « non art » ou de
« l’anti-art », pas seulement d’un point de vue
académique ou conservateur, mais du point de vue avant-gardiste
aussi bien que moderniste (ces deux visions partageant une même
vision progressiste de l’histoire, de l’art et de l’humanité).
Plus encore, le relativisme esthétique et idéologique qui
caractériserait le ready-made irait à l’encontre de l’aspiration
avant-gardiste à la vérité, à l’unité et à la totalité.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Sur
les œuvres et manifestations de Buren, Mosset, Parmentier et
Torini a pesé dès 1966 le double soupçon de relever tant du
monochrome (si leurs toiles n’étaient point monochromes, leurs
aspects répétitifs et mécaniques renvoyaient à l’absence
d’ouvrage qui les disqualifiait, y compris pour les modernistes, en
tant qu’œuvres reconnaissables comme telles) que du ready-made
(Buren travaillant à partir d’un support manufacturé, une toile
imprimée de bandes verticales, et y apposant une quantité
extrêmement réduite de peinture). Leur attitude vindicative et
sécessionniste vis-à-vis du monde de l’art a accru ce soupçon
d’une position résolument négative, anti-art, laquelle
n’engagerait aucune perspective d’avenir, aucune positivité
esthétique à venir. En cela, ils n’étaient pas d’avant-garde
et, d’ailleurs, ils ne revendiquèrent jamais une quelconque
position ou ambition d’avant-garde. Par ailleurs, les textes et
entretiens de Parmentier comme de Buren témoignent tous d’une
défiance, voire d’un rejet de ce qu’ils nomment
« avant-gardisme ».</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Pour
comprendre cette défiance, il faut de nouveau se reporter au
contexte parisien des années 1960. Celui-ci était notamment animé,
dominé par une figure importante de la critique et des médiations
de l’art, Pierre Restany. C’est lui qui, en avril 1960, rédigea
le Manifeste des Nouveaux Réalistes, que signèrent ensuite Yves
Klein, Raymond Hains, Jacques Villegé, Jean Tinguely, César, Arman,
François Dufrêne, Mimmo Rotella et Martial Raysse. Ce manifeste, et
d’autres textes publiés par Restany pour accompagner et défendre
les artistes nouveaux réalistes, avait pour objectif de proposer une
vision positive et enchantante du monochrome (à travers les
positions et déclarations transcendantales d’Yves Klein) et,
surtout, du ready-made. Pour Pierre Restany, exposer des affiches
déchirées provenant des espaces urbains, des compressions de
voiture, des images lumineuses de femmes inspirées par le cinéma ou
des empilements et découpes d’objets quotidiens, revenait à
assigner <i>« à comparaître la
réalité sociologique tout entière, le bien commun de
l’activité de tous les hommes, la grande république de
nos échanges sociaux, de notre commerce en société »</i>.
Dans <i>40° au-dessus de Dada</i> <span lang="en-US">(1961),
Restany consid</span>érait que le ready-made ne devait plus être
considéré comme un <i>« </i><span lang="nl-NL"><i>geste
anti-art </i></span><i>»</i>, ni comme la remise en cause du
statut classique de l’œuvre d’art. Le ready-made se
chargerait, avec les nouveaux réalistes, de <i>« positivité
»</i> et traduirait <i>« le droit à l</i>’<i>expression
directe de tout un secteur organique de l’activité moderne,
celui de la ville, de la rue, de l’usine, de la production en
série. »</i> <span lang="it-IT">La s</span>élection et
l’exposition d’un objet commun reviendraient à adhérer au
monde tel qu’il est, tel qu’il va : <i>« L</i>’<span lang="es-ES"><i>esprit
dada s</i></span>’<i>identifie à un mode d</i>’<i>appropriation
de la réalité extérieure du monde moderne. Le ready-made n’est
plus le comble de la négativité ou de la polémique, mais
l’élément de base d’un nouveau répertoire expressif. » </i>Cette
adhésion de l’art au monde serait facilitée par le fait
que <i>« les nouveaux réalistes considèrent le Monde comme un
Tableau, le Grand Œuvre fondamental dont ils s’approprient
des fragments dotés d</i>’<i>universelle signifiance. »</i></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Cette
vision du ready-made est rejetée dans la deuxième moitié des
années 1960 par BMPT, car elle est perçue comme une
esthétisation-célébration de la société de consommation, et à
ce titre renvoyée à une position droitière, capitaliste, que ces
artistes de gauche rejettent. De fait, Pierre Restany fut membre de
tous l<span lang="es-ES">es cabinets minist</span>ériels de
Jacques Chaban-Delmas, député-maire gaulliste de Bordeaux et futur
Premier Ministre sous la présidence de Georges Pompidou<a class="sdfootnoteanc" href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=8844530635297553366#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a>.
Par ailleurs, les Nouveaux Réalistes, aussi bien que les artistes
cinétiques, furent fortement reconnus et soutenus
institutionnellement et politiquement par des acteurs politiques
importants comme Georges Pompidou, premier ministre puis président
de la république, lequel sera le commanditaire de la fameuse
exposition <i>Douze ans d’art contemporain en France,
1960-1972</i>, plus connue sous son surnom « Exposition
Pompidou », qui se tint en 1972 au Grand Palais à Paris et qui
suscita chez les artistes des attitudes contrastées : participation,
refus de participation (ce fut le cas notamment de Buren), retrait
des œuvres le jour du vernissage (la coopérative des Malassis),
manifestation et confrontation avec les CRS. Si Parmentier accepta
d’y participer, ce fut pour témoigner de son <i>« arrêt
définitif de peindre en 1968 » </i><b>(8)</b>, et donc de
participer au spectacle institutionnel et marchand de l’art.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Par
ailleurs, ce « renversement positif » <b>(9)</b> du
ready-made duchampien conduisit certains jeunes artistes, dont Michel
Parmentier, Daniel Buren ou Daniel Dezeuze, à rejeter Dada comme
référence. Car Dada était alors identifié à ce renversement
positif, au développement d’une esthétique Pop que ces artistes
rejetaient et, plus profondément, à un mode d’être du dadaïsme
parisien qui, dans l’entre-deux-guerre, renvoyait à un amusement
mondain-bohème de la bourgeoisie parisienne, focalisé autour de
figures comme Tristan Tzara et Francis Picabia. Un des risques de
Dada à la parisienne était en effet de produire, de conforter une
figure de l’artiste trublion, clown ou fou du roi animateur de
soirées ou de salons bourgeois. D’où, en 1967, le rejet par BMPT
de répondre à l’invitation de l’artiste Fluxus — et donc
néo-dadaïste — Ben Vautier à participer à son
journal <i>Fourre-tout</i> : <i>« Votre
proposition nous émeut autant que celles de Mathieu, de l’Op Art
et Yves Brayer. Vous commettriez une erreur à croire que nous sommes
proches de vous. De toute évidence, nous ne faisons pas la même
chose. » </i><b>(10)</b> D’où le rejet, aussi, de
la performance, de l’action publique « scandalisante »
ou spectaculaire. Marcel Duchamp dira d’ailleurs à propos de
la <i>Manifestation 3</i> de BMPT au Musée des arts
décoratifs, que <i>« comme performance frustrante on n’a
pas fait mieux »</i>. D’où le rejet, aussi, au même moment,
du dadaïsme de salon, par Guy Debord et l’Internationale
Situationniste. Ce qui fera d’ailleurs dire plus tard à Parmentier
et à Buren que leurs inspirations idéologiques,
esthético-politiques, étaient plus situationnistes que
dadaïstes <b>(11)</b>.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Un
autre ennemi esthétique et politique était, pour BMPT comme pour
Daniel Dezeuze, l’art comme animation et le devenir animateur de
certains artistes et courants artistiques dans un contexte marqué,
depuis 1958 et la nomination d’André Malraux comme Ministre de la
Culture, par les développements des politiques dites de
démocratisation culturelle (on peut songer aux actions
spectaculaires et ludiques lors du festival des Nouveaux Réalistes,
organisé par Pierre Restany sur la place du Duomo à Milan en 1969).
C’est sans doute Daniel Dezeuze qui stigmatisa le plus sévèrement
en 1967 cette transformation de l’artiste comme animateur
: <i>« baignant dans le « culturel</i> <i>», </i>(il) <span lang="en-US"><i>administrera
des th</i></span><i>éâtres de marionnettes et des « centres
de sensibilité</i> <i>» (...) Et comment ne pas enfourcher les
chevaux de cet étourdissant carrousel : responsabilité sociale,
action sur la culture populaire, pédagogie triomphante du </i><span lang="en-US">vates</span><i>,
soi-disant accoucheur des masses, fier enfin de voir co</i><span lang="nl-NL"><i>ï</i></span><i>ncider
en lui l’appel intérieur avec l’exercice d</i>’<i>une fonction
heureuse ? » </i><b>(12)</b>. On se souviendra que, dès
les années 1950-1960, les projets institutionnels de
« démocratisation » et de « socialisation de
l’art », comme les saluait en 1969 le critique d’art
anglais Frank Popper, valorisèrent dans les pays industriels
occidentaux des pratiques de <i>« médiation
pédagogique » </i><b>(13)</b>. Ces pratiques pouvaient
être identifiés aux œuvres elles-mêmes (Popper faisait référence
aux œuvres tactiles, participatives et environnementales
cybernétiques proposés par les artistes cinétiques) et à la mise
en place nouvelle de services éducatifs dans les musées. Le tout,
ajoutait Popper, devait donner <i>« satisfaction à
l’individu et à la collectivité »</i>, dans un contexte
marqué par une vision et un vécu optimistes de la croissance de
l’économie industrielle, de la consommation et des loisirs.
La <i>« créativité plastique »</i> que ces
médiations stimulaient était alors un <i>leitmotiv</i> aussi
bien entretenu par les artistes cinétiques technophiles que par les
néo-dadaïstes libertaires : on se souviendra de la
transformation, par Palle Nielsen, du Moderna Museet à Stockholm,
durant trois semaines en 1968, en terrain de jeu et d’aventure pour
enfants en furie. À l’époque, Pontus Hulten était le
conservateur de ce musée, avant de prendre les rênes du Centre
Georges Pompidou à Paris, au sein lequel il envisagea de créer une
école expérimentale d’art, en plus du Musée national d’art
moderne, du Centre de création industrielle et de la Bibliothèque
publique d’information. Cette école ne vit jamais le jour, mais
témoigne d’une volonté encore d’ascendance avant-gardiste
d’inscrire une dimension éducative forte dans une institution
muséale qui, dès sa naissance (1977), fut un manifeste d’une
ambition industrielle. Ce projet était également nourri par l’idée
néo-avant-gardiste, encore une fois partagée autant par les
artistes cinétiques que néo-dadaïstes, de faire du musée un
espace vivant, ouvert à des horizons expérimentaux.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">La
radicalité négative des manifestations de BMPT, en 1966-67, et
l’«arrêt définitif de peindre », en 1968, de Michel
Parmentier, peuvent donc se comprendre comme les
conséquences esthétiques et politiques d’une réaction
idéologiques, critiques à l’égard du devenir spectaculaire,
marchand et institutionnel des avant-gardes, ou de ce qui portait
toujours ce nom dans les années 1960 mais qui s’avérait se
confondre désormais avec les développements
spectaculaires-marchands des sociétés industrielles occidentales.
C’est pourquoi il me semble important de souligner les liens
idéologiques entre les positions radicales adoptées par Buren,
Mosset, Parmentier et Toroni lors des trois manifestations de
1966-1967 et celles de Guy Debord et de l’Internationale
Situationniste, dont l’acmé théorique fut la publication, en
1967, de <i>La société du Spectacle</i>. Pour Guy Debord, la
seule et ultime avant-garde possible était le situationnisme, en
tant que pensée et pratique radicales de sécession, de sédition
avec le Spectacle, considéré comme absolument aliénant et
réifiant. Et pour cela, il fallait aussi rompre avec le devenir
« normal », marchand et spectaculaire, des avant-gardes
impliquées dans le marché du « nouveau ». Les notions
de nouveauté et d’originalité, déjà présentes dans les propos
et positions des avant-gardes historiques mais alors associées à
des perspectives révolutionnaires de transformation gauchiste (de
l’anarcho-socialisme au communisme collectiviste) de la vie et des
modes de vie par l’art, sont devenues, au lendemain de la Deuxième
Guerre mondiale, les principaux critères de définition esthétique,
sociale et économique de l’avant-garde. Ceci conduisit à
faciliter l’assimilation marchande et institutionnelle des
avant-gardes des années 1950-1960, ou plutôt des étiquettes
artistiques qui se succédèrent parfois à un rythme très rapide,
renouvelant l’offre artistique de formes et procédures nouvelles.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">En
parodiant les slogans publicitaires pour des produits de consommation
courante dans le titre de son manifeste de 1961 (<i>For the Finest
Art, Try Pop !</i>), l’artiste Pop britannique Richard
Hamilton traduisit cette conscience d’une nouvelle situation des
avant-gardes, tout en confirmant, dans le texte, le déplacement de
l’identité des avant-gardes : le Pop Art, écrivait-il, se défiait
de positions marquées par la <i>« nostalgie et
l’absolu »</i>. Même les pratiques <i>a priori</i> les
moins en phase avec ce que l’on peut imaginer être l’attente de
la bourgeoisie capitaliste et des opérateurs du marché étaient
désormais bien accueillies et reconnues parce que nouvelles,
inattendues, inouïes et créatives. À la limite, ce furent même
les opérateurs marchands, voire les sponsors d’expositions qui
commencèrent à souligner les dimensions originales, créatives et
innovantes des nouvelles œuvres, s’appropriant ces valeurs,
identifiées à l’innovation industrielle et au dynamisme marchand.
Ce fut le cas du patron de la compagnie Philip Morris qui préfaça,
à l’aide de tous ces mots, le catalogue de l’exposition <i>When
Attitudes Become Forms</i> en 1969 : <i>« Les
œuvres assemblées pour cette exposition ont été regroupées par
nombre d’observateurs de la scène artistique sous le titre d’« art
nouveau ». Nous, chez Philip Morris, pensons qu’il est
approprié de participer à porter ces œuvres à l’attention du
public, parce qu’un élément clé de cet « art nouveau »
a sa contrepartie dans le monde du business. Cet élément est
l’innovation — sans laquelle le progrès serait impossible dans
n’importe quel segment de la société » </i><b>(14)</b>.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Ce
texte du patron de Philip Morris a été repris en 1997 par Charles
Harrison et Paul Wood, proches d’Art & Language, dans leur
anthologie d’écrits fondamentaux sur l’art, <i>Art en
théorie 1900-1990</i>, signalant l’importance du trouble que
connurent nombre d’artistes au tournant des années 1960-1970,
quand il devint clair que le temps des avant-gardes était achevé,
car celles-ci étaient désormais assimilées à l’ordre
capitaliste marchand. Quelle attitude adopter dès lors ? À l’instar
d’Art & Language et d’autres artistes comme Marcel
Broodthaers, ou Michael Asher, Daniel Buren prit le parti de
développer une critique, <i>intra</i> institutions privées
et publiques, des mécanismes de l’art, de ses modes de
(re)présentation, de production et de médiation. Cela donna
naissance à ce qui fut appelé rétrospectivement, à partir des
années 1980, la critique institutionnelle. Quant à Michel
Parmentier, son <i>« arrêt définitif de peindre »</i> en
1968 releva du retrait, car il douta de la capacité de ses œuvres
radicales à résister aux processus fatals de réification,
d’assimilation et d’aliénation marchande, institutionnelle et
idéologique. Ses écrits et entretiens témoignent tous à la fois
de la difficulté dans laquelle s’était retrouvés les quatre
artistes, en 1967, à réfuter régulièrement qu’ils constituaient
un groupe — donc une étiquette, et donc un produit —, et de ses
propres nécessités de retrait, motivées par la fatigue, le dégoût,
le ressassement de la critique radicale et le désir consécutif
d’adopter une éthique du retranchement.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; font-weight: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;">Comme
en témoignent tous les entretiens de Michel Parmentier au cours des
années 1980-1990, cette éthique se développa ensuite, plutôt
qu’en relation avec les écrits et positions de Guy Debord, et
plutôt qu’en relation avec les développements plus récents de
l’art contemporain (ou alors toujours renvoyés, à de très rares
exceptions près, à des positions réactionnaires), à travers la
lecture de Maurice Blanchot et d’Emmanuel Lévinas, et à travers
l’affirmation de la valeur éthique absolue de l’œuvre de Bram
van Velde. Mais ceci est un autre champ d’analyse et d’approche
de l’œuvre de Parmentier à partir de sa « reprise »
de la peinture dans les années 1980, que je ne saurais ici engager.</span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" lang="fr-FR" style="font-style: normal; margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><b>Tristan
Trémeau</b></span></span></span></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div align="JUSTIFY" style="margin-bottom: 0cm; orphans: 2; widows: 2;">
<br /></div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote1">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> <b>(1)</b> <span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Ja
Na Pa fut un groupe constitué de peintres et de sculpteurs
(Christian Bonnefoi, Pierre Dunoyer, Côme Mosta-Heirt, Antonio
Semeraro et Jean-Luc Vilmouth), qui au fil de plusieurs expositions
parisiennes et publications, accueillit ponctuellement d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">autres
artistes comme Tony Cragg et Daniel Buren, entre 1978 et 1981. Ja Na
Pa eut des liens étroits avec la revue </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Macula</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
dirigée par Yve-Alain Bois et Jean Clay (1974-1981), qui opéra des
relectures historiques et théoriques fécondes des avant-gardes
historiques et du modernisme, auxquelles participèrent autant des
historiens de l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">art
(Yve-Alain Bois, Jean Clay, Hubert Damisch, Jean-Claude Lebenstejn</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">…</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">)
que des artistes (Christian Bonnefoi, Pierre Dunoyer, Jean-Luc
Vilmouth).</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote2">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(2)</b><span style="font-weight: normal;"> Cf.
Michael Fried, « Art and
objecthood</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">», </span></span></span><i><span style="font-weight: normal;">Artforum</span></i><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">, été </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">1967,
traduit par Claire Brunet et Catherine Ferbos dans </span></span></span><i><span style="font-weight: normal;">Art
Studio</span></i><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Paris, n°6 (automne 1987)</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote3">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><b>(3)</b> “<span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="it-IT"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Il
para</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">ît é</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">tabli
que l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="en-US"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">essence
irr</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">é</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">ductible
de la peinture se ramè</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">ne </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">à deux
conventions constitutives ou normes : la plan</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">éité </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">et
la d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">é</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">limitation
de la plan</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">éité” </span></span><span lang="en-US"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">(Clement
Greenberg, </span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">“</span></span><span lang="en-US"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">After
abstract expressionnism</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">”,</span></span><i><span style="font-weight: normal;">Art
International</span></i><span lang="es-ES"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
octobre 1962, p.30).</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote4">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup></span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><b>(4) </b> <span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">« </span></i></span><span lang="en-US"><i><span style="font-weight: normal;">What
you see is what you see</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">»</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
cél</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">èbre
affirmation publi</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">é</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">e
dans un entretien de Bruce Glaser avec Donald Judd et Frank Stella
en 1966, publi</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">é </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">notamment
dans Gregory Battock (ed.), </span></span></span><i><span style="font-weight: normal;">Minimal
Art</span></i><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="en-US"><i><span style="font-weight: normal;">:
A critical Anthology</span></i></span><span lang="it-IT"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
New York, E.P. Dutton, 1968</span></span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote5">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(5)</b><span style="font-weight: normal;"> Nicolas
Taraboukine, Du chevalet à </span></span></span><span lang="en-US"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">la
machine, Moscou, </span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">éd. “</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Le
Travailleur de l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Instruction</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">”,
1923</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote6">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(6)</b><span style="font-weight: normal;"> Il
est important de noter que l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">œuvre
de Malévitch et le suprématisme demeurent dans les années 1960
relativement peu connus, contrairement à celle de
Rodtchenko et au constructivisme. Ainsi la revue d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">art
française </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Cimaise </span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">présentait-elle
comme méconnu Malévitch dans son dossier de mai 1968 consacré au
cinquantenaire de la Révolution bolchévique. C</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">est
d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">ailleurs à partir
de la fin des années 1960 qu</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">un
profond travail de recherches et de publications sur Malévitch eut
lieu de la part d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">historiens
de l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">art
français ou établis en France (Jean-Claude et Valentine
Marcadé, Andreï Nakov).</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote7">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup></span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><b>(7)</b> <span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Cf.
Henry Périer, </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Pierre
Restany : Le prophète de l</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">art</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Paris, éd. Cercles d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">art,
1999.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote8">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(8)</b><span style="font-weight: normal;"> « Lettre à François
Mathey</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">»,
publiée dans le catalogue de l</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">exposition </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Douze
ans d</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">art
contemporain en France, 1960-1972</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Grand Palais, Paris, mai-septembre 1972, pp.294-296.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote9">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(9) </b><span style="font-weight: normal;">Cf.
Cédric Loire et Tristan Trémeau, « Les mauvais autres.
Les renversements positifs de Dada</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">», </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Art
21</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Paris, n°5, décembre 2005-janvier 2006.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote10">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(10)</b><span style="font-weight: normal;"> Extrait
d</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">une
lettre publiée par Ben Vautier dans </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Fourre-tout</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">n°2,
Nice, 1967.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote11">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(11)</b><span style="font-weight: normal;"> Cf.
Daniel Buren, Michel Parmentier, </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Propos
délibérés</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
entretiens réalisés par Anne Baldassari, Art édition,
Villeurbanne, 1991.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote12">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(12)</b><span style="font-weight: normal;"> Daniel
Dezeuze, </span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Textes
et notes 1967-1988</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Paris, Énsb-a, 1991.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="sdfootnote13">
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><sup> </sup> </span></div>
<div align="JUSTIFY" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><b>(13)</b><span style="font-weight: normal;"> Toutes
les citations de Frank Popper proviennent de son article </span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">“</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">Cinétisme
et créativité plastique</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">”</span></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,</span></span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">Chroniques
de l</span></i></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="fr-FR"><i><span style="font-weight: normal;">art
vivant</span></i></span><span lang="fr-FR"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
n°1bis, Paris, mars-avril 1969, p.14.</span></span></span></span></span></span></div>
<div align="LEFT" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; text-indent: 0cm; widows: 2;">
<span style="color: black;"> </span></div>
<div align="LEFT" class="sdfootnote" style="margin-left: 1cm; orphans: 2; text-indent: 0cm; widows: 2;">
<span style="color: black;"><span style="font-family: "times new roman" , serif;"><span style="font-size: medium;"><span lang="de-DE"><span style="font-style: normal;"><b>(14)</b><span style="font-weight: normal;"> J.
Murphy, « Patron</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">’</span></span><span lang="de-DE"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">s
statement</span></span></span><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;"> </span></span><span lang="de-DE"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">»,
in </span></span></span><span lang="de-DE"><i><span style="font-weight: normal;">When
Attitudes Become Forms</span></i></span><span lang="de-DE"><span style="font-style: normal;"><span style="font-weight: normal;">,
Berne, Londres, 1969.</span></span></span></span></span></span></div>
</div>
<div dir="LTR" id="Section1">
<div align="JUSTIFY" style="font-style: normal; font-weight: normal; orphans: 2; widows: 2;">
<br /><a href="https://www.blogger.com/null" name="sdfootnote13"></a></div>
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Tristan Trémeauhttp://www.blogger.com/profile/13199769764589919407noreply@blogger.com1